Non, tous les personnages de la littérature scandinave ne sont pas flics ou assassins. On y croise aussi une petite sirène et des reines, une baronne danoise expatriée et un homme en fuite un lapin sous le bras… Entre lyrisme flamboyant, douce mélancolie et burlesque extravagant, les plumes venues du Nord n’ont définitivement pas froid aux yeux. La preuve avec ces dix trésors glacés pour une passionnante échappée nordique.
Contes d’Andersen
« Ma vie est un beau conte de fées, riche et heureux », écrit Hans Christian Andersen dans son autobiographie Le Livre de ma vie, lui l’enfant pauvre et dédaigné, devenu le conteur des enfants du roi du Danemark. Depuis, ses « contes de fées » ont enchanté les imaginaires du monde entier. À l’instar de sa Petite Sirène ou de son Vilain Petit Canard à nouveau réunis dans cette anthologie qui fait aussi la part belle à des contes plus méconnus tels qu’Une histoire des dunes, Le Jardinier et ses maîtres ou La Goutte d’eau. Des histoires à l’écriture simple, à l’humour vivace, aux émotions subtiles, où la fiction devient pour Andersen le vecteur à ses réflexions sur l’enfance, sur sa perception de l’existence et de la condition sociale.
Les Reines de Kungahälla de Selma Lagerlöf
Selma Lagerlöf est une autre figure incontournable de la littérature et du conte scandinaves. Tous les enfants connaissent son Merveilleux Voyage de Nils Holgersson à travers la Suède. Dans Les Reines de Kungahälla, recueil de cinq contes fantastiques, l’écrivaine suédoise convoque les cultures ancestrales scandinaves pour nous embarquer dans un autre fabuleux périple, au cœur du royaume de Kungahälla. Sur les ruines de cette antique cité, mythique lieu de passage entre la Suède et la Norvège, Selma Lagerlöf donne vie à un vaste monde âpre et lumineux, où se croisent princesses et aventuriers, nymphes de la forêt, trolls et géants. Une merveille de poésie et d’imagination !
La Ferme africaine de Karen Blixen
Cette Ferme africaine, Meryl Streep et Robert Redford l’ont admirablement habitée à l’écran dans le film de Sydney Pollack, Out of Africa. Mais avant de devenir un classique du septième art, La Ferme africaine est d’abord le récit autobiographique de la baronne danoise Karen Blixen, signé en 1937 sous le nom de plume d’Isak Dinesen. De souvenir en souvenir, elle y déroule le récit de ses 17 années passées au Kenya, dans sa ferme Mbogani, à la tête d’une plantation de café, au sud-ouest de Nairobi. Plus encore que pour Denys Finch Hatton, ce chasseur d’éléphants à l’esprit raffiné, Karen Blixen y déclare surtout son amour profond pour cette Afrique qui l’a rendue heureuse, sa nature et la noblesse de ses habitants.
Le Lièvre de Vatanen d’Arto Paasilinna
Quel destin que celui d’Arto Paasilinna, ce bûcheron initié à l’art des mots via le journalisme puis la littérature ! Disparu en 2018, il laisse derrière lui une œuvre de 35 romans et compte parmi les auteurs finlandais les plus lus au monde. En France, on le découvrait en 1989 avec Le Lièvre de Vatanen, devenu son best-seller absolu : la fuite tragicomique et existentielle d’un journaliste vers le Grand Nord, au plus profond de la nature finlandaise, pour sauver un lièvre blessé. Un roman culte à l’univers « picaresque écolo » et à la plume follement extravagante.
Le Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire de Jonas Jonasson
Autre fugue joyeusement délirante, celle couchée sur le papier par le Suédois Jonas Jonasson dans Le Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire. L’histoire d’Allan Karlsson qui, le jour de son centenaire, décide, charentaises aux pieds, de prendre la poudre d’escampette. De sauter par la fenêtre de sa maison de retraite et de se lancer dans une cavale à travers la Suède. Le début d’une aventure rocambolesque, entre vie présente et vies passées. Et l’occasion pour l’écrivain de nous livrer un invraisemblable road-trip sous arthrite à l’humour noire et à l’inventivité démesurée.
Cent ans d’Herbjørg Wassmo
Cent ans, c’est ce qui sépare la naissance de Sara Susanne, en 1852, de celle de son arrière-petite-fille, Herbjørg. Cent ans qui ont vu se succéder quatre destins de femmes au cœur du Nordland, terre grandiose mais désolée de l’extrême nord norvégien. C’est là que l’autrice Herbjørg Wassmo a choisi de déployer sa nouvelle saga, inspirée de sa propre vie, dans ce même Nordland déjà décor maudit de son immense trilogie Le Livre de Dina. Elle y déploie ici un récit au souffle puissant et au lyrisme incisif pour dresser le portrait collectif de ces femmes aux vies de labeur et de dévouement, avides de liberté.
Les Chaussures italiennes d’Henning Mankell
Maître incontesté du polar scandinave, Henning Mankell manie avec la même aisance la lettre blanche. Dans Les Chaussures italiennes, l’écrivain donne à voir et à lire sa facette non policière : l’histoire de Fredrik Welin qui, à 66 ans, depuis dix ans, a fait son trou sur une île de la Baltique, loin de tout et de tous… Jusqu’à l’arrivée en hydrocoptère d’Harriet, amour de jeunesse abandonné il y a 40 ans et revenue lui faire tenir sa promesse avant son « départ », rongée par un cancer qu’elle sait incurable. Un livre à la pudeur et à l’humanité bouleversantes pour nous parler de solitude et de remords, d’amour et de délivrance.
Purge de Sofi Oksanen
Il est aussi question de rédemption dans Purge de Sofi Oksanen. De faute et de culpabilité, de peur et de honte. Celles de Zara, en détresse et en fuite peu après la chute de l’URSS, venue se réfugier au fin fond de la campagne estonienne, dans le jardin d’Aliide, de deux générations plus âgées, elle aussi marquée par la violence et l’humiliation. Deux destins croisés marqués par la terreur dont l’écrivaine finlandaise nous raconte la rencontre et les résonances, sur fond de 50 ans d’histoire de l’Estonie. Un roman ténébreux à l’écriture lumineuse.
Miss Islande, Auður Ava Ólafsdóttir
Tout aussi lumineux mais la saveur plus sucrée, Miss Islande retrace le parcours d’Helka, jeune et jolie jeune femme de 21 ans au prénom volcanique, partie pour la capitale réaliser son rêve de devenir écrivaine… avant de se retrouver coupée dans son élan par une société islandaise étriquée, conservatrice et sexiste. On est en 1963. Autour d’elle, deux autres figures bien décidées également à composer avec leurs « différences ». Avec la tendresse et la sincérité qu’on lui connaît, Auður Ava Ólafsdóttir dresse, à travers le destin de sa touchante et impétueuse Miss Islande, une ode à la liberté, à la jeunesse et à la création.
Ton absence n’est que ténèbres, Jón Kalman Stefánsson
L’auteur de la trilogie Entre ciel et terre, La Tristesse des anges et Le Cœur de l’homme revient ici avec une formidable saga familiale, plantée au cœur d’une campagne islandaise isolée, dans un fjord à la lisière du monde. Au gré de cinq générations, du milieu du XIXe siècle jusqu’à 2020, Jón Kalman Stefánsson entrelace les destins et les personnages pour en révéler les actes manqués, les failles et les renoncements. Ton absence n’est que ténèbres est une œuvre hors norme à plus d’un titre. Un roman exigeant à l’audace vertigineuse à travers lequel l’écrivain s’est ni plus ni moins donné pour défi de reconstituer la mémoire de l’humanité et sa quête du bonheur.