D’Avatar à Stromae, du Da Vinci Code à The Revenant, les décennies 2000-2010 ont été marquées par des œuvres fortes et des artistes inspirés. À l’occasion des 70 ans de la Fnac, revenons donc sur vingt années où l’enseigne culturelle a accompagné la sortie de ces livres, films et albums cultes, qui constituent notre univers culturel actuel.
Cinéma
Vers les étoiles
Le passage de l’an 2000 représentait, au XXe siècle, un cap : pour nos aînés, la vie au IIIe millénaire ressemblerait à la science-fiction classique. Et pourtant, loin des voitures volantes et de la colonisation martienne, c’est bien vers le cinéma qu’il a fallu se tourner pour rêver encore de progrès.
Deux films, différents l’un de l’autre, représentent bien cette vision futuriste, mais contrastée. D’abord Gravity, survival situé en orbite, qui suit en temps réel, la tentative de fuite d’une astronaute américaine vers la Terre après un accident. Une vision de la conquête spatiale spectaculaire, sensorielle, et surtout angoissante, à mille lieues de l’optimisme qui entourait le sujet jusqu’alors.
C’est le même caractère ambigu qui agite Interstellar, dont le point de départ est l’impossibilité de vivre sur Terre et la nécessité de coloniser des planètes lointaines. Portée par un scénario de Christopher Nolan, cinéaste qui aime jouer sur l’espace et le temps, le film présente des scènes vertigineuses et fait date pour son lien entre science et amour, thème central de ce magnum opus de la science-fiction récente.
Du cinéma qui fait de la musique
Dans le septième art, les genres sont affaire de mode. Durant les années 2000-2010, le biopic fait florès. Bohemian Rhapsody, portrait de Freddie Mercury avec Rami Malek, ressemble à la quintessence de ce style. Revenant sur la vie du chanteur de Queen avec force épisodes musicaux, cette reconstitution d’une époque de la pop aura renforcé la légende qui entoure l’une des stars du XXe siècle.
Autre genre, autre destin : dans les années 2010, la comédie musicale ne représente plus le courant dominant du cinéma américain, par comparaison avec les années 1950-1960. Mais en 2017, La La Land reprend les codes de cet âge d’or et le propulse dans une nouvelle dimension. Ryan Gosling et Emma Stone, acteurs majeurs de notre temps, crèvent l’écran dans cet exercice de style coloré et jazzy.
Franchises, remake et reboot
Autre genre désuet, le péplum tient son retour en grâce avec Gladiator, variation sur l’époque historique dépeinte dans La Chute de l’Empire Romain, portée par un flamboyant trio Ridley Scott (réalisateur)- Russell Crowe (rôle principal)- Hans Zimmer (compositeur). Ce blockbuster spectaculaire sur l’Antiquité est même devenu une franchise en cette année 2024 avec la sortie en novembre du deuxième épisode.
Saga livresque record des années 1990, Harry Potter gagne encore en popularité en 2001 à la sortie au cinéma d’Harry Potter à l’école des sorciers. Huit films plus tard, cette adaptation de la vie d’un jeune magicien investi d’un pouvoir gigantesque réussit son pari de transcrire au cinéma un imaginaire fascinant, notamment grâce à son casting (Daniel Radcliffe, Emma Watson…).
Le début du troisième millénaire a été marqué par la relecture de franchises connues. Avec Casino Royale, James Bond opère une résurrection, sous les traits de Daniel Craig, au milieu des années 2000. Nouveau ton, plus sombre, nouvelles intrigues, plus réalistes : ce « reboot » aura marqué l’agent 007 et donne une impulsion différente à la saga.
En 2009, une toute nouvelle franchise voyait le jour : Avatar. Basé sur une technologie novatrice (pour l’époque), la 3D, le film de James Cameron introduisait un tout nouvel univers créatif, entre fantasy et science-fiction, autour d’une fable écologique épique. De quoi inventer un monde qui se déploie au fil des suites, dont Avatar : La Voie de l’eau, et un troisième épisode en 2025.
Le cinéma d’auteur brille à Hollywood
Autre tendance du cinéma récent : la présence d’auteurs venus du cinéma indépendant, européen ou américain, parmi les grandes figures d’Hollywood. Ainsi, avec The Revenant, rôle majeur pour Leonardo DiCaprio qui y glanait enfin son oscar du meilleur acteur, Alejandro Gonzalez Inarritu réalisait un film à gros budget sans aucune concession artistique, dépeignant le parcours d’un trappeur à travers moult dangers.
Le même phénomène a consacré Nicolas Winding Refn, grand nom du cinéma européen, avec son premier film tourné aux États-Unis, Drive. Film de gangster/cascadeur boosté à la musique électro et porté par un Ryan Gosling hiératique à souhait, le long métrage concilie genre et auteurisme sans perdre en qualité ni en efficacité.
Musique
Les divas phénomènes
Les deux dernières décennies ont mis en exergue la voix de femmes à part, à l’identité artistique complète. Souvent autrice-compositrice, elles ont largement contribué à l’actualité musicale du troisième millénaire.
Avec ses influences jazzy et son timbre de voix si caractéristique, Norah Jones frappait un grand coup à l’occasion de son premier album, empli de tubes, Come Away With Me. Au passage, avec son hit Don’t Know Why et son succès colossal, la jeune femme ressuscitait le vieux label Blue Note.
Une même sonorité vintage irradiait le deuxième album d’Amy Winehouse, Back to Black. La chanteuse britannique, écorchée vive, chantait la soul des 70s accompagnée des musiciens du studio Daptone à New York, et réalisait là un classique instantané. Sa mort prématurée nous a privés d’un talent monstrueux.
Un temps dans ses pas, l’autre grand phénomène de la soul et de la pop vocale des années 2000, Adele, prenait son indépendance avec son disque 21, et ses extraits Rolling in The Deep et Someone Like You, démonstration classieuse de ses aptitudes vocales et de son charme naturel.
Les États-Unis n’étaient pas en reste, au début des années 2010, avec la sortie de Born To Die. Lana Del Rey, inspirée des reines de la pop, de la culture californienne et de la littérature beat, s’y présentait. Et son univers ne devait cesser de fasciner, comme elle le démontre toujours douze ans plus tard.
Au mitan des années 2010, une voix et un univers à part bousculaient la pop internationale. Jain, française bercée par les mélodies africaines, accomplissait un métissage passionnant sur son premier disque, Zanaka, et les mémorables singles Come et Makeba.
Nouvelle génération, nouvelles icônes : la fin des années 2010 voit l’émergence de Billie Eilish, chanteuse pop un brin geek, qui réalise avec son frère When We Fall Asleep Where Do We Go, le disque d’une époque mélancolique et déconstruite, dans laquelle elle évolue comme un poisson dans l’eau.
Le retour du disco… et du R&B
Michael Jackson disparu, la pop colorée et inspirée de la Great Black Music se retrouve orpheline. Mais certains artistes réussissent à ressusciter l’aura si particulière du King of Pop. C’est le cas de Bruno Mars, qui publie Doo Wops and Hooligans et devient ainsi l’une des voix à suivre du R&B au début des années 2010.
À la même époque, un duo parisien met en chantier l’album blockbuster de la décennie : Random Access Memories. Délaissant les machines de leurs précédents opus, les Daft Punk y invitent des musiciens de légende (Giorgio Moroder, Nile Rodgers) pour produire une œuvre culte, maniant le disco/funk des seventies avec déférence et une efficacité mélodique remarquable.
L’âge du concept
Bien que le développement d’univers graphique correspondant à une œuvre musicale date d’avant les années 2000, le début du XXIe siècle vit la formule se systématiser. Dès son premier album, le projet Gorillaz, mêlant Damon Albarn (Blur) et le dessinateur Jamie Hewlett, s’impose. Ce groupe virtuel à l’identité déclinée de clip en clip se démarque, aussi, par son caractère hip-hop croisé pop qui fait mouche avec le single Clint Eastwood, extrait de Gorillaz.
On a vu également apparaître récemment des artistes dont l’identité suivait de près l’œuvre, avec une avalanche de personnages et de concept propices à donner de chaque chanson plusieurs niveaux de lecture. Racine carrée, de Stromae, et ses clips très variés (Formidable, Tous les mêmes), incarnent à merveille une période de storytelling poussé dans la pop.
Livres
Questions d’origine
Préoccupation majeure du XXIe siècle, l’identité nourrit des œuvres variées, qui ont toute la particularité de renouveler l’autobiographie. Ainsi, avec L’Arabe du futur, Riad Sattouf raconte à la fois son enfance et le déclin du panarabisme, dans une bande dessinée qui suit une famille franco-syrienne et ses multiples pérégrinations, de la Libye à la Bretagne en passant par le Liban… Par son succès, la saga en six tomes consacre le goût des lecteurs pour le « roman graphique » inspiré de faits réels.
L’entrelacement de la petite et de la grande histoire se retrouve également dans Petit pays, premier roman de Gaël Faye, écrivain et chanteur originaire du Burundi, cadre de ce livre inspiré de sa propre existence. L’auteur dépeint une guerre civile larvée, l’écho lointain du génocide rwandais, le coup d’État, la fuite et enfin l’exil avec une âpreté qui a fait de ce coup d’essai un véritable coup de maître.
L’autobiographie a aussi révélé le destin d’une personnalité publique majeure : en révélant ses souvenirs d’enfance, de déportation, de vie politique, de combat, Simone Veil montrait, avec Une vie, comment sa trajectoire embrassait l’histoire du XXe siècle. Par son écriture et son ampleur, ce livre permet de mesurer l’existence d’une personne illustre et de connaître le regard qu’elle a porté sur son propre destin.
Des hommes, des vampires et des ombres…
Se questionner sur la nature humaine, explorer les limites de nos pouvoirs auront été deux pistes utilisées par les auteurs des premières décennies du XXIe siècle.
Avec la saga Twilight, Stephenie Meyer interrogeait ainsi l’adolescence, la notion de désir et la naissance de l’amour chez les êtres humains au travers de créatures fantastiques. Vampires, loups-garous et autres démons ont marqué les lectrices et lecteurs de ce succès colossal de la littérature de genre.
Ésotérisme, complotisme et quête de sens… Da Vinci Code, imaginant l’enquête d’un spécialiste des symboles sur la nature divine ou humaine de Jésus, bouleverse les années 2000. Ce best-seller aux airs de thriller a surtout anticipé l’ère de post-vérité des années 2020 par son ambiguïté entre fiction et théorie alternative…
L’histoire de l’Humanité a également inspiré un essai anthropologique novateur, Sapiens, de Yuval Noah Harari, dont le succès ne se dément pas, treize ans après sa première publication. Cognition, coopération, agriculture, science, économie… Aucun domaine n’échappe au regard d’un auteur qui a condensé, avec un angle original, les dizaines de milliers d’années qui ont vu l’humain devenir un animal doué de raison et d’aptitudes inédites dans la nature.
…Et un phénomène pour les nouvelles générations
Les œuvres jeunesse ont prospéré dans les années 2000-2010 : Mortelle Adèle, en 2012, devient un phénomène d’édition, affichant aujourd’hui près de 18 millions de lecteurs. Imaginée par Mr Tan (Antoine Dole), à son adolescence, la saga BD qui présente les exploits d’une jeune fille rebelle a été conçue comme un remède artistique aux situations de harcèlement scolaire qu’a vécues son auteur… Une œuvre qui a donc tout d’une revanche sur l’adversité !