Rien ne va dans le pire des mondes. Tel pourrait être l’adage de cette nouvelle rentrée littéraire, avec des romans qui sèment le chaos, récoltent la tempête et font face à des bouleversements intenses, entre guerres, épidémies et autres changements climatiques. Prêts à en découdre avec notre sélection ?
Des romans à la guerre comme à la guerre
C’est l’une des thématiques les plus récurrentes de cette rentrée littéraire : l’utilisation de grands faits historiques pour y insuffler des drames intimes. Hommes et femmes subissent les bouleversements de tout un pays quand d’autres y participent pleinement.
Première victime de ce chaos environnant, Briséis, la captive d’Achille pendant la Guerre de Troie, qui raconte son histoire dans Le Silence des vaincues de Pat Barker. L’autrice à qui l’on doit The Regeneration trilogy, réécrit L’Iliade d’un point de vue féminin et donne une voix à toutes celles qui en ont si longtemps été dépourvues. Des héroïnes tragiques que l’on retrouve plongées en pleine Seconde Guerre mondiale dans Inge en guerre de Svenja O’Donnell, hommage à sa grand-mère ayant longtemps dissimulé un terrible secret au moment où le IIIe Reich s’effondre. Une débâcle du régime allemand également décrite dans La Race des orphelins d’Oscar Lalo, journal d’une femme née à la mauvaise période et au mauvais moment.
La Seconde Guerre mondiale est toujours source de romans flamboyants et violents, à l’instar de La Messagère de l’ombre de Mandy Robotham, où il est question d’une dactylographe qui mène un double jeu : elle travaille le jour pour le IIIe Reich et œuvre du côté de la Résistance la nuit. Une double carrière également pour Hedy Lamarr, actrice hollywoodienne inventrice d’un système de codage qui permit d’aider son pays pendant la guerre. Une histoire vraie relatée dans La Femme qui en savait trop de Marie Benedict. Ou encore le récit de guerre en mode survival, Pour les enfants de Gilles Cervera, au redoutable suspense.
Mais d’autres périodes troubles propices aux bouleversements sont également mises en avant, comme le monde d’avant 1914 avec Art Nouveau de Paul Greveillac, la Première Guerre mondiale avec Animus de Jean-Baptiste Ferrero, thriller de tranchées au goût de science-fiction, ou encore Les Héritiers du maître de chai de Kristen Harnisch, une épopée familiale et viticole.
La cour de Louis XV est représentée dans toute sa décadence dans La Chambre des dupes de Camille Pascal, à travers les amours du roi et la duchesse de Châteauroux. La Révolution française version Chouans s’invite dans Le Portrait de Martin Sommervieu de Gabriel Privat, ainsi que dans L’Aube de la Liberté de Florence Ferrari, insistant sur la Guerre d’indépendance américaine.
De son côté, Adrien Borne traite d’une malédiction familiale en plein été 1936 dans Mémoire de soie et Diane Meur crée un Grand-Duché de fiction en pleine tourmente à cause de l’arrivée d’un migrant en ses lieux dans Sous le ciel des hommes.
Des romans entre chaos et virus
Tandis que l’épidémie de Covid-19 se poursuit et sera sûrement au cœur de la prochaine rentrée littéraire, guerres, révolutions sociales, pandémies et dystopies pessimistes sont au programme de celle en cours.
Il y a la jeunesse en colère refusant de se soumettre chez Capucine Delattre, dans Les Déviantes, premier roman au ton virevoltant, ou toute une génération désenchantée face à un monde de plus en plus violent et imprévisible, dans le roman engagé d’Alice Zeniter, Comme un empire dans un empire. Magyd Cherfi de son côté, réécrit une version des années 1980 en pleine montée du Front National dans La Part du Sarrasin.
L’urgence écologique est en toile de fond du nouveau roman d’anticipation très attendu de Philippe Djian, 2030, dans lequel entre en guerre civile climato-sceptiques et écologistes. Une thématique inscrite dans l’actualité que l’on retrouve également chez Pierre Ducrozet et Le Grand vertige. On y suit le parcours d’un activiste écologique qui crée un dispositif pour sauver la planète tant qu’il en est encore temps, de la Birmanie à l’Amazonie. Et c’est un monde en destruction, en plein chaos et empli de solitude qui attend les lecteurs du Pont de Bezons de Jean Rolin. Christophe Carpentier écrit de son côté une dystopie écologique avec Cela aussi sera réinventé, où la surface de la Terre a été irrémédiablement changée et où l’homme retourne à la vie sauvage.
Les guerres fratricides sont aussi de la partie, à l’image de La Grâce et les Ténèbres d’Ann Scott, mêlant cybersurveillance, climat et conflits sociaux. La France est réduite à l’état de cendres dans L’Un des tiens de Thomas Sands, sans espoir que les choses puissent renaître véritablement. Le monde, tel qu’on le connaît, s’effondre avec Thomas Vinau dans Fin de saison pour traiter de renouveau, en compagnie d’un anti-héros qui survit dans sa cave avec son chien et un lapin. L’apocalypse est également au cœur du Sanctuaire de Laurine Roux avec extinction de masse d’oiseaux et dans Des rêves à tenir de Nicolas Deleau, dans lequel les langoustes sont peut-être la chance de survie de l’humanité.
Les épidémies font rage dans la littérature, mais elles ne ressemblent pas à La Peste de Camus. Elles transforment les humains en animaux dans Les Métamorphoses de Camille Brunel, elles incitent les personnes atteintes d’une mystérieuse fièvre à répéter inlassablement les mêmes gestes avant de mourir dans Les Enfiévrés de Ling Ma. Mais tout n’est pas perdu avec Des jours sauvages de Xabi Molia, dans lequel une centaine de survivants d’une épidémie de grippe, tente de créer un nouveau monde.
Noir, c’est noir, mais il y a encore de l’espoir…
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