Entre drames amoureux, films de guerre, franchises d’espionnage ou road movies familiaux, le cinéma de Sam Mendes ne cesse de se métamorphoser, faisant du réalisateur un conteur imprévisible. Nul ne sait à quoi ressemblera le projet suivant, toujours porté par un puissant souffle romanesque. Tel son petit dernier, Empire of Light, ode désenchantée au cinéma et à sa propre enfance.
American Beauty (1999)
Après plusieurs mises en scène de théâtre qui ont ébloui le tout-Londres, Sam Mendes se lance dans la réalisation et entre par la grande porte. Son premier long, American Beauty, obtient immédiatement succès public et critique. Il décroche même cinq Oscars, dont celui du meilleur réalisateur et du meilleur film. Mendes y dépeint le délitement d’une famille parfaite en apparence et dont le père, incarné par Kevin Spacey, va entrer dans une profonde crise existentielle qui va tout ébranler. Et conduire au pire. Un exercice de style brillant et le début d’une carrière au cinéma sans failles ou presque.
Les Sentiers de la perdition (2002)
Il faudra trois années pour Sam Mendes avant de présenter son nouveau projet, encore plus ambitieux, Les Sentiers de la perdition. Il s’offre un casting de choix : Tom Hanks, Paul Newman dans un de ses derniers rôles, Jude Law et Daniel Craig qu’il retrouvera par la suite. Une adaptation d’une bande dessinée se passant à Chicago dans les années 1930 et le milieu de la pègre irlandaise. Ici, les assassinats se succèdent, les liens du sang prévalent sur tout le reste et la folie ne semble jamais bien loin. Le film dépasse les 100 millions de dollars de recettes et décroche l’Oscar de la meilleure photographie. Mendes réussit haut la main le passage du second long-métrage.
Jarhead : la fin de l’innocence (2005)
Critique de la guerre du Golfe d’après les mémoires de l’ancien marine Anthony Swofford, Jarhead : la fin de l’innocence se rapproche du Full Metal Jacket de Kubrick dans sa construction. Les classes d’un jeune soldat insouciant qui va être envoyé ensuite au front et découvrir ses premières désillusions. Pour le rôle principal, Christian Bale et Leonardo DiCaprio font partie des acteurs pressentis, mais c’est la star en devenir Jake Gyllenhaal qui décroche la timbale et endosse l’uniforme. Un film fiévreux et mélancolique.
Les Noces rebelles (2008)
Pour Les Noces rebelles, Sam Mendes s’offre l’un des couples le plus emblématiques de l’histoire du cinéma, Leonardo DiCaprio et Kate Winslet. Et comme pour Titanic, là aussi leur histoire d’amour va partir à vau-l’eau. Nous sommes dans une banlieue tranquille et cossue des années 1950 et April et Frank se sont juré de ne jamais sacrifier leur mode de vie à l’autel des conventions sociales. Mais ils vont céder peu à peu aux sirènes du conformisme et en venir à s’entredéchirer. Ou quand l’amour laisse place à l’oppression et la suffocation…
Away We Go (2009)
Mendes s’est habitué à tourner un film tous les trois ans. Mais après Les Noces rebelles, il reprend sa caméra plus rapidement qu’à l’accoutumée pour réaliser un road movie d’auteur, Away We Go. Il embarque avec lui John Krasinski (alors tête d’affiche de The Office) et Maya Rudolph, en futurs parents désirant trouver l’endroit idéal pour fonder leur famille. Mais ils vont aller de déception en déception. Une comédie mélancolique qui ne rencontra pas le succès à l’époque mais témoigne de l’éclectisme de Mendes à passer d’un genre à l’autre.
Skyfall (2012)
Mendes revient donc encore plus fort et sur ses terres natales pour Skyfall, le troisième film de James Bond sous la houlette de Daniel Craig. De l’avis des fans (et des autres), il s’agit d’un des meilleurs 007 à ce jour. Ici, Bond est obligé de faire face à ses démons et son passé douloureux, en affrontant un antagoniste exubérant et soupe-au-lait interprété avec génie par Javier Bardem. Le film offre des moments d’action dantesque, mais il est également crépusculaire et shakespearien par son dénouement tragique. Skyfall va dépasser le milliard de dollars de recettes à l’international, obtenir deux Oscars et permettre à Adele de s’égosiller sur l’un des tubes les plus entêtants de la franchise.
Spectre (2015)
Mendes et Craig vont remettre ça avec la suite directe de Skyfall, Spectre. Histoire d’en savoir davantage sur cette organisation terroriste dans le viseur du célèbre espion. La scène d’ouverture, située pendant la fête des morts de Mexico, est encore dans toutes les mémoires et le réalisateur se fait plaisir avec un casting international qui s’imbrique parfaitement à l’univers de 007 : l’Autrichien Christoph Waltz en nouveau méchant de service, l’Italienne Monica Bellucci et la Française Léa Seydoux en James Bond Girls chic et choc. Un nouveau succès colossal à son actif, avec plus de 880 millions de dollars de récoltés.
1917 (2019)
Homme de défi, Sam Mendes s’autorise l’impensable avec un film entièrement réalisé en un seul plan-séquence (du moins, en apparence) et en plein milieu des tranchées. 1917 est une vertigineuse plongée dans l’horreur de la Première Guerre mondiale, dont le réalisme et l’immersion donnent l’impression que la scène d’ouverture d’Il faut sauver le soldat Ryan n’est qu’une vaste partie de pique-nique. Un éblouissement technique de bruit et de fureur qui a remporté trois Oscars.
Empire of Light (2023)
À l’instar de ses confrères Steven Spielberg et Alfonso Cuaron qui ont replongé dans les souvenirs de leur enfance pour leurs derniers films, Sam Mendes en fait de même avec Empire of Light, mais de manière déguisée. Ici, il rend surtout hommage à la puissance salvatrice du septième art à partir d’un cinéma des années 1980 et à sa propre mère. Le personnage d’Olivia Colman, au bord de la folie, est en effet un double de fiction de Mme Mendes, conférant au film une portée émotionnelle d’une rare intensité.