En octobre, Netflix se place sous le signe de la paranoïa et de la tension. Des ruelles du Caire au pouvoir américain, des légendes de l’horreur aux génies de la folk, la sélection du mois dresse une cartographie fiévreuse des obsessions qui nous hantent.
Les sorties Netflix d’octobre 2025 seront éclectriques. On retrouvera tout d’abord la géniale Kathryn Bigelow – avec pas moins de trois films ! –, mais aussi des longs-métrages du réalisateur Tarik Saleh, au cœur de la corruption du Caire. On retrouvera également les frères Coen qui suivent les pas d’un musicien à la dérive. Et des figures tutélaires de l’épouvante. Le point commun de ces films : des personnages saisis à leur point de rupture, au moment précis où l’obsession prend le pas sur la raison.
1er octobre : Zero Dark Thirty, Kathryn Bigelow
Dix ans de traque, deux heures trente de tension pure. Avant de dévoiler son nouveau thriller le 24 octobre, Netflix nous offre une salvatrice piqûre de rappel. Avec Zero Dark Thirty, Kathryn Bigelow ne filme pas la traque de Ben Laden, elle en orchestre la mécanique obsessionnelle.
Porté par une Jessica Chastain habitée, le film est un thriller politique implacable et éprouvant, qui ne craint pas de regarder en face les zones grises d’une Amérique post-11 septembre. Bien loin du film de propagande, Bigelow signe une œuvre aride et complexe sur la crise morale d’un pays, quitte à susciter la polémique.
1er octobre : Inside Llewyn Davis, Ethan et Joel Coen
Folk, poisse et chat roux : la magnifique lose d’un musicien de génie par les frères Coen. Dans le Greenwich Village de 1961, Llewyn Davis, talentueux mais fauché, navigue entre canapés d’amis et clubs enfumés, guitare en bandoulière et un chat comme improbable compagnon d’infortune.
Ethan et Joel Coen signent là l’un de leurs films les plus mélancoliques, une ballade hivernale tragicomique sur un homme à contretemps de son époque. La structure narrative en boucle parfaite et cruelle transforme son errance en purgatoire sans fin. Porté par une photographie aux teintes glacées et un Oscar Isaac bouleversant, Inside Llewyn Davis est une œuvre poignante, élevant le perdant magnifique en figure tragique de la création.
3 octobre : Steve, Tim Mielants
À peine séparés que les voilà de nouveau rassemblés : après le succès de Tu ne mentiras point, le réalisateur Tim Mielants retrouve son formidable duo d’acteurs, Cillian Murphy et Emily Watson. Fraîchement oscarisé pour Oppenheimer, Murphy incarne le directeur d’une maison de correction pour jeunes en difficulté. Le temps d’une seule journée, son équilibre mental vacille face à deux pensionnaires qui vont le pousser dans ses derniers retranchements.
Adapté du roman acclamé Shy de Max Porter, Steve est un huis clos électrique, un drame psychologique féroce porté par une performance de l’acteur irlandais que la presse anglo-saxonne qualifie déjà d’incandescente.
7 octobre : Halloween, David Gordon Green
Pendant des décennies, le monstre a dormi pendant que sa victime, elle, est restée en alerte. D’un geste radical, David Gordon Green raye toutes les suites de la carte pour ne garder que l’essentiel : le face-à-face, quarante ans après la nuit originelle.
L’éternelle Jamie Lee Curtis reprend son rôle de Laurie Strode, non plus en proie terrorisée, mais en chasseresse paranoïaque qui a transformé sa vie en un piège mortel. Halloween devient alors une relecture brutale et viscérale du mythe qui replace la silhouette de Michael Myers au cœur de nos angoisses. Jouissif et radical.
20 octobre : Kill Bill : volumes 1 & 2, Quentin Tarantino
La Mariée était en noir, Le Jeu de la mort, Lady Snowblood… Dans Kill Bill – Vol. 1 & 2, diptyque tranchant et multi-référencé porté par la grande Uma Thurman, Quentin Tarantino transforme la vengeance en opéra pop où la liste de Truffaut se coche désormais au fil du sabre. Une furie visuelle dont la bande-son virtuose, supervisée par RZA, fait dialoguer le Bang Bang de Nancy Sinatra avec la voix de la folkeuse japonaise Meiko Kaji – l’héroïne même du Lady Snowblood de Toshiya Fujita (1973).
Le premier volume est une apothéose chanbara qui s’achève dans le ballet sanglant de la Villa Bleue, là où le second, plus bavard, prend des allures de western crépusculaire. Œuvre somme, virtuose et jouissive.
20 octobre : Le Projet Blair Witch, Daniel Myrick et Eduardo Sánchez
En 1999, trois étudiants disparaissent dans une forêt du Maryland. Un an plus tard, on retrouve leurs enregistrements. C’est sur ce postulat de départ d’une simplicité terrifiante que Le Projet Blair Witch de Daniel Myrick et Eduardo Sánchez a nourri sa légende pour s’imposer comme un véritable phénomène : l’acte de naissance du found footage ! Doublé d’une leçon de marketing viral qui brouille les frontières du réel.
Vingt-cinq ans après, le film n’a rien perdu de sa puissance. Nul besoin de monstre : un craquement de branche, des tas de pierres et des cris dans la nuit suffisent à glacer le sang. Une terreur brute, qui change durablement les codes de l’épouvante et hante encore l’inconscient collectif.
22 octobre : Coupez !, Michel Hazanavicius
Remake du phénomène japonais Ne coupez pas ! de Shinichiro Ueda ? Bien plus que ça. Michel Hazanavicius s’empare de ce film de zombies à petit budget pour signer, avec Coupez !, une mise en abyme jubilatoire portée par Romain Duris et Bérénice Bejo. C’est une déclaration d’amour contagieuse au cinéma « système D ».
Le film se déploie en deux temps : une première demi-heure volontairement chaotique, qui laisse place à une seconde partie hilarante dévoilant les coulisses de ce tournage impossible. Une comédie brillante et inventive sur la magie et les petits miracles du cinéma.
24 octobre : 100 % Kathryn Bigelow : A House of Dynamite & Démineurs
Treize ans après Zero Dark Thirty, Jessica Chastain retrouve Kathryn Bigelow pour A House of Dynamite, thriller haletant planté au cœur d’une centrale nucléaire en crise. Entre sabotages invisibles, pressions politiques et menaces imminentes, le film installe une atmosphère de tension extrême où chaque décision compte. Bigelow explore la peur sourde d’un désastre à la fois technologique et humain, mêlant paranoïa et fragilité psychologique avec une maîtrise du suspense oppressant.
En parallèle, Démineurs, fresque irakienne multi-oscarisée, revient aussi sur la plateforme au N rouge. Deux bombes à retardement, deux visions de la peur, un même art du chaos.
26 octobre : Le Caire Confidentiel & La Conspiration du Caire, Tarik Saleh
Plongée immersive dans les coulisses d’une Égypte secouée par la corruption et les tensions politiques, ce diptyque signé Tarik Saleh dissèque avec précision les rouages d’un système gangrené. Le Caire Confidentiel s’inspire d’un fait divers poignant pour offrir un polar noir et tendu, porté par un flic ripou mais animé d’une vraie intégrité et incarné avec force par Fares Fares.
La Conspiration du Caire, quant à lui, poursuit l’enquête en explorant les secrets de l’université Al-Azhar, transformée en véritable nid d’espions. Deux thrillers puissants et haletants, qui mêlent suspense et critique sociale avec une froideur implacable.
29 octobre : Ballad of a Small Player, Edward Berger
Fort du succès critique de son Conclave et après le choc d’À l’Ouest, rien de nouveau, Edward Berger s’allie à Colin Farrell, Tilda Swinton et Fala Chen pour signer un thriller psychologique captivant. Adapté du roman de Lawrence Osborne, Ballad of a Small Player suit Lord Doyle, joueur compulsif et petit escroc en cavale à Macao, fuyant dettes et passé trouble. Sa rencontre avec une mystérieuse âme sœur pourrait bouleverser son destin.
Une plongée feutrée, sombre et hypnotique, portée par une performance magistrale de Farrell. THE candidat « Netflix » aux Oscars, dit-on !
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