[Critique Rentrée littéraire 2022] Pour son vingtième roman, le roi du best-seller français ne change pas sa recette – qui gagne ! – et donne à lire un thriller aussi simple que diablement efficace. Avec toujours la même obsession : le plaisir du lecteur.
On pourrait appeler ça le « paradoxe Musso » : acclamé partout dans le monde, suscitant les éloges du New York Times aux États-Unis ou d’El Mundo en Espagne, consacré l’année dernière, à la suite de géants comme Roberto Saviano, Margaret Atwood ou encore Henning Mankell, par le prestigieux prix italien Raymond Chandler qui récompense les maîtres du suspense, le romancier suscite pourtant le plus souvent l’indifférence – voire le sarcasme – de la part de la critique française.
Mais Guillaume Musso n’est pas homme à se laisser briser dans son élan romanesque. Livre après livre, faisant fi des médisants sans broncher, il a tissé au fil des années un lien unique avec ses lecteurs et ses lectrices. Car, chaque année depuis plus de dix ans, loin devant ses concurrents, il est l’auteur le plus lu en France, porte-étendard d’une littérature qui continue, contre vents et marées, à séduire les foules.
Les thrillers de l’intime
Avec Angélique, son vingtième roman à paraître le 20 septembre, il se fait une nouvelle fois le chantre d’un thriller de l’intime qui puise sa noirceur et son suspense dans la collision de vies fracassées. En trois parties qui donnent tour à tour la parole aux protagonistes d’une bien étrange affaire, il nous aspire dans un véritable tourbillon romanesque.
D’abord, un huis clos théâtral dans une chambre d’hôpital où l’on croise une dénommée Louise Collange, jeune bénévole à la gueule d’ange qui semble dissimuler un lourd secret. Puis un roman noir à la première personne dans la tête d’Angélique Charvet, une femme aussi désespérée que diabolique qui va commettre l’irréparable dans l’espoir d’une autre vie. Enfin, un thriller à suspense et un combat contre le mal mené par Mathias Taillefer, un ancien flic rongé par ses propres démons. Le lecteur est ainsi trimballé, prisonnier volontaire, dans un dédale assez jubilatoire où les histoires s’entremêlent à loisir, ricochent, puis fusionnent dans un final dramatique.
Creuser la veine romanesque
Rythme effréné, phrases simples : l’alliage salutaire du roman populaire. Il n’y a rien de surprenant à voir Guillaume Musso affirmer fièrement son allégeance à Patricia Highsmith. Angélique résonne comme un écho lointain à son génial Monsieur Ripley. Tous deux racontent le sentiment humain, trop humain, de ne pas être à sa place, ou plutôt de ne pas la trouver. Tous deux mettent en scène un crescendo fatal dans lequel le ressentiment, la souffrance et la colère s’accumulent jusqu’à ce qu’on ne puisse plus les supporter et qu’on soit prêt à tout pour enfin exister. Surtout, le roi du best-seller français et la maîtresse du polar anglais partagent une même vision. Plus que de jouer aux alchimistes du verbe, ils creusent une veine romanesque qui vise à l’efficacité.
Un gros mot qui, en littérature, peut heurter, et qui charrie avec lui son lot de défauts, comme une certaine tendance à la caricature – certains effets de manches hasardeux et des ressorts dramatiques et émotionnels trop appuyés –, mais qui porte en elle une noble priorité, celle de sans cesse divertir, sans cesse enchanter.