En ce mois d’octobre toujours un peu morose, où les journées raccourcissent et les températures dégringolent, pas question de déprimer ! La littérature est là pour nous faire rêver, pour nous stimuler ou nous faire réfléchir… Pour nous faire rire, aussi. Alors on sort son plus beau plaid, on s’emmitoufle, et c’est parti pour d’intenses séances de lecture, en format poche. Voici quelques titres à paraître ce mois-ci.
Jacaranda – Gaël Faye (Lgf)
Gaël Faye ne raconte pas le génocide qui a vu la mort atroce de milliers de Rwandais au début des années 1990. Il ne raconte pas cela, et pourtant c’est bien cet “événement” atroce qui apparaît en creux dans Jacaranda. Ce roman précis et bouleversant est écrit du point de vue de Milan, un jeune franco-rwandais qui écrit son mémoire sur le génocide du pays de sa mère. Une façon pour lui de tenter de pénétrer sa mémoire à elle, qu’elle garde fermée à double tour. Entre Paris et Kigali, le narrateur cherche à comprendre, à reconstituer le puzzle cruel d’une guerre fratricide. L’auteur esquisse les contours d’une jeunesse qui n’a pas connu le génocide mais en porte le poids mémoriel. Pour Jacaranda, Gaël Faye a reçu le prix Renaudot 2024.
L’Amulette – Michael McDowell (Monsieur Toussaint Louverture)
L’amulette est certainement la plus ancienne nouveauté de cette sélection. Et pour cause : son auteur, décédé en 1999, l’a écrit… en 1979. C’était en fait le tout premier roman de Michael McDowell, que Stephen King himself décrivait comme “le meilleur auteur de paperbacks originals aux Etats-Unis à ce jour”. Excusez du peu. La patte Michael McDowell, c’est l’efficacité stylistique au service d’intrigues haletantes, une écriture cinématographique teintée d’ironie et d’une pointe de cynisme. Ses terrains de jeu favoris ? La mort, l’horreur, la peur et la vengeance. Tous ces ingrédients se dévoilent déjà dans L’Amulette, réédité cette année avec une superbe couverture. McDowell y met en place un suspens implacable autour d’un objet maléfique : une amulette “offerte” par la femme d’un conscrit à celui qu’elle estime responsable de la mort de son époux. Une amulette qui aurait le pouvoir de tuer et de faire tuer… Délicieusement horrifique.
Twisted, Tome 4 : Twisted Lies – Ana Huang (Hugo Poche)
Le phénomène young adult Twisted déferle une nouvelle fois avec Twisted Lies, quatrième volume de la saga. Si Ana Huang est entrée dans le cercle très select des auteurs les plus vendus d’après les classements du New York Times, c’est tout sauf un hasard : la jeune autrice manie avec habileté ses effets, entre romance, émotions et suspense. Chaque tome explore et décortique la relation d’un couple qu’a priori tout oppose. Dans Twisted Lies, ce sont les relations tumultueuses de Christian et Stella qui sont passées sous la loupe grossissante de Ana Huang. Lui est riche, beau mais aussi jaloux et possessif. Il s’est juré de garder ses sentiments enfermés à double-tour. Elle est influenceuse, joyeuse, d’un naturel positif malgré un passé difficile. S’ils décident un temps de jouer la comédie de l’amour par intérêt, les sentiments vont vite prendre le dessus. Une romance en poche efficace qui plaira aux fans du genre.
Le Café des au revoir – Kawaguchi Toshikazu (Lgf)
Le phénomène de la littérature japonaise contemporaine nous revient en livre de poche avec la parution du roman Le Café des au revoir, quatrième tome des aventures extraordinaires d’un petit établissement nippon. Au café Funiculi Funicula, les clients ont la possibilité peu commune de retourner dans le passé, nonobstant le respect de règles très strictes. L’occasion pour Kawaguchi Toshikazu d’explorer les thèmes de la résilience, de l’acceptation tout en injectant une bonne dose de suspense. L’action se situe ici un an après le premier volet, Tant que le café est encore chaud. Cette fois, quatre chapitres nous plongent dans les regrets intimes de quatre personnages, en proie aux remords ou encore à la culpabilité. Et s’il était enfin temps de faire la paix avec le passé ? Un dernier tome qui se déguste, réconforte et réchauffe l’âme, comme une tasse de café brûlante…
D’or et de jungle – Jean-Christophe Rufin (Gallimard)
Que faut-il pour faire tomber un régime politique au 21e siècle ? Des chars, bombes et autres armes explosives ? C’est une tout autre piste qu’explore Jean-Christophe Rufin, romancier voyageur, prolixe et fin géopoliticien. En effet, peut-être que la communication, en l’occurrence la désinformation, est la clé de l’instabilité. L’intrigue de son roman D’or et de jungle est sise à Bornéo, dans le sultanat de Brunei. Un petit paradis (fiscal, bien entendu) sur lequel des entités étrangères ont décidé de mettre le grappin, tout simplement, pour faire fructifier leur capital sous les meilleurs auspices. Rufin met en scène Flora, employée d’une agence de sécurité privée qui plonge la tête la première dans un panier de crabes pour ce qui se trouve être l’aventure de sa vie. Il est temps de nager dans les eaux troubles de Bornéo avec ce techno-thriller dopé à l’action.
Tous les silences ne font pas le même bruit – Baptiste Beaulieu (Collection Proche)
Une petite incursion hors de la fiction avec cet essai coup de poing signé Baptiste Beaulieu, médecin et chouchou des réseaux sociaux. Tous les silences ne font pas le même bruit est un essai qui s’apparente à un cri de colère contre les préjugés, les discriminations et l’indifférence d’une majorité silencieuse. Baptiste Beaulieu est gay, et si cette caractéristique ne le définit pas dans son ensemble, elle a pesé et pèse toujours dans son rapport aux autres, dans son rapport au monde. Baptiste Beaulieu parle de ses expériences, doutes et espoirs, mais aussi de nombreuses personnes qui, plus que de simples “cas cliniques”, ont nourri sa vision d’un monde contemporain encore peu enclin à embrasser l’autre pour ce qu’il est, tout simplement. Cet essai entend dénoncer l’homophobie sous toutes ses formes ; il est encore plus que cela, un appel intime à interroger nos préjugés et réveiller notre humanité.
L’Effondrement – Edouard Louis (Points)
Depuis son entrée fracassante dans le monde littéraire il y a plus de 10 ans avec En finir avec Eddy Bellegueule, Edouard Louis n’a de cesse de faire de sa proche famille les objets privilégiés de ses réflexions intimes. Si le déterminisme des classes dominées parcourt son œuvre, l’auteur se voit forcé d’élargir son champ de recherche dans L’Effondrement. En effet, le personnage central de son dernier roman, en grande partie autobiographique, est son demi-frère, un homme décédé au crépuscule de la trentaine après une interminable descente dans les enfers de l’alcoolisme. Désillusions, découragement, impossibilité d’échouer, dépression : pour ce frère aujourd’hui disparu, le seul déterminisme social ne suffit pas à comprendre. Alors l’écrivain cherche ailleurs, dans la psychologie ou la psychanalyse, dans ses souvenirs aussi, pour peindre par petites touches un portrait lacunaire de ce frère si souvent détesté. Un récit précis dans lequel personne, pas même l’auteur, n’a le beau rôle.
J’ai commencé par mourir – Gilles Legardinier (J’ai Lu)
Ames sensibles, ne vous abstenez pas : contrairement à ce que le titre, J’ai commencé par mourir, peut suggérer, ce roman ne vous empêchera pas de dormir. Il pourrait bien vous captiver entièrement pour quelques heures de lecture, en revanche. Il faut dire que Gilles Legardinier a l’art et la manière de créer des atmosphères. Et nous voici embarqués dans un hameau écossais, avec un jeune héritier quittant la ville pour démarrer une nouvelle vie. Sauf que dans cette maison, les propriétaires ont une fâcheuse tendance à mourir prématurément… Et notre protagoniste de se trouver aux prises avec toutes sortes de dangers, plus ou moins rationnels. Dans ce roman d’aventure qu’il qualifie lui-même de très personnel, Gilles Legardinier impose son style extrêmement attachant et drôle, et explore notamment le thème du dépassement de soi.
Le nom sur le mur – Hervé Le Tellier (Gallimard)
André Chaix. Le nom sur le mur, c’est le sien. Celui d’un résistant mort pour avoir défendu ses idées et convictions, en 1944 à 20 ans seulement. Qu’est-ce-qui relie alors André Chaix et Hervé Le Tellier, en dehors d’une inscription sur un monument aux morts ? L’auteur est guidé dans le passé, dans ces années mortifères, par l’existence d’un jeune homme dont la personnalité s’esquisse peu à peu. Un “fil à plomb” qui permet à Hervé Le Tellier d’explorer une époque où le plus abject côtoie de fort près les plus nobles sentiments. il nous propose de nombreuses digressions dans lesquelles des ponts sont jetés entre les événements des années 1940 et le présent. Des ponts qui ne manquent pas d’inquiéter tant ils peuvent résonner avec l’actualité politique.
Chats sur ordonnance – Syou Ishida (Lgf)
Au revoir antibiotiques. Bye bye antidépresseurs et autres anxiolytiques. Découvrez le traitement miracle du docteur Nike : des chats, évidemment. À la clinique psychologique de Nakagyô, le chat est certainement le médicament le plus prescrit, avec un excellent taux de réussite clinique. En 5 histoires de vie, 5 saynètes mettant en scène un personnage central et un chat différent, Syou Ishida nous offre un roman doudou, un roman ronron même, une histoire qui réconforte et fait du bien. Où les chats, créatures pourtant exigeantes et difficiles à cerner, sont les catalyseurs d’une joie de vivre retrouvée. Chats sur ordonnance, une excellente prescription en format poche pour soigner le vague à l’âme !
