Son nom ne vous dit sans doute rien. Elle figure pourtant en tête des 10 personnes les plus recherchées par le FBI et Europol. Son crime ? Elle aurait organisé la plus importante escroquerie de l’histoire des cryptomonnaies.
Elle a disparu de la surface de la planète en 2017. Elle, c’est Ruja Ignatova, alias la « Crypto Queen ». Cette entrepreneuse bulgaro-allemande de 42 ans est en fuite depuis cinq ans et fait même partie des 10 personnes les plus recherchées par le FBI américain et Europol, l’agence européenne de police criminelle. Les Américains ont promis 100 000 dollars pour toute information qui facilitera sa capture. La raison de sa mise à prix ? Ruja Ignatova a créé une pyramide de Ponzi autour de la cryptomonnaie OneCoin.
Avec son montage financier frauduleux, elle est à l’origine de l’une des plus grandes escroqueries de l’histoire. Une sorte de pendant féminin à Bernard Madoff, le célèbre financier-arnaqueur américain qui a fait perdre plus de 60 milliards de dollars à ses victimes. La « Reine des cryptos » a coûté a minima 4 milliards de dollars aux personnes qui lui ont fait confiance, soit des centaines de milliers de personnes issues de plus de 70 pays.
Une vie tout ce qu’il y a de plus normale… jusqu’à la découverte des cryptomonnaies
La dernière fois qu’elle a été vue, en 2017, elle débarquait en avion à Athènes, en Grèce. Depuis, elle s’est volatilisée. Mais son histoire vaut le détour. Au point qu’elle a fait l’objet d’un podcast de la BBC. Un docu-série et même un film sont en préparation. Baptisé Fake!, ce dernier met en scène Kate Winslet. L’actrice y interprète une des victimes de la pyramide de Ponzi, Jen McAdam, qui a perdu près de 300 000 dollars.
Pourtant, rien ne prédestinait Ruja Ignatova à être l’une des plus grandes arnaqueuses sur Terre. Née le 30 mai 1980 en Bulgarie, elle et sa famille déménagent en Allemagne quand elle a 10 ans. Elle fait de brillantes études et décroche un diplôme de droit de l’Université d’Oxford et un doctorat en droit international privé de l’Université de Constance, en Allemagne. Une vie tranquille s’offre à elle. Elle se marie avec un avocat allemand, Bjorn Strehl, et le couple accueille une fille en 2016. Mais, depuis quelques années déjà, elle a commencé à s’intéresser de près aux cryptomonnaies.
Une véritable gourou pour populariser le OneCoin
Fleurant le bon filon pour gagner beaucoup d’argent, elle s’est formée aux cryptos. Se faisant, elle a rencontré des personnes peu fréquentables, dont un homme d’affaires peu regardant, Sebastian Greenwood. En 2014, elle saute le pas et cofonde avec lui la cryptomonnaie OneCoin. Ce projet sera créé sur les cendres encore chaudes d’une autre crypto, le BigCoin, dont le principe s’apparente déjà au système de Ponzi. C’est-à-dire que les investisseurs plus anciens sont rémunérés grâce aux nouveaux entrants. Et seul le haut de la pyramide sort gagnant.
Selon elle, le OneCoin sera évidemment la future grande monnaie virtuelle concurrente du Bitcoin. Ruja Ignatova le promet : il faudra moins de deux ans pour détrôner la monnaie de référence. Et les investisseurs de la première heure seront richissimes dès que la monnaie aura gagné en popularité. Son bagou y sera pour beaucoup dans le succès, temporaire, du OneCoin.
Elle réussit à remplir d’immenses salles, dont le Wembley Arena à Londres, où elle fait miroiter une richesse immédiate – et facile – à des novices en matière de crypto. Pour gagner le gros lot, il suffit d’investir… C’est ainsi que, en 2016, OneCoin comptait officiellement 3 millions d’investisseurs. Le hic ? Cette cryptomonnaie n’avait aucune utilité… et il était impossible d’échanger ses OneCoin contre des devises classiques, type dollar ou euro.
Un système pyramidal… et presque sectaire
Le projet Ruja Ignatova présente bien des similitudes avec une secte religieuse. Non seulement elle faisait figure de véritable gourou avec ses prêches pour recruter des milliers de petits investisseurs naïfs dans de grandes salles imposantes, mais elle parlait de la « famille » pour évoquer les investisseurs de OneCoin. « Les gens croient qu’ils font partie d’un projet majeur et qu’ils ont investi dans quelque chose qui va changer le monde, et il est quasiment impossible de leur faire admettre qu’ils se sont trompé », a expliqué à la BBC Eileen Barker, spécialiste des mouvements sectaires à la London School of Economics.
Mais, peu à peu, le phénomène OneCoin a attiré les soupçons. Pas de modèle économique, une rémunération supplémentaire promise aux investisseurs qui recruteraient d’autres membres, l’impossibilité de récupérer son argent en dollars et euros, un cours qui ne cesse de grimper mais qui était, en réalité totalement, manipulé par les fondateurs… De plus en plus de personnes ont commencé à observer OneCoin de près. Dont les autorités américaines et chinoises.
Seule solution : disparaître
Selon le Wall Street Journal, elle aurait décidé de se volatiliser en découvrant que son fiancé de l’époque était de mèche avec le FBI. Alors que la grand-messe annuelle du OneCoin était prévue en novembre 2017 à Lisbonne (Portugal), avec de grandes annonces à la clé, Ruja Ignatova disparaît. Deux semaines avant la date fatidique, le 25 octobre, elle prend un vol depuis Sofia, la capitale bulgare, direction Athènes. Depuis, nul ne sait où elle est passée.
Sur sa fiche de mise à prix du FBI, on peut lire : « On pense qu’Ignatova voyage avec des gardes armés et/ou des associés. Ignatova a peut-être réalisé de la chirurgie plastique ou modifié son apparence. » Et d’ajouter : « Elle peut avoir voyagé avec un passeport allemand aux Émirats arabes unis, en Bulgarie, en Allemagne, en Russie, en Grèce et/ou en Europe de l’Est. »
Depuis, elle aurait été vue un peu partout en Europe de l’Est, mais aussi dans des villes comme Dubaï. Ou alors elle vivrait sur un superyacht en Méditerranée. Certains disent aussi qu’elle a été assassinée. D’autres qu’elle mène un grand train de vie sous une fausse identité. Il faut dire qu’avant de disparaître, elle vivait dans l’opulence. Privatisation du Victoria and Albert Museum à Londres pour son anniversaire avec le chanteur Tom Jones en guest, plusieurs propriétés de luxe à Sofia et dans la ville balnéaire de Sozopol en Bulgarie, sur les bords de la mer noire… Rien n’était trop beau. Vivant dans la capitale britannique, elle habitait un penthouse dans Kensington, doté d’une piscine et de plusieurs œuvres d’art signées Andy Warhol. De l’immobilier, des peintures, un bateau de 145 pieds (45 mètres environ)… Autant de possessions bien tangibles. Faciles à revendre. L’opposé exact du OneCoin.