Muse de Serge Gainsbourg, mais aussi mannequin et actrice emblématique du Swinging London, Jane Birkin demeure, à plus d’un titre, le symbole de la culture britannique moderne, et un personnage à part de la chanson française et du cinéma. Entre ses apparitions cinématographiques et ses chansons, l’artiste décédée ce week-end à l’âge de 77 ans laisse une œuvre qui fait le pont entre septième art et musique, entre France et Angleterre.
Les films
Blow-Up
À dix-huit ans, Jane Birkin, issue d’une famille aisée de la bourgeoisie anglaise, s’essaye au cinéma. Son physique et son attitude ingénue attirent vite l’œil des réalisateurs, en particulier de Richard Lester, qui lui offre des débuts tonitruants avec Le Knack… et comment l’avoir, Palme d’or au Festival de Cannes en 1965. Mais c’est en 1967 avec une autre Palme d’or, Blow-Up, que la jeune égérie britannique devient une figure mondialement célèbre. Une scène en particulier, où Jane Birkin joue un mannequin présent chez le personnage principal du film, un photographe de mode, la révèle. Son rôle de muse manipulée par un artiste sera particulièrement notable, et contribue à l’ambiance étrange de ce chef-d’œuvre britannique d’Antonioni.
La Piscine
Après avoir rencontré Serge Gainsbourg en France sur le film Slogan, Jane Birkin se fait une place dans le cinéma hexagonal. Son rôle de belle innocente fait merveille dans La Piscine, où elle interprète une jeune femme naïve, qui contraste avec les autres personnages du film, dont Maurice Ronet qui incarne son père, ou encore Romy Schneider et Alain Delon, le couple principal de l’intrigue. Passant par différentes facettes au cours du long métrage, Jane Birkin démontre là son talent d’actrice, aussi à l’aise dans les drames psychologiques que dans des comédies.
Jane par Charlotte
Ayant eu la douleur de perdre sa fille Kate Berry en 2013, Jane Birkin a entretenu une relation étendue avec ses deux autres enfants, Lou Douillon et Charlotte Gainsbourg. Cette dernière partageait avec sa mère une double casquette d’actrice et de chanteuse. Leur proximité apparaît clairement dans le très beau documentaire Jane par Charlotte, sorti en 2022, et ultime témoignage de la vie, et de l’œuvre, de cette figure de la chanson qui aura marqué les sixties… Et les cinq décennies suivantes.
Je t’aime moi non plus
Auteur de musique de films et peintre de formation, Serge Gainsbourg s’est intéressé rapidement au cinéma en tant que réalisateur. Et c’est sa compagne, actrice, qui se devait d’interpréter le rôle principal de son premier film. Et encore une fois, une œuvre nommée Je t’aime moi non plus fit scandale. Jane Birkin y joue le rôle d’une créature androgyne, serveuse, tombant amoureuse d’un chauffeur de camion homosexuel dont elle exauce les désirs les plus sauvages. Amour, mort, perversion sont au programme de ce premier long métrage sorti en 1976, qui a aussi été prétexte à des chansons comme La Ballade de Johnny Jane.
Les chansons
Je t’aime moi non plus
Si la version initiale de Je t’aime… moi non plus a été enregistrée avec Brigitte Bardot, c’est bien le duo entre Gainsbourg et Jane Birkin qui devint l’une des chansons les plus connues de son auteur. Scandaleuse par son contenu, lascive par ses sonorités, la ballade pour orgue Hammond et gémissements orgasmiques consacrent la popularité sulfureuse d’un couple emblématique de la chanson française. Malgré des paroles en français, le caractère universel du titre offrira à Jane Birkin un succès durable à l’international, et notamment en Angleterre, où Gainsbourg fait l’objet d’un énorme culte depuis les années 1960.
Jane B
Au cours de sa carrière, Gainsbourg fit chanter nombre d’interprètes féminins, de France Gall à Isabelle Adjani, en passant par Françoise Hardy ou Catherine Deneuve. Et parfois, faisait tourner les chansons entre ces différentes chanteuses. À Jane Birkin, il écrivit en revanche un titre destiné à présenter son identité : Jane B, extrait de l’album en duo Jane Birkin et Serge Gainsbourg. La voix haute perchée et l’accent so british de la jeune femme font merveille, contribuant au caractère culte de cet album où sont également présents 69, année érotique et L’Anamour.
Ballade de Melody Nelson
Avec le concept album Histoire de Melody Nelson, Serge Gainsbourg donne à sa muse un rôle proche de ceux qu’elle a pu tenir au cinéma. En effet, le disque raconte l’idylle entre un narrateur masculin et une jeune femme mineure, dont la voix est celle de Jane Birkin. Sur la Ballade de Melody Nelson, ce chant féminin ponctue la mélodie entonnée par Gainsbourg, qui raconte l’existence de « l’adorable garçonne » sur qui le héros fixe son amour, jusqu’à l’obsession. Cette histoire d’amour tragique, chef-d’œuvre de Gainsbourg, a aussi marqué les esprits pour sa pochette, représentant Jane Birkin en femme-enfant.
Ex-Fan des sixties
Avec Ex-Fan des sixties, Jane Birkin entre définitivement dans le répertoire de la chanson française. Cette ballade nostalgique rappelant la perte des grands noms du rock (de Jim Morrison à Jimi Hendrix) et la fin des illusions associées aux années 1960 permit à la chanteuse de creuser son propre sillon. Le titre fut notamment remanié par l’auteur (Serge Gainsbourg, évidemment) à l’occasion du décès d’Elvis Presley, ce qui aboutit à la modification des paroles originales et de la chute du texte.
Et quand bien même
Si Jane Birkin réussit à mener une carrière bien distincte de l’œuvre de Gainsbourg après le décès de ce dernier en 1991, elle fut aussi la principale interprète de son ancien Pygmalion dans les années 1990-2000. Cela aboutit notamment au beau projet Arabesque, un album de chansons de Gainsbourg réinterprétées à grand renfort d’arrangements orientaux. Ce qui donna notamment une version live magnifique d’Et quand bien même, l’un des succès posthumes du compositeur de la Javanaise.
Oh ! Pardon tu dormais…
Le dernier disque anthume de Jane Birkin, Oh ! Pardon tu dormais voit l’interprète franco-britannique croiser le chemin d’Étienne Daho. Vrai fan des sixties, l’auteur-compositeur-interprète a dessiné pour la chanteuse un univers parfaitement cohérent, à apprécier notamment sur la chanson-titre, en duo avec le créateur de Week-end à Rome.