Vie étrange. C’est le titre choisi par Dominique A pour son quatorzième album, disponible le 6 novembre. Un disque réalisé pendant le confinement, et dans lequel il rend hommage à Philippe Pascal, à Christophe, et livre un journal musical des temps troublés que nous connaissons. L’occasion de revenir sur la carrière évolutive et variée de ce titan actuel de la chanson française, en huit albums majeurs.
La Fossette
Quand Dominique A s’établit
Trente ans avant le confinement, l’habitude de réaliser des chansons à la maison n’existait que très peu. Un homme a tout changé. Avec un petit synthé, entre sa chambre et sa cuisine, Dominique A enregistre Un Disque Sourd, autoproduit, minimaliste et déjà intéressant. Un objet étrange, pressé à 150 exemplaires, qui lui permet d’être signé sur un label découvreur de talent, Lithium.
Pour cette maison de disque, l’artiste sort en 1992 un nouvel album, La Fossette, qui atteint une notoriété nationale grâce au single Le Courage des oiseaux. Mêlant le son pop lo-fi du label Sarah Records (alors culte en Grande-Bretagne) à des textes grinçants et existentiels, cette œuvre fait grand bruit dans la scène indépendante française, qui trouve en Dominique A son premier héros, avec Murat et Miossec.
La Mémoire neuve
Le Twenty-two Bar, un premier tube pour Dominique A
Véritable aboutissement de la première partie de la carrière de Dominique A, La Mémoire neuve voit le chanteur connaître un gros succès radiophonique, avec Le Twenty-two Bar. Sur ce titre, et d’autres, la compagne et muse du chanteur à l’époque (1995), Françoiz Breut, vient agrémenter un disque intégralement pop, ironique, et provocateur. L’artiste prouve alors, à des auteurs-compositeurs-interprètes en herbe, toute la liberté que l’on peut avoir en faisant le choix de l’indépendance et de l’intransigeance.
Remué
La période sombre
Traversant un moment difficile dans sa vie privée, Dominique A enregistre son disque le plus torturé à ce jour, entre New York et un manoir breton. Très émouvant, plus électrique qu’à l’accoutumée, Remué témoigne des interrogations immédiates et premier degré d’un homme de 31 ans (nous sommes en 1999), qui possède déjà un beau statut dans la chanson française d’alors.
Auguri
Adoucir les mœurs
Influencé par le travail du producteur John Parish, qui a également oeuvré pour PJ Harvey, mais retrouvant un côté solaire et moins rock, Dominique A chante en 2001 Les Enfants du Pirée de Dalida et Je t’ai toujours aimée des belges de Polyphonic Size, sur Auguri, un disque qui inaugure l’esthétique luxuriante qui sera présente sur ses albums suivants, sans renier une ambiance très dark par petites touches. Tout sera comme avant, plus mélodieux encore, sera une suite bienvenue à cet opus resté culte.
La Musique/La Matière
Toutes les inspirations
En 2008, Dominique A travaille à une chanson pour Alain Bashung, que ce dernier ne retiendra pas sur son ultime album, Bleu Pétrole. Le chanteur du Courage des Oiseaux la « reprend » et la place sur un nouveau disque, le copieux La Musique/La Matière, influencé justement par la liberté de Bashung à la fin de sa vie. Redéfinissant son horizon, Dominique Ané (de son vrai nom) cède à ses envies d’arrangements riches, d’aborder des thèmes intimes ou plus vastes, de croiser les genres. Une somme, restée comme un excellent résumé de sa carrière protéiforme.
Vers les lueurs
Le succès grand public
Connu d’un public de connaisseurs et des amoureux de la nouvelle scène française, Dominique A bascule vers la popularité en 2012-2013, à la fois par sa participation au titre En Surface avec Etienne Daho, mais aussi et surtout avec Vers les lueurs. Couronné d’un grand succès dans les charts, l’album permet à son auteur de remporter la Victoire de la Musique de l’artiste masculin de l’année.
Enregistré avec un groupe, le disque voit l’artiste parler de thèmes très adultes, en maintenant sa sensibilité claire/obscure tout au long d’un opus gorgé de tubes, en particulier Vers le bleu et Rendez-nous la lumière, qui ont conquis de nouveaux adeptes.
Toute latitude/la fragilité
Le diptyque
Dominique A n’a jamais renié le côté expérimental de son œuvre. Touche-à-tout autodidacte, il a consacré les années 2016-2017 à la réalisation de nouveaux titres selon deux principes, non cumulables. Une partie des chansons écrites à cette époque l’a été uniquement à la guitare acoustique, enregistrée à domicile, avec quelques ajouts orchestraux, et se retrouve sur La Fragilité, un disque d’une grande douceur où la voix claire du chanteur fait merveille.
D’autres morceaux, plus electro, sont nés à partir de la programmation d’une boîte à rythmes allemande, objet de référence. Parus sur Toute latitude, ces morceaux menés tambour battant tirent l’univers sonore du chanteur français vers le sombre. Ecouté en diptyque, les deux albums de 2018 signés Dominique A montrent encore son côté multi-facette !
Vie étrange
Hommage et confinement
Si Dominique A a beaucoup enregistré seul, une partie de ses œuvres est tournée vers l’autre. Qu’il ait écrit des titres pour Calogero ou Jane Birkin, chanté avec Vincent Delerm ou plus récemment Izïa, l’artiste apparaît comme une référence de la nouvelle scène française.
Vie étrange témoigne d’une autre amitié, et d’une admiration : celles qui le liaient à Philippe Pascal, chanteur pour Marquis de Sade, disparu en septembre 2019. L’opus s’apparente à un carnet de bord intimiste sur les derniers mois vécus par Dominique A. Entre deuil et espoir, le disque résonne pleinement avec l’actualité…
