Pas un mois sans que de nouvelles séries ne voient le jour. Malgré un choix aussi vaste que varié, on a souvent tendance à se tourner vers celles que l’on a déjà vues maintes et maintes fois. Plus que du divertissement, les séries « doudou » offrent une véritable bulle de (ré)confort et d’apaisement.
On est en pleine semaine, et la journée touche enfin à sa fin. Vous êtes tranquillement installés dans votre coin douillet préféré, prêts à vous détendre, et lancez alors votre plateforme de streaming favorite. Ça tombe bien ! La dernière saison de Stranger Things est enfin sortie et la série Ms. Marvel vaut largement le coup d’œil. Sauf que, plutôt que de découvrir ces nouveaux épisodes, vous décidez de regarder la saison 2 de Mentalist pour la troisième fois depuis le début de l’année. Ce choix que vous venez de faire est loin d’être dû au hasard, et ce n’est d’ailleurs sans doute pas la première fois que vous le faites.
“Il y a des gens qui trouvent du réconfort dans l’ordre et la routine”
Lorsqu’elles traversent des moments difficiles ou souhaitent simplement digérer une journée épuisante, certaines personnes ont tendance à se tourner vers des séries familières afin de chercher un peu de réconfort ou tenter de recharger leurs batteries. Ce choix peut être l’écho d’une envie de retrouver une certaine stabilité et sécurité, comme l’explique le Dr Philippe Domenech, psychiatre et chercheur à l’Institut du cerveau et de la moelle épinière.
« Derrière un comportement, il peut y avoir plusieurs causes. Cela peut être social, pour appartenir à un groupe, ou encore à visée d’apaisement. Il y a des gens qui trouvent du réconfort dans l’ordre et la routine. Face à un environnement réel qui est complexe et plein d’incertitudes, cela peut leur apporter un certain réconfort. »
Une étude réalisée par la professeure Jaye Derrick et publiée en 2013 dans le journal Social Psychological and Personality Science démontre que se plonger dans un univers fictif que l’on connaît déjà nous aiderait à nous ressourcer et à retrouver notre contrôle de soi, notamment après une journée difficile. Et ce plus efficacement qu’un univers fictif complètement inconnu.
Si vous avez plutôt tendance à trouver du réconfort dans la répétition et les environnements familiers, vous allez donc tout naturellement vous orienter vers des séries que vous connaissez déjà, et éviter de vous lancer dans un programme qui pourrait comporter des éléments que vous n’êtes pas en capacité d’appréhender, ni de gérer sur le moment.
Cette valeur positive d’apaisement et de réconfort que l’on donne à nos séries favorites est elle aussi un élément important de la prise de décision, comme nous le décrit le Dr Domenech. « Un choix, c’est sélectionner une option parmi un ensemble d’alternatives. Choisir une série, c’est ce que l’on appelle des choix économiques ou choix de valeur, et cela s’apparente à sélectionner un plat sur un menu. Ce sont des choix basés sur la valeur subjective qu’on leur accroche, la valeur subjective que l’on attend en retour. Par exemple, si je regarde un épisode de Friends, je m’attends à ce qu’il ait une valeur dans mon espace monétaire interne, et je vais le comparer aux autres options. »
Du côté du cerveau, toute l’action se déroule à l’avant, au niveau du cortex préfrontal, et plus particulièrement dans une zone appelée cortex orbitofrontal. Cette région est connue pour être responsable de la prise de décision, mais aussi de l’expression de la personnalité.
Et les algorithmes dans tout ça ?
Nos choix peuvent donc être influencés par nos humeurs et les événements qui ont marqué notre journée, mais aussi par un outil sans cesse enrichi par les plateformes de streaming : les algorithmes de recommandations personnalisées. Ces derniers vous orientent vers des séries qui correspondraient (avec plus ou moins d’exactitude) à ce que vous avez l’habitude de regarder. Pour vous faire ces propositions censées être pertinentes, les algorithmes se basent sur vos habitudes de lecture et analysent les programmes que vous avez déjà regardés, leur genre, quand et pendant combien de temps vous les avez regardés, leur casting et boîte de production, ou encore les programmes que vous n’avez pas regardés.
Dans ce cas de figure, vous ne serez pas orientés vers une série que vous avez déjà vue, bien que cela puisse arriver, mais plutôt vers une série usant des codes qui vous plaisent habituellement. Les algorithmes vont donc vous pousser à rester dans des univers qui vous parlent et dans lesquels vous pouvez une fois de plus vous retrouver. Par exemple, si vous avez visionné l’ensemble des séries Star Trek disponibles sur une plateforme, il est très probable que l’algorithme de cette dernière juge judicieux de vous prévenir de la sortie d’une nouvelle itération.
Quand séries favorites et émotions se rencontrent
Il est assez évident que ces séries de cœur que l’on prend plaisir à visionner encore et encore servent avant tout à nous faire du bien et nous apporter ce dont on a besoin. Que ce soit pour se remonter le moral après un coup de mou ou une mauvaise journée, se détendre, retrouver une forme de stabilité ou tout simplement revivre des émotions passées, elles font toujours leur effet même après le cinquième visionnage. Ce ne sont certainement pas les amateurs de séries que nous avons interrogés qui vous diront le contraire.
Pour Mae, 30 ans, à chaque émotion sa série. « Je regarde I Am the Night quand je veux ressentir de la tristesse, The Big Bang Theory quand j’ai envie de rire. » De son côté, Lisa, 26 ans, se plaît à redécouvrir les séries qui la réconfortent. « J’aime bien revoir ce que je connais parce que même si je sais comment cela va se terminer, je vois de nouveaux détails à chaque fois. De manière générale, ça m’aide pendant des moments un peu difficiles. »
« Si j’aime découvrir de nouvelles séries, j’ai aussi besoin de similarité, de choses qui sont et le seront toujours. C’est apaisant d’avoir un repère à jamais stable. »
Angie, 25 ans
Angie, 25 ans, est quant à elle rassurée par l’absence totale de surprise et le sentiment de sécurité que cela lui apporte, surtout lorsque son handicap complique son quotidien. « L’épisode ne va pas changer. Pas de trahison possible. Je sais comment ça va se passer, je connais chaque réplique et rebondissement, pas de suspens, pas d’angoisse, pas de découverte. Si j’aime ça, découvrir de nouvelles séries, j’ai aussi besoin de similarité, de choses qui sont et le seront toujours. C’est apaisant d’avoir un repère à jamais stable. »
Enfin, pour Saul, 45 ans, séries favorites rimes avec souvenirs et famille. « Ma série doudou par excellence est Columbo. J’ai beau les avoir tous vus, j’y reviens et redécouvre des détails, des acteurs. À vrai dire, j’ai grandi avec cette série, mon père l’adorait. Puis ma mère, à qui plus tard nous avons offert le coffret intégral. Mes parents sont morts à quelques années d’intervalle. J’ai récupéré le coffret de Columbo et en vacances c’est un rituel avec les enfants. Il y a aussi Ally McBeal, découvert avec ma mère et ma sœur. J’ai des souvenirs tellement présents de rires et de larmes… Je me rends compte que ces séries doudous me réchauffent le cœur et me font penser à ma famille et à ces moments ensemble. »
De quoi se rappeler que les séries sont avant tout des vecteurs d’émotions, qu’on les partage avec ses proches ou simplement avec soi-même.
