Elle est l’une des chanteuses les plus emblématiques de sa génération. Presque 10 ans après son dernier album, « Les sources », Vanessa Paradis revient à la chanson avec son huitième album, « Le retour des beaux jours », réalisé par Étienne Daho. L’occasion de revenir sur les titres les plus marquants de sa longue carrière.
La magie des surprises parties
Quand on pense à Vanessa Paradis et le début de sa carrière, vient immédiatement à l’esprit Joe le taxi. Outre son passage dans L’émission l’Ecole des fans de Jacques Martin où elle interprétait Je m’appelle Emilie Jolie de Philippe Chatel, c’est aux Forbans que l’on doit le premier enregistrement de la future star.
L’histoire commence avec une rencontre, celle de la tante de Vanessa et de Philippe Masse (guitariste des Forbans). Ce dernier lui confie que le groupe recherche une petite fille pour interpréter un titre, La magie des surprises parties. La tante lui parle de sa nièce. Lorsqu’elle arrive dans le studio et entend la musique, la toute jeune Vanessa commence à danser. Convaincu que c’est exactement la fillette qu’ils cherchaient, ils lui font enregistrer le titre – avec l’accord des parents.
Les maisons de disques ne sont pas du tout convaincues du potentiel du titre et ce malgré le fait qu’elle arrive avec cette chanson, deuxième du festival Ambrogino (une sorte d’Eurovision pour les enfants). Voyant que rien n’aboutissait, le clan Paradis passe à autre chose. Cela sera Joe le taxi.
Joe le taxi (album M&J – 1987)
Contrairement à ce que le clip peut le laisser penser, Joe le taxi n’a pas été inspiré par un chauffeur de taxi new-yorkais, mais par une femme chauffeur de taxi, Maria José Leão dos Santos, très connue des nuits parisiennes. Elle travaillait au Privé, un club lesbien mixte comme chauffeur de taxi de nuit. Dans ce club passait le gratin de Paris, les artistes et Etienne Rhoda-Gil, déjà auteur renommé, en fasaiit partie. Rhoda-Gil se faisait régulièrement ramener chez lui par Maria. Lors de ces trajets, ils discutaient et il la faisait parler de sa vie, de son amour pour la musique portugaise, la rumba, le mambo… L’univers est posé.
C’est Franck Langolff qui composera la musique. L’oncle de Vanessa Paradis lui fait croiser Langolff dont il est l’ami. Vanessa Paradis fait les choeurs sur deux titres de l’album, Normal de Langolf. Vient ensuite la rencontre avec Etienne Rhoda-Gil. La chanteuse en herbe n’a que 14 ans quand le titre sort en avril 1987.
En trois mois, il atteint la première place des ventes en France et y reste pas moins de onze semaines. Ce succès et cette surexposition fera des jaloux. L’ado-star ne fait pas l’unanimité. Soit on l’aime, soit on la déteste. Elle ira jusqu’à se faire huer au Midem en 1988 pendant sa prestation. Ce succès vertigineux et les attaques lui donneront envie d’arrêter. Ce sont les succès à l’international notamment en Angleterre, dernier pays à s’intéresser à Joe le taxi et cette effervescence autour de Paradis qui lui feront changer d’avis. Heureusement !
Tandem (album Variations sur le même t’aime – 1990)
Après le succès du premiuer album, M&J, emporté par Joe le taxi et Marylin et John, vient le temps du deuxième album. Polydor, la maison disques, rappelle Langolff et Rhoda-Gil aux manettes. Seulement, Rhoda Gil, ayant perdu sa femme, ne veut pas s’engager dans l’écriture de l’album. On demande à Renaud et Souchon de palier cette défection. Tout est prêt. Vanessa Paradis doit entrer en studio. Mais cela va ne pas se passer comme prévu.
Le grain de sable ? La rencontre entre Vanessa Paradis et un certain… Serge Gainsbourg. Celle-ci se passe aux Victoires de la musique le 4 février 1990 où Paradis reçoit la Victoire de la meilleure artiste féminine. Le lendemain de cette soirée, Gainsbourg clame dans la presse qu’il aimerait travailler pour elle. Ni une, ni deux, Didier Pain, le manager de Paradis, appelle Gainsbourg. La collaboration est lancée.
Celle-ci ne sera pas de tout repos pour le grand Serge, peu habituée à ce qu’on lui retoque une chanson. Le titre Lolycéenne, Paradis ne l’accepte pas du tout et demande à Gainsbourg de revoir sa copie. La copie corrigée sera Tandem. Le superbe clip, en noir et blanc, est signé Jean-Baptiste Mondino. Gainsbourg aura réussi à transformer l’image de Vanessa Paradis, et ce quelques mois avant sa mort. Avec cette image de transformation de jeune fille à jeune demoiselle, elle devient le petit oiseau de Jean-Paul Goude et l’égérie de Chanel, à seulement 18 ans.
Be My Baby (album Vanessa Paradis – 1992)
Vanessa Paradis est sur un petit nuage. Tout ce qu’elle touche se transforme en or. Pour lui aussi, ses deux premiers albums sont des succès. Il a le vent en poupe et est tête de proue d’une pop américaine effervescente. Ce garçon, c’est Lenny Kravitz. Vanessa a vraiment un coup de coeur artistique pour Kravitz. Elle décide de le contacter et lui proposer de travailler avec elle. Il accepte et il devient après Gainsbourg son nouveau pygmalion.
C’est à New York qu’elle enregistre l’album. Kravitz écrit la quasi totalité des titres avec son acolyte Henry Hirsch. Vanessa en écrit deux et l’on trouve dans la liste des collaborateurs Lou Reed pour I’m Waiting For The Man. Sa pop se pare de soul comme Lenny sait si bien le faire. Avec un nouveau look un peu seventies, Paradis passe à l’anglais avec efficacité.
Le tourbillon de la vie à Cannes – 1995
Nous sommes à Cannes, en 1995. C’est le Festival du film. Jeanne Moreau est à l’affiche du film Les cents et une nuits de Simon Cinéma d’Agnès Varda. Elle est en plus la présidente du jury du festival. Lors de la cérémonie d’ouverture, Vanessa Paradis, accompagnée du guitariste Jean-Félix Lalanne, entame Le tourbillon de la vie. Jeanne Moreau est au premier rang. Vanessa s’approche de plus en plus de l’interprète originelle et cette dernière se lève. Les deux femmes finissent main dans la main et yeux dans les yeux et chantent cette magnifique chanson tirée du film Jules et Jim.
Ce moment, à la fois musical et télévisuel, est anthologique et surtout d’une magie inaltérable. Il y a une indicible beauté dans cette connivence et connexion artistique. Ce moment suspendu scelle une amitié entre la jeune fille de 22 ans et la grande dame de 67 ans. A la fin de la chanson, Jeanne Moreau dit quelques mots à l’oreille de la chanteuse : « Je suis et resterai ta marraine de coeur ». Elles tourneront ensemble en 2008, Un amour de sorcière avec Jean Reno.
La ballade de Lily-Rose (album Bliss – 2000)
Vanessa Paradis découvre la maternité. Elle donne naissance à Lily-Rose, fruit de sa relation avec l’acteur américain, Johnny Depp. Comme beaucoup d’artistes, ce petit être inspire. C’est le cas pour Paradis qui inlassablement, écrit, réécrit la chanson pour sa fille. Elle aura mis du temps pour l’écrire mais cette ballade épurée, assez acoustique reflète toute la douceur dont la maman enveloppe sa fille. A la fin de la chanson, on peut entendre la voix de la petite Lily Rose disant, tendrement, « Mummy ».
« Les textes sur ma fille, d’autres les auraient écrits mais moi, je connais son souffle par coeur« , confiait Vanessa Paradis à Télérama en 2000.
Pourtant (album Bliss – 2000)
C’est sur l’album Bliss que Vanessa Paradis et Mathieu « M » Chedid entament leur relation artistique. Mathieu Chedid a déjà quelques albums au compteur et surtout est très connu dans le milieu musical, pas seulement parce qu’il est le fils de Louis, mais surtout parce que ce guitariste ultra-doué joue pour de nombreux artistes, dont Vanessa.
Cete collaboration album scelle une amitié. Pourtant est signé M pour la musique et Franck Monnet pour le texte. Le clip, lui, est réalisé par un certain « Richard Mudd » qui n’est autre que Johnny Depp. Chacune des images de la pellicule a été redessinée, recolorisée ou agrémentée de dessins par les deux amoureux. Il se murmure que sur des plans du clip, auraient été gravés sur la pellicule, LRD (Lily-Rose), JD (Jack Depp), ♥ et VP, (Vanessa Paradis). Pour les voir, faire défiler le clip image par image.
Divine Idylle (album Divine idylle – 2007)
Pour Divine Idylle, Vanessa Paradis fait appel à son ami Mathieu Chedid, sept ans après Bliss. Vanessa a pris du temps pour concocter cet opus aux allures musicales plus rock. Le titre éponyme est signé Marcel Kanche pour les paroles. Kanche est un poète avec qui M avait travaillé sur l’album Qui de nous deux. Elle a souhaité la participation de multiples auteurs, musiciens : Patrice Renson, Jean Fauque (parolier d’Alain Bashung), Jérôme Godet (bassiste de Saez), Olivier Lude, Brigitte Fontaine. C’est un des plus gros succès de l’année. Outre le succès commercial, Divine Idylle recevra la Victoire de l’album de chansons de l’année et Paradis, celle d’interprète féminine de l’année. La pochette est une peinture de Johnny Depp.
Les espaces et les sentiments (album Love Songs – 2013)
Après Gainsbourg, Kravitz, M, c’est au tour du génial Benjamin Biolay d’être le collaborateur attitré de son sixième album. L’album s’appelle Love Songs et il est double, ambitieux. Cet opus est né dès la création de son Best of où de multiples artistes avaient été sollicités pour écrire une chanson inédite. C’est celle de Gaëtan Roussel, Il y a, qui avait finalement été sélectionnée.
Vanessa Paradis avait gardé quelques titres de côté auxquels se sont ajoutés ceux de Biolay. « Il m’a envoyé des chansons déjà arrangées qu’il avait faites pendant qu’il enregistrait son album. La première c’était +Prends garde à moi+. J’ai entendu les arrangements et j’ai pris une claque. L’idée qu’il réalise le disque est venue pratiquement en même temps« , a-t-elle expliqué aux Inrockuptibles.
Outre Biolay, Adrien Gallo, Michael Furnon, Carl Barât ou encore Mathieu Boogaerts font partie du casting. Plus mélancolique qu’à son habitude, Vanessa Paradis s’offre un petit bijou qui nous laisse voir toute l’étendue et la profondeur de son talent.
Bouquet final (album Le retour des beaux jours – 2025)
« Etienne n’est pas là par hasard du tout. On s’est regardés dans les yeux et on s’est, je pense, aimés tout de suite. Avant de se connaître, on avait confiance l’un en l’autre. Depuis 30 ans qu’on se connaît, on avait tant de choses à se dire et à dire sur ce disque. C’est quelqu’un de si talentueux. Il y avait des fois où j’avais presque l’impression qu’il savait mieux ce que je voulais que moi-même. C’était le rêve de faire cette musique ensemble, c’était le moment », a confié Vanessa Paradis au micro de RTL à propos de son nouvel album Le retour des beaux jours.
Leur duo sur l’album d’Etienne Daho, Tirer la nuit sur les étoiles, a sans doute déclenché cette collaboration. Il faut dire que l’univers pop de « ED » semblait une évidence pour la chanteuse. Pour la chanson Bouquet final, les guiatres funky relevées de subtiles cordes et choeurs offrent à cette rupture tout son punch mais aussi toute son élégance. Vanessa Paradis est maîtresse des règles du jeu et non plus une muse bien sage. Le retour des beaux jours marque son retour en beauté.