S’engager, c’est prendre position. Pour une écrivaine ou un écrivain, c’est surtout se sentir libre de ne pas plaire à tout le monde en faisant de la politique au sens le plus noble du terme. À travers l’intrigue d’un roman ou la force d’un récit, toutes celles et ceux qui s’engagent par l’écriture mettent leur imagination au service de la réflexion collective. Pourfendre ou défendre, le principal est de s’engager…
Le Dernier Jour d’un condamné – Victor Hugo
Modèle de roman engagé, Le Dernier Jour d’un condamné reflète toute la maturité et le courage pour son époque – en 1829 – d’un futur grand écrivain de 26 ans.
En se plaçant du point de vue exclusif d’un homme condamné à la guillotine, le jeune Victor Hugo use d’un procédé narratif imparable et de la force de la fiction pour dénoncer l’atroce absurdité de la peine capitale.
Un manifeste humaniste qui va entrer dans l’histoire et inspirer Robert Badinter pour sa célèbre plaidoirie abolitionniste de 1981.
The Hate U Give – Angie Thomas
Sans doute trop à l’étroit dans la catégorie Young Adult, le premier roman de l’Américaine Angie Thomas dresse en 2017 un terrible constat qui rejoint les combats du mouvement Black Lives Matter.
Inspiré par le meurtre d’un jeune noir par un policier blanc, The Hate U Give – La Haine qu’on donne raconte le dilemme d’une adolescente afro-américaine témoin d’une bavure meurtrière ayant entraîné la mort de son meilleur ami.
Malgré d’ignobles pressions pour la faire taire, elle décide de rompre le silence pour que justice soit enfin rendue et dénoncer le racisme endémique dont est victime sa communauté.
Le Règne du vivant – Alice Ferney
Loin de ses thèmes de prédilection, Alice Ferney s’embarque dans une vibrante chronique écologique où elle déclare son amour au monde du silence et son admiration pour ces activistes qui n’hésitent pas à le défendre parfois au péril de leur vie.
Au-delà d’une magnifique ode à la nature, Le Règne du vivant rend à travers son héros un légitime hommage à Paul Watson, fondateur et pirate en chef de l’ONG Sea Shepherd.
À ses côtés, on découvre que les océans sont des zones de non-droit où s’expriment à l’abri des lois et des regards les pires comportements humains.
Scarlett et Novak – Alain Damasio
Conscient que c’est par les plus jeunes que la technologie installe son emprise sur la société, Alain Damasio reste fidèle à la SF engagée mais passe au roman jeunesse qui parle à toutes les générations.
Dans Scarlett et Novak, il prolonge l’idée de société dystopique soumise aux algorithmes développés dans Les Furtifs. Il y raconte la détresse d’un garçon totalement dépendant à l’IA du smartphone qu’on lui a volé.
Notre addiction à la technologie fait-elle évoluer notre intelligence ? Alain Damasio a évidemment une idée sur la question.
Qui a tué mon père – Édouard Louis
Cri de rage d’une émouvante sincérité contre un système délétère qui dévore les plus faibles, Qui a tué mon père retrace le parcours chaotique d’un homme broyé.
Avant de commencer à distribuer les coups, Édouard Louis nous parle d’un père plus qu’imparfait qui malgré ses innombrables erreurs ne mérite pas le mépris de classe dont il fut victime.
Une fois le récit terminé, le constat dressé, il conclut par une mise en cause frontale contre tous les présidents de la République successifs qu’il juge coupables d’assassinat social.
Sidérations – Richard Powers
Auteur phare de la cli-fi contemporaine, Richard Powers s’engage à travers la littérature pour la préservation de la planète et la défense du vivant dans toute sa diversité.
Avec classe, délicatesse et grand style, il manie à chaque roman la poésie et l’imagination pour décrire ce que l’on risque de perdre plutôt que de nous culpabiliser ou renier ce qui constitue le génie humain.
C’est de cette humanité complexe dont il est question dans Sidérations, l’histoire émouvante d’un homme bon et de son fils autiste sur fond d’Amérique trumpiste, d’existentialisme, d’engagement écologique, de poésie cosmique et de progrès technologique.
Le Corps, le sang, la rage – Elsa Vallot
Après avoir été victime de violences policières, une personne dont on ne connaîtra jamais ni le genre ni l’origine trouve un exutoire dans la boxe thaï.
De cette obsession pour le combat naîtra une dignité retrouvée et la réappropriation d’un corps taillé pour lutter contre une société qui l’a rejetée avec violence…
Texte à la deuxième personne du singulier, Le Corps, le sang, la rage adopte une forme percutante à base de collages où citations de rappeurs et punchlines s’insèrent dans la littérature. Un premier roman rageur et réussi.
Assassins ! – Jean-Paul Delfino
Avec Assassins !, Jean-Paul Delfino met deux points de vue en parallèle et en temps réel pour éclairer les origines antisémites de l’extrême droite française moderne.
D’un côté, la victime, Émile Zola se souvenant de sa vie et de ses combats alors qu’il sombre dans la mort. De l’autre, ses bourreaux, un groupe d’anti-dreyfusards notoires se réjouissant durant cette même nuit des conséquences de leur complot meurtrier.
Par le biais du romanesque, l’auteur livre une passionnante fiction historique engagée contre un courant idéologique qui a trouvé dans l’affaire Dreyfus l’occasion de fédérer ses haines.
Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte – Thierry Jonquet
Auteur engagé, bien qu’il ait toujours détesté cette étiquette, Thierry Jonquet écrivait des livres, des polars et des romans toujours plus noirs pour dénoncer les démons qui rongent la société française.
Disparu beaucoup trop tôt, ce défenseur acharné d’une laïcité rassembleuse avait créé le malaise dans sa famille politique en publiant le visionnaire et glaçant Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte.
Passée la polémique, cet ultime roman, fortuitement synchronisé à une série d’événements tragiques, restera comme une des évocations les plus saisissantes de la misère sociale qui gangrène les banlieues.
En marge du polar, il retraçait quelques années plus tôt son parcours militant et l’origine de ses engagements dans le pétillant Rouge c’est la vie.
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