Grand cinéphile, l’auteur et producteur de cinéma Romain Blondeau s’attaque au géant du streaming et l’accuse, notamment, de nuire à la créativité des artistes.
Chez Netflix, les résultats s’annoncent avec des nombres à sept ou neuf zéros. 220 millions d’abonnés dans le monde (dont 10 millions en France), 30 milliards de chiffre d’affaires en 2021, 270 millions de dollars dépensés pour la dernière saison de Stranger Things… La plateforme s’est imposée sur le marché du streaming et ne compte pas descendre de son trône, malgré son bilan décevant de l’année passée. Le géant au grand N a perdu des milliers d’abonnés, mais continue de séduire les spectateurs grâce à ses créations originales. Horreur, romance, drame, biopic, sport, téléréalité… Il investit tous les genres et s’invite sur les terrains de jeu de ses concurrents. Il veut être aimé de tous, et tous les moyens sont bons pour y parvenir. Mais certains voient ces manœuvres d’un mauvais œil.
« Netflix est le fer de lance du capitalisme »
Jean-Luc Godard, qui nous a quittés cette semaine, aurait été de ceux-là. Sa célèbre phrase, « Quand on va au cinéma, on lève la tête. Quand on regarde la télévision, on la baisse. », résonne encore dans la tête de Romain Blondeau. Grand cinéphile, il a consacré sa vie professionnelle au septième art : d’abord en tant que journaliste et critique de cinéma (Le Monde, Les Inrockuptibles, Marie Claire, Vanity Fair), et aujourd’hui en tant que producteur de cinéma pour une société indépendante. Dans son essai Netflix, l’aliénation en série paru le 9 septembre aux éditions du Seuil, il se questionne sur les effets néfastes de la plateforme dans nos vies.
Interrogé par Télérama, l’auteur confie avoir eu l’idée de ce livre durant un voyage en Italie. « J’avais été terrifié en marchant dans les rues de grandes villes comme Rome ou Milan, il n’y avait presque plus de cinémas. Il faut parfois faire des kilomètres pour trouver une salle dans ces lieux qui ont été si riches. » Il poursuit en expliquant que le fait de binger des séries et enchaîner des épisodes plonge le spectateur dans un comportement passif et que Netflix, « en cherchant à capter sans cesse notre attention par tous les moyens, est le fer de lance du capitalisme ».
Selon l’auteur, la plateforme et Emmanuel Macron partageraient la même vision du monde et de l’économie. Son essai, écrit avant les révélations des Uber Files, fait le lien entre l’avènement de Netflix et l’arrivée au pouvoir du Président. Il constate une philosophie commune, qui conduirait à la « destruction créatrice ». Il explique que les séries proposées aujourd’hui sur la plateforme sont plus consensuelles et normées. Leur marge de risque est faible (en témoigne le triste sort réservé à la série Drôle) et le géant du streaming n’hésite pas à délivrer des « conseils » à ses scénaristes pour faire une « bonne » série.