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Sur la route d’Eddy Mitchell : portrait musical d’une légende

29 novembre 2024
Par Manue
Sur la route d'Eddy Mitchell : portrait musical d'une légende

Le gamin de Belleville aurait-il imaginé qu’il deviendrait une légende du rock ‘n’ roll lorsqu’il arpentait les rues de son quartier ? Qu’il enregistrerait ses albums à Londres, Memphis ou Nashville avec des pointures ? Probablement pas, même s’il en rêvait très fort. On ne compte plus le nombre de tubes. A l’occasion de la sortie de son nouvel opus, « Amigos », retournons-nous en chansons sur une carrière exceptionnelle !

« Toujours un coin qui me rappelle » (1964) – Toute la ville en parle … Eddy est formidable

Dans les années 60, nombre de tubes français sont des transpositions de hits anglo-saxons. Toujours un coin qui me rappelle en fait partie. On doit la version anglaise à Burt Bacharach et Hal David, grands auteurs compositeurs de l’époque. En France, Ralph Bernet signe l’adaptation et Eddy la publie en 1964 sur Toute la ville en parle… Eddy est formidable. Elle devient immédiatement un tube. Le premier d’une longue liste. En 2017, Eddy la reprend d’ailleurs avec Keren Ann.

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« Treize filles » (1968) – Sept colts pour un schmoll

« Treize filles » est une reprise de Bill Haley. Plus que Elvis Presley que l’on appelait pourtant le King, Bill Haley est vraiment un élément fondateur de l’amour du rock ‘n’ roll pour Eddy Mitchell. « S’il n’y avait pas eu Bill Haley, je serais peut-être encore à la banque. Je travaillais pour le Crédit Lyonnais et, d’un seul coup, il y a eu un boum, une explosion. J’ai découvert Thirteen women par hasard avec un jukebox récalcitrant. A l’époque, ils intervertissaient les face A et B. Je devais avoir 14 ou 15 ans quand la face B est venue dans mes sélections. Le titre m’a tout de suite captivé avec ce rythme complétement dingue du début jusqu’à la fin. A l’époque, ça nous a totalement fascinés d’entendre qu’avec une guitare, il était possible de produire un tel son » (Eddy Mitchell, ma discothèque idéale, octobre 2023).

« Quitte à tout perdre » (1968) – Sept colts pour un schmoll

Fan de rock’n’roll, Eddy est aussi un amoureux de la soul et de la funk. Nombre de ses reprises sont celles de soul men comme Sam Cooke (Chain gang – Chain gang), Otis Redding (Hard to handle – Otis ou Happy song dum dum – Pour tuer le temps, dum dum dee dee dum dum), Stevie Wonder (Superstition – Superstition) , Sam and Dave (Hold on I’m coming – Ordonne mais pardonne)… Il y en a un qui a peut-être compté plus que les autres, en tout cas qui a créé une révolution dans l’esprit d’Eddy. Il s’agit de James Brown. Il en parle ainsi : « C’est le patron. La première fois que j’ai entendu Papa got a brand new bag, je ne m’en suis pas remis. C’est tout simplement fantastique ! Même claque quand j’ai entendu I feel good. L’heure de la révolution avait sonné. Sa soul et son funk ont été aussi importants que la vague rock ‘n’ roll. J’étais conquis » (Eddy Mitchell, ma discothèque idéale, octobre 2023). Ce ne sont pas ces deux grands tubes que reprend Eddy mais il fait une version de Get I together où l’on sent toute l’électricité et la ferveur James Browniennes.

« Cash » (1972) – Zig-Zag

Le début de la carrière solo n’est pas un démarrage en grande trombe. Eddy Mitchell connaît certains succès certes mais rien de très flagrant et surtout de constant. Le début des années 1970 marque l’errance d’un artiste qui se cherche. L’amour du rock’n’roll est toujours aussi franc mais l’envie de s’en détacher et son engouement pour la country, la soul prend aussi le pas. Sincère jusqu’au bout dans sa démarche, il n’hésite pas à exprimer au détour d’un couplet ce passage à vide dans Cash sur l’album Zig Zag. « J’ai vingt-neuf ans maintenant – Et je chante depuis plus de dix ans – Ma carrière est en dent de scie – Des succès parfois l’oubli – Mais je n’ai rien à me reprocher – Car j’ai toujours chanté avec sincérité – La paix est dans mon esprit« . Cette espèce d’errance est celle d’un artiste droit dans ses bottes qui essaye de se créer un son bien à lui, somme de tous les styles qu’il aime. C’est celle d’un artiste qui a su persévérer et rester fidèle à lui-même, plutôt que de tomber dans la facilité comme on lui a proposé en reformant Les Chaussettes noires.

« Pas de boogie woogie » (1975) – Made in USA

La carrière solo d’Eddy Mitchell s’essouffle. Sa maison de disques lui demande de reformer son groupe légendaire, « Les chaussettes noires », dont le best-of cartonne. Mais Eddy s’y refuse. Il part pour Nashville pour s’imprégner au plus près de la culture des Etats-Unis. Après l’album Rocking Nashville, il sort Made in USA sur lequel on trouve cette chanson endiablée, « Pas de boogie woogie ». C’est une adapation du titre Don’t boogie woogie (when you say your prayers tonight) de Layng Martine Jr. Ce titre a d’abord été interprété par Ray Stevens (1974) et surtout Jerry Lee Lewis dont Eddy est un grand admirateur (1975). Quand, dans la version originale, c’est un patient qui va chez son médecin, dans celle d’Eddy, le héros est un prêtre qui doit annoncer à ses fidèles que, sans être marié, l’acte d’amour est un pêché mortel. Cette satire quelque peu anticléricale, le Vatican la trouve irrévérencieuse et la fait interdire de diffusion sur Radio Monte Carlo. Petite anecdote : l’auteur fut surpris de la hausse subite de ses droits d’auteur en raison d’un petit Français qui avait repris ce titre. Même la version de Jerry Lee Lewis ne lui avait pas permis cela. Comme quoi…

« Sur la route de Memphis » – (1976) – Sur la route de Memphis

En 1976, Eddy repart à Nashville pour retrouver l’inspiration. Cette ville est le temple de la country, style dont Eddy commence à devenir l’ambassadeur en France. Sur la route de Memphis, qui porte aussi le nom de l’album, est une adaptation de la chanson That’s how I got to Memphis de Tom T Hall. Dans les choeurs, on trouve les Jordanaires, qui accompagnaient Elvis Presley. Cette chanson, que l’on se voit bien écouter sur la Route 66, cheveux au vent, est indémodable, intemporelle diraient certains. Son ami Johnny la reprend même lors d’un concert à l’Aladdin de Las Vegas en 1996. Elle sera fixée à jamais sur l’album Destination Vegas. Eddy Mitchell la reprendra en duo. Avec Michel Sardou, pour Numéro Un des Carpentier en 1980, la Tournée des Enfoirés en 1989 et le Frenchy tour en 2004. Sur les albums La même tribu 1 et 2, on trouve une reprise avec Renaud puis Gregory Porter. Une longue destinée que cette route de Memphis.

« La dernière séance » (1977) – La dernière séance

Quand il était petit, le père de Claude emmenait presque chaque soir son fils au cinéma. C’est de là que vient l’amour d’Eddy pour les salles obscures de quartier. Devant ses yeux, tout le cinéma français, américain…  Eddy sait photographier son époque. A ce moment, les multiplexes font leur apparition mettant en péril le petit cinéma de quartier. En même temps, des grands noms qui ont fait l’Histoire du cinéma disparaissent comme Henri-Georges Clouzot ou Charles Chaplin. Avec La dernière séance, Eddy se remémore avec beaucoup de nostalgie cette époque où il découvrait ses idoles sur grand écran. Ce n’est pas la première fois qu’il évoque son amour du cinéma. Il l’avait fait en 1970 dans A l’ouest d’Eddy où il citait, après une ouverture sur le générique de la 20th Century Fox, les acteurs qu’il aimait comme John Wayne, Gary Cooper, Robert Mitchum… Il va plus loin avec La dernière séance puisque, parallèlement, entre 1982 et 1988 l’émission de télévision éponyme. Il y partage et y diffuse quelques-uns de ses films préférés. Dans une autre version sur son album Grand écran, en 2009, il va plus loin dans sa nostalgie de voir les salles de cinéma de quartier faire place à des multiplexes. Il cite laconiquement les salles de cinéma parisiennes qui ont fermé et évoque la salle de cinéma de son quartier devenue un supermarché. Triste progrès.

« Il ne rentre pas ce soir » (1978) – Après minuit

Il n’est pas rare qu’Eddy Mitchell dresse, dans ses chansons, un tableau de la société. C’est le cas avec Il ne rentre pas ce soir, tube incontournable de sa carrière, sur l’album Après Minuit. Il y aborde le thème du chômage à travers le licenciement d’un cadre et de son errance. Si la chanson a un écho, c’est que nous sommes en plein choc pétrolier, la crise pointe son nez et le chômage de masse aussi. Coïncidence ou pas, ironie du sort ou pas… sa maison de disques, rachetée par Philips en raison de problèmes financiers, licencie. Il partage cette chanson avec Maxime Le Forestier sur l’album La même tribu volume 2 en 2018.

« Couleur menthe à l’eau » (1980) – Happy Birthday

La collaboration entre Eddy et son pianiste commence en 1964 lorsque ce dernier avoue qu’il compose des musiques. Débute la première collaboration entre les deux artistes. En 1980 paraît Couleur menthe à l’eau sur l’album Happy Birthday. L’histoire de cette prostituée qui rêve de cinéma devient immédiatement l’un des plus gros tubes d’Eddy Mitchell. Le chanteur confie que c’est pour lui l’une des meilleures chansons issues de cette collaboration avec son pianiste. Sur La même tribu, il reprend le titre avec Juliette Armanet. Isaac Delusion en fait sa propre version, plutôt planante.

« De ville en ville » (1980) – Happy Birthday

De ville en ville est une superbe ballade country mais c’est surtout un hommage aux grands Everly Brothers. Pour les jeunes qui ne connaissent pas les Everly Brothers, c’est un groupe vocal des plus excitants de son époque. C’est à eux que l’on doit le fameux Unchained Melody que l’on entend dans le film Ghost dans la scène mythique entre Demi Moore et Patrick Swayze. Mais revenons à nos moutons. De ville en ville est une ballade peu connue du répertoire d’Eddy mais elle a une valeur sentimentale pour l’artiste. « J’aime beaucoup cette chanson. C’est une sorte de petit hommage aux Everly Brothers. J’avais moi-même fait le contre-chant qui n’était pas évident. C’est là que tu te rends compte de la technique vocale des Everly brothers. » (Eddy Mitchell, ma discothèque idéale, octobre 2023) Eddy reprendra aussi des titres du groupe comme Bye bye love sur l’album 7 colts pour un schmoll.

« Nashville ou Belleville » (1984) – Racines

Le petit Claude Moine de Belleville grandit avec l’Amérique dans le coeur. A l’époque, le rock’n’roll, les westerns et le cinéma américain déferlent sur l’Hexagone. Le petit Claude y adhère tout de suite, aidé par son père qui l’emmène régulièrement voir des films dans le cinéma de quartier. L’Amérique est son pays de coeur. L’évocation des noms de Memphis ou Nashville fait briller les yeux du petit garçon. Mais il aime aussi son enfance, son quartier. Cette chanson est donc assez symptomatique du ressenti d’Eddy pris entre deux amours, ses racines parisiennes et ses racines américaines qui ont fait l’artiste qu’il est devenu. Belleville prend les couleurs de Nashville, là où il a déjà enregistré nombre de ses albums et vécu son rêve américain. 

« Vieille canaille » (1986) – Eddy Paris Eddy Mitchell

Nous sommes en 1951 et Jacques Hélian et son orchestre donnent une première version avec Jean Marco. C’est Jacques Plante qui adapte le hit américain You rascal you, l’histoire d’un homme trahi par son meilleur ami parti avec sa femme. C’est ensuite Serge Gainsbourg qui l’interprète sur son album Aux armes et caetera. En 1986, il en fait avec Eddy une version big band qui apparaît sur l’album Eddy Paris Mitchell. Ce duo fait partie des duos mythiques de la chanson française. Ce Gainsbourg trahi par Eddy (enfin, dans la chanson) est tout simplement jouissif. En 2017, Eddy Mitchell, Jacques Dutronc et Johnny Halliday reprendront ce nom pour former leur trio si célèbre pour une tournée des Vieilles canailles.   

« Léche bottes blues » (1989) – Ici Londres

C’est en Angleterre et non aux Etats-Unis que fut enregistré Ici Londres. Logiquement, me direz-vous. Comme on l’a souligné plus haut, Eddy Mitchell ose s’attaquer à des sujets sociaux dans ses chansons. Avec Lèche bottes blues, l’humour s’ajoute à la critique. Pas de jaloux ici, Eddy balance sur beaucoup de monde, vilipendant la vanité, la fausseté de la société dans son ensemble et dans toutes les sphères. Eddy fait appel à Boris Bergman, connu alors pour sa complicité avec Alain Bashung. Bergman est alors en plein doute et dépression suite à une fâcherie avec Bashung. Ecrire pour Eddy l’aide à surmonter cette phase. Les prémices de Lèche bottes blues étaient d’abord destinés à Bashung. Pas sûre que la version de Bashung aurait eu la même tonalité. 

« Rio grande » (1994) – Rio grande

Fleuve américain, Rio grande est un lieu mythique des Etats-Unis, là en particulier où certains traversent la frontière vers les Etats-Unis pour espérer une vie meilleure. Pas étonnant qu’Eddy en fasse le tableau d’une chanson. Cet amoureux des westerns et des films de gangsters prend pour héros dans cette chanson deux paumés qui s’imaginent être des grands gangsters américains. Sauf qu’ils ne le sont pas (au pire des petits voleurs) et sont coincés à Mulhouse, pas vraiment l’Amérique et Vera Cruz où ils croient s’enfuir pour recommencer une autre vie. Avec cette chanson et l’album éponyme, Eddy remporte un succès énorme. L’album devient album de l’année aux Victoires de la musique et la tournée qui s’ensuit, Tournée de l’année.

« Hier encore » (2009) – Grand écran

Pas la peine de rappeler une nouvelle fois l’amour pour le cinéma d’Eddy Mitchell. Alors qu’il y fait des clins d’œil dans ses chansons, pour Grand écran, ce sont des musiques de film qu’il reprend pour l’ensemble de l’album. S’il aime la musique américaine et ses grands interprètes, Eddy Mitchell admire aussi quelques-uns des grands artistes français comme Gilbert Bécaud ou Charles Aznavour. Peu surprenant donc que dans cet album on retrouve des titres de ces artistes et d’Yves Montand (Prévert). Hier encore de Charles Aznavour a fait partie de la bande son du film américain Hustle (Cité des dangers) de Robert Aldrich. Eddy Mitchell parle de cette chanson et de Charles ainsi : « Hier encore est une chanson que j’aime tellement que je l’ai reprise pour Grand écran. Charles Aznavour, je l’aimais vraiment, je l’aimais tout court parce qu’ils avaient de très belles chansons et qu’il était sympathique. Et puis nous avons fait tellement de duos, lui et moi » (Eddy Mitchell, ma discothèque idéale, octobre 2023).

« Un petit peu d’amour » (2021) – Country rock

L’amitié forte entre Eddy et Johnny n’est pas un secret. Claude et Jean-Philippe se connaissaient bien avant d’être devenus artistes. Lorsque son ami décède, Eddy décide d’écrire une chanson pour lui rendre hommage sur l’album Country rock. Son ami lui manque terriblement car, plus qu’un ami, Johnny était un frère de coeur (Johhny est le parrain de la fille d’Eddy et Eddy est le parrain de Laura). Dans ce titre, comme on peut s’y attendre très émouvant, Eddy y clame son amour pour son ami. Comme tout véritable ami, il ne cache pas non plus sa colère envers le taulier qui selon lui aurait pu vivre plus longtemps s’il n’avait pas mordu la vie aussi furieusement. « Johnny était quelqu’un de très important pour moi, dans ma vie. Je voulais lui rendre hommage, mais en lui reprochant plein de choses (…) Johnny était un battant, il se croyait hyper fort, il pensait être un géant, il pensait passer au travers de toutes les choses. Malheureusement, ça lui est arrivé... » disait-il dans une entrevue à Pure Charts.

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« En décapotable Pontiac » (2024) – Amigos

Tenez-vous bien, Eddy Mitchell s’apprête à sortir son 40e album, Amigos. Ce n’est pas rien. En décapotable Pontiac en est le premier titre dévoilé. Il affirme haut et fort pour celles et ceux qui ne l’auraient toujours pas compris qu’Eddy est devenu un véritable crooner. Le titre de l’album n’est pas anodin : Eddy s’est entouré d’amis pour lui prêter main forte. Aux côtés d’Alain Chamfort, on retrouve un autre Alain, Souchon, celui-là. C’est lui qui signe le premier single avec son fils Pierre. Eddy offre une carte postale comme il sait le faire avec son brin de mélancolie. Cette ballade, tel un road movie, rappelle Sur la route de Memphis, le côté Bonnie & Clyde en plus.

Le communiqué de presse annonce que cet opus : « nous invite à voyager dans les grandes plaines, celles de notre quotidien, de notre enfance et de la réalité du monde « . A suivre.

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On aurait pu choisir des centaines d’autres titres comme son hommage à Franck Sinatra, ses reprises (adaptations) d’Elvis Presley, Chuck Berry, Little Richard, Roy Orbison, les Beatles, les Rolling Stones et j’en passe. Nous avons pioché à la fois dans les titres connus, montrant combien de chansons d’Eddy font partie désormais du patrimoine classique français mais nous avons aussi gratté la surface pour dresser un portrait le plus ouvert possible d’Eddy Mitchell. Nous avons, j’espère, évoqué toutes les facettes musicales de l’artiste, ce qui fait sa singularité au croisement du rock, de la country, de la soul, du jazz. Nous croyons que c’est cette singularité qui en a fait cette légende et a contribué sa longévité. En espérant vous avoir donné l’envie d’aller plus loin dans la découverte de cet artiste à la fois à part et incontournable. 

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Article rédigé par
Manue
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