Jessica Chastain a remporté l’Oscar de la meilleure actrice en 2022 pour son interprétation du rôle éponyme du film Dans les yeux de Tammy Faye. Retour sur la filmographie d’une des actrices les plus adulées d’Hollywood, qui s’est illustrée dans tous les genres avec une constante : les héroïnes toutes puissantes aux failles profondes.
Take Shelter
Après 7 années de guesting dans des séries et quelques rôles dans des films mineurs, Jessica Chastain commence à faire parler d’elle en 2011 avec Take Shelter, drama psychologique de Jeff Nichols, et premier des six films qui sortent cette année où elle joue ! Le focus du film est sur Michael Shannon, qui joue le mari de son personnage, un homme paranoïaque à force d’avoir des visions apocalyptiques. Pourtant, la composition de Chastain, plus douce et empathique, est notée de certains critiques. Le succès du film lui vaut de commencer à s’inscrire dans le cinéma mainstream.
The Tree of Life
Très à l’aise dans les films indépendants, Jessica Chastain tourne pour Terrence Malick, sans doute le plus connu des « indés » américains, The Tree of Life. A cette occasion, elle montre ses capacités à s’adapter à un tournage inhabituel (script très libre, beaucoup d’improvisation, jeu avec des seconds rôles non professionnels…) et élabore sa marque de fabrique : un focus sur la technique pure d’acting, faite d’intenses préparations, de documentation, d’inspirations diverses, d’apprentissages de pratiques. Si elle n’est pas une actrice de la Méthode comme Jared Leto, Jessica Chastain a à cœur de rendre ses performances les plus sensibles possibles. Dans The Tree of Life, elle nourrit son rôle très spirituel et éthéré par sa pratique de la méditation et en étudiant des œuvres « highbrow ».
La Couleur des sentiments
2011 voit aussi la participation de Jessica Chastain à son premier film « à Oscar » : La Couleur des sentiments (The Help). Base de best-seller, ambiance de fresque historique, lutte anti-raciste, mélodrame… le film de Tate Taylor a tout pour plaire et c’est un triomphe, malgré sa complaisance envers le trope du « white savior ». En militante antiraciste des années 60 développant une belle amitié avec une servante noire (jouée par Octavia Spencer), Jessica Chastain, qui a étudié à fond les archives de la décennie, convainc les critiques. Elle obtient sa première nomination aux Oscars pour le meilleur second rôle féminin.
Zero Dark Thirty
La consécration de Jessica Chastain arrive en 2013 quand elle joue dans Zero Dark Thirty un personnage inspiré de l’agente de la CIA ayant découvert la cachette d’Oussama Ben Laden. Ne pouvant préparer son rôle à cause du caractère secret défense des évènements, Chastain n’a d’autre source que les informations du scénariste-journaliste Mark Boal. Cela lui suffit pourtant à impressionner dans ce qui est son premier rôle de « femme puissante bardée de failles », dont elle se fera une spécialité. Sous la direction experte de Kathryn Bigelow, Jessica Chastain ouvre une sorte de trilogie officieuse de « femmes de tête » qui sera sa carte de visite. Elle est nommée à l’Oscar de la meilleure actrice et décroche sa première récompense majeure : un Golden Globe.
Mama
Sorti une semaine après Zero Dark Thirty, Mama permet à Jessica Chastain de varier son ordinaire en jouant la tante de deux nièces aux prises avec une force ténébreuse inquiétante. Cassant son image glamour dans un rôle ambigu, Jessica Chastain marque avec une performance sur le fil du rasoir, dans un film misant plus sur son atmosphère que sur son histoire. Elle retrouvera le réalisateur Andy Muschietti dans le diptyque d’horreur Ça, adapté de Stephen King.
Mademoiselle Julie
Dans Mademoiselle Julie (Miss Julie), fidèle adaptation de la pièce d’August Strindberg par Liv Ullmann, Jessica Chastain tente sa chance dans le period drama XIXe. Elle y joue une fille d’aristocrate étouffée par son milieu, cherchant une échappatoire en séduisant le valet de son père (Colin Farrell). Le film lui permet d’ajouter une nouvelle corde à son arc : Chastain confirme que son goût pour les femmes fortes abîmées ne s’arrête pas à la période contemporaine.
Interstellar
Traversant les genres avec une aisance déconcertante, Jessica Chastain s’illustre cette fois dans la SF avec Interstellar. Au-delà des jeux temporels du film, elle fait ressortir toute l’émotion d’un lien père-fille (avec Matthew McConaughey) et fait palpiter le très cérébral film de Christopher Nolan par sa présence lumineuse. Second rôle de poids à Hollywood, Jessica Chastain est désormais prête à assumer les premiers rôles qui vont suivre.
A Most Violent Year
Avec A Most Violent Year, Jessica Chastain décroche son premier grand rôle d’antihéroïne. En épouse sans pitié d’un PDG d’une compagnie de pétrole (Oscar Isaac), elle rend justice au drama impitoyable de J.C. Chandor par sa Lady Macbeth moderne. Avec un jeu plus incisif nourri de son intense préparation (accent de Brooklyn, attention minutieuse à la garde-robe, études sur le New York des années 80), Jessica Chastain prouve son brio y compris du côté obscur de la Force. Nouveau Golden Globe mérité.
Crimson Peak
Après sa prestation remarquée dans Seul sur Mars de Ridley Scott, où elle a suivi de près des astronautes et scientifiques de la NASA, Jessica Chastain continue son tour du monde des genres. Elle adopte cette fois la romance gothique avec Crimson Peak. En psychopathe cherchant à détruire sa belle-sœur mais confrontée à sa propre insécurité, elle rayonne une fois de plus sous la direction de Guillermo del Toro. Jessica Chastain montre sa facilité dans les personnages aux aura ténébreuses.
Miss Sloane
Après l’échec du Chasseur et la Reine des glaces, Jessica Chastain joue dans le 2e volet de la trilogie officieuse des « femmes de tête » après Zero Dark Thirty. Miss Sloane se révèle un tour de force pour l’actrice. En lobbyste prête à tout pour démolir ses adversaires, quitte à jeter aux orties toute moralité pour développer un plan à triple tiroir, Jessica Chastain subjugue par le réalisme de sa performance. Ayant étudié avec attention la vie, le comportement, les méthodes et attitudes des lobbystes femmes, elle en incarne une plus vraie que nature dans le thriller politique réalisé par John Madden. Sans conteste l’une de ses plus grandes performances. La même année, Chastain commence à fonder des sociétés destinées à empouvoirer les femmes dans l’industrie cinématographique, en accord avec sa philosophie féministe.
Le Grand jeu
3e volet de sa trilogie des « femmes de tête », Le Grand jeu (Molly’s Game) permet à Jessica Chastain de s’illustrer dans le biopic. Confondante dans le rôle de Molly Bloom, entrepreneuse ayant géré de grands tournois de poker illégaux avant d’être rattrapée par la justice, Jessica Chastain dégaine les répliques fulgurantes typiques d’Aaron Sorkin (également réalisateur). Elle joue aussi de tous ses atouts : interprétation de fer, féminité outrageuse, finesse du jeu… pour jouer une Circé moderne. Les critiques n’ont pas hésité à adouber sa performance comme l’une des meilleures de sa carrière.
X-Men : Dark Phoenix
L’entrée de Jessica Chastain dans les films de superhéros se révèle mitigée. Son choix pour X-Men : Dark Phoenix de Simon Kinberg fut motivé par son focus sur les personnages féminins, alors inhabituel dans les films de ce genre, y compris chez les X-Men. Si le film n’a pas convaincu et que la critique considère qu’elle a gâché son talent à l’occasion de cette production, Jessica Chastain se montre pourtant convaincante dans un double rôle : celui de l’alien diabolique, et de la femme qu’elle contrôle. Dark Phoenix est aussi son premier essai dans le film d’action, un effort qu’elle poursuivra dans Ava (de nouveau devant la caméra de Tate Taylor) et 355 (où elle retrouve Simon Kinberg). Aucun de ces films ne sera bien reçu, même si ses performances ne sont pas en cause.
Scenes From a Marriage
11 ans après avoir quitté les petits rôles de guests à la télévision, Jessica Chastain revient aux séries par la grande porte. Dans Scenes From a Marriage, elle retrouve Oscar Isaac pour un brillant remake de Scènes de la vie conjugale d’Ingmar Bergman, mitonné par le grand Hagai Levi. En épouse confrontée à l’émiettement de son couple, Jessica Chastain est une fascination de chaque instant. Son mix habituel de puissance et de fragilité s’exerce cette fois non dans un personnage à la vie extraordinaire, mais dans le quotidien. Le résultat est renversant. Une réussite qui l’a motivée à continuer l’expérience serielle, comme le montre sa participation à la série George & Tammy, où elle jouera la chanteuse de country Tammy Wynette (avec Michael Shannon, déjà son époux dans Take Shelter)
Dans les yeux de Tammy Faye
Après Le Grand jeu, Jessica Chastain triomphe à nouveau dans le biopic Dans les yeux de Tammy Faye, réalisé par Michael Showalter. En télévangéliste allumée, l’actrice fait feu de tout bois : elle a appris à chanter, à produit le film (un projet à elle depuis 2012), a dû être maquillée tous les jours entre 4 et 7h. Une performance énorme, « à Oscar » où elle est l’attraction maître, bien davantage qu’Andrew Garfield qui joue son mari. Si le film n’a guère convaincu, son interprétation fut saluée et lui valut enfin de décrocher la précieuse statuette aux Oscars.