Le film Les Minions 2 : il était une fois Gru cartonne au box-office un peu partout dans le monde. Les ados se ruent en costume-cravate aux projections… Explications.
Depuis sa sortie en salle en France le 6 juillet dernier, Les Minions 2 : il était une fois Gru a détrôné le remake de Top Gun en tête du box-office français. Aux États-Unis aussi, le film d’animation est un carton et a réussi la gageure de faire revenir les adolescents au cinéma, qu’ils avaient déserté depuis la pandémie. Mais ce qui est frappant n’est pas tant le succès du film que les raisons sous-jacentes à ce succès. TikTok et la chanson Rich Minion du rappeur Yeat sont pour beaucoup dans cette réussite.
Aux États-Unis, le phénomène est surnommé Gentleminions, un mot-valise qui combine gentleman et Minions. Le tout est venu d’une nouvelle trend sur le réseau social prisé des ados, TikTok. Des jeunes ont décidé de se filmer en train d’assister au cinéma à la projection des Minions 2 vêtus de tenues de soirée et avec une banane, puis en train d’exulter de joie de manière exagérée durant la projection du long-métrage, d’applaudir à l’unisson à des moments précis. Et, bien sûr, ils ont partagé ces instants sur TikTok, accompagnés du morceau Rich Minion du rappeur américain Yeat. À date, le hashtag #Gentleminions a plus de 170 millions de vues (et près de 20 millions pour #Gentleminion).
Pour la discrétion, on repassera
Des hurlements, des spectateurs qui se lèvent et applaudissent à tout-va durant la projection… Le phénomène n’est pas des plus discrets et perturbe les autres spectateurs venus bien souvent avec des enfants voir Les Minions 2. Au point que certaines salles de cinéma ont affiché des mises en garde. Au Royaume-Uni, en raison de débordements, certains cinémas ont carrément interdit la venue de mineurs costumés non accompagnés pour éviter la cohue et les dégradations dans les salles. Certaines familles avaient même quitté la salle avant même le début du film tellement leurs enfants pleuraient.
En effet, il n’est pas rare que plusieurs dizaines d’adolescents se regroupent pour investir une même projection. Évidemment, cela n’a fait qu’attiser le Minions Cult comme on l’appelle là-bas. Et les jeunes ont bien souvent trouvé la parade en enfilant jogging et doudoune par-dessus leur tenue de soirée avant de se déshabiller une fois dans la salle et contourner ainsi l’interdiction.
De Moi, moche et méchant à la saga des Minions
Pour comprendre cette trend, il faut remonter dans le temps. En 2010, le premier volet de la saga, Moi, moche et méchant, sort en salle. On découvre pour la première fois les Minions, ces créatures jaunes un peu bébêtes, pétries de mauvais esprit, à l’humour ravageur et à l’instinct grégaire. Prénommés Norbert, Kevin, Stuart ou encore Bob, ces Minions sont nés de l’imagination d’un Français, Pierre Coffin. Que des garçons : « En réalisant à quel point ces petits êtres étaient stupides, je n’ai pu imaginer des Minions filles », assure le réalisateur et animateur.
Au regard du succès de Moi, moche et méchant et de l’engouement pour les créatures jaunes portant lunettes et bleus de travail, Pierre Coffin, avec son acolyte Kyle Balda, décide de leur dédier une saga, en plus de toujours apparaître dans la franchise Moi, moche et méchant (trois films sortis en 2010, 2013 et 2017). C’est ainsi que sort Les Minions en 2015. Leur attitude, leur langage inconnu – un mélange de français, d’espagnol, d’italien, d’anglais, mais aussi d’un peu d’indonésien et de japonais – et leur « Banana » en font un nouveau succès. La sortie des Minions 2 était prévue en 2020, mais la pandémie l’a repoussée de deux ans. Du retard à l’allumage, mais un réel succès au box-office.
Sorti le week-end du 4 juillet dernier, jour de fête nationale aux États-Unis, le film d’animation a battu le record de revenus au lancement de Transformers: Dark Side of the Moon (2011). Les Minions 2 totalise 128 millions de dollars sur les deux premiers jours d’exploitation aux États-Unis, et 164 millions sur la première semaine en salle. S’il suit cette trajectoire, le film pourrait franchir le milliard de dollars de revenus sur l’ensemble de son exploitation, comme ce fut le cas pour Minions et Moi, moche et méchant 3. Inespéré après deux ans de Covid.
De l’ironie au sarcasme
Si c’est l’ironie des Minions qui a fait leur succès auprès des plus jeunes au début, leur popularité a fini par atteindre leurs parents grâce à Facebook. Des memes sur la parentalité ont commencé à se multiplier, puis, façon boomerang, le succès est revenu chez les plus jeunes – passés d’enfants à jeunes adultes au fil des ans –, mais avec un twist : entre-temps, l’ironie avait viré au sarcasme.
C’est là qu’entrent en scène les Gentleminions qui, ayant grandi, se moquent des fans de base des Minions mais… le sont malgré tout en vouant un culte aux personnages tout en s’en moquant. Vous suivez ? Selon PostTrak, cité par The Hollywood Reporter, 34 % de l’audience des Minions 2 : il était une fois Gru sont des jeunes de 13 à 17 ans. Une tranche de la population qui n’est généralement pas aussi nombreuse pour un film d’animation. D’ailleurs, pour Moi, moche et méchant 3, sorti en 2017, ces ados ne représentaient alors que 8 % de l’audience. En voulant se moquer de personnages qui étaient leurs héros d’enfance, ils en ont fait des héros pour une nouvelle tranche démographique : eux-mêmes, mais avec quelques années de plus.
Depuis le 4 juillet 2022, il se passe un phénomène que les studios de cinéma et salles de projection pensaient impossible : les ados reviennent au cinéma pour Les Minions. Une situation appréciée par Universal Pictures, qui est derrière la franchise et qui a bien compris où était son intérêt. Le studio a tweeté « À tous ceux qui viennent voir @Minions en costume : nous vous voyons et nous vous aimons ».
Le succès sonnant et trébuchant de ce phénomène TikTok pourrait donner des idées aux studios qui cherchent à faire revenir différents publics en salle. Un quatrième volet de Moi, moche et méchant est prévu pour juillet 2024. Rendez-vous pour une nouvelle trend dans deux ans ?
