Drame lyrique exhumé, symphonie du monde, musique de chambre réinventée, jazz politique… Pour la rentrée, les artistes s’en sont donnés à cœur joie. Les dix disques de septembre sélectionnés ici racontent comment le jazz et le classique arrivent à détourner les formes figées, pour le plus grand plaisir des auditeurs avides de nouveautés !
Côté classique
Les Horaces (Antonio Salieri), Les Talens Lyriques, dirigé par Christophe Rousset
Historique nouveauté
Consacré par le film de Miloš Forman comme le grand rival historique de Mozart, Antonio Salieri bien qu’en réalité proche du compositeur est longtemps resté dans son ombre. Son œuvre ne demande pourtant qu’à être redécouverte. Les Talens Lyriques ont ainsi exhumé une partition inédite de l’artiste viennois : Les Horaces, un opéra qui a été joué en première mondiale en 2016 à Versailles. On le retrouve aujourd’hui sur disque. Narrant le légendaire combat entre les Horaces et les Curiaces, ce drame lyrique illustre à merveille la qualité d’écriture de Salieri et sa place prépondérante parmi les grands compositeurs de l’époque classique.
Sonates pour violoncelle et basse (Antonio Vivaldi), Jean-Guihen Queyras, Christophe Dangel, Michael Behringer, Lee Santana
Sonates baroques
La sonate, sous sa forme baroque, fait la part belle à la basse continue, un accompagnement qui donne le ton et le rythme au soliste. Dans cet enregistrement du répertoire de Vivaldi, Jean-Guihen Queyras a fait appel à Michael Behringer, au clavecin, pour assurer cette partie. Luth (par Lee Santana) et second violoncelle (par Christoph Dangel) complètent le casting de cet album venant rappeler la beauté de la musique de chambre du compositeur italien, aussi notable sans doute que ses grands concertos.
Concertos pour piano n°2 et n°5 (Camille Saint-Saëns), Bertrand Chamayou, Orchestre National de France dirigé par Emmanuel Krivine
Deux siècles en arrière
Spécialiste du piano romantique (il a notamment joué Liszt, Schubert, Chopin et Mendelssohn), Bertrand Chamayou, après deux incursions chez les modernes français (Ravel et Debussy) revient au XIXème siècle avec cet enregistrement dédié à Saint-Saëns. Le compositeur avait fait du piano un des vecteurs de son style aérien ; on retrouve cette implication sur les deux concertos proposés ici. En outre, l’interprète a choisi plusieurs pièces solo pour compléter cet enregistrement sensible et parfaitement exécuté.
Ballades et Nocturnes (Frédéric Chopin), Leif Ove Andsnes
Romantisme
Leif Ove Andsnes figure parmi les jeunes pianistes à suivre ces temps-ci. Aussi à l’aise en solo qu’en concerto, il a transcendé les époques et les styles au fur et à mesure de sa discographie. Cette fois-ci, il consacre un opus à des airs très connus de Chopin, les Ballades et les Nocturnes. Des pièces qui font la part belle au toucher, à la sensibilité et à la fluidité d’exécution de l’interprète norvégien, qui se meut dans l’œuvre du compositeur franco-polonais comme un poisson dans l’eau.
Des cordes et des villes
Depuis une dizaine d’années, on a appris à connaître l’univers bariolé de Thibault Cauvin, fait de guitare classique, de surf et d’influences musicales variées. Le virtuose sort en septembre un disque véritablement conceptuel : Cities II, où il raconte en musique 12 villes qui l’ont marqué. Et pour mieux nous inviter à ce voyage, le jeune homme a convoqué des amis musiciens prestigieux : M, Didier Lockwood, Erik Truffaz… Entre classique, pop et jazz, cet album mondial se veut partageur et sans frontière. Disponible en CD et vinyle.
Côté Jazz
Politique musicale
Voilà deux décennies désormais que Madeleine Peyroux trace un sillon à part dans le paysage du jazz vocal. Une identité profonde et surprenante que renforce son nouvel album, Anthem. La chanteuse a choisi d’y donner son regard sur le monde, à travers une série de titres conçus comme symboliques. On ne s’étonnera pas ainsi de retrouver sur cet opus une reprise de Liberté, le fameux poème d’Eluard, tout autant que des morceaux plus légers, où sa voix légèrement altérée fait toujours merveille.
Méthode de brassage
Dès son premier disque, Soul Eyes, Kandace Springs avait étonné. La native de Nashville, qui fut un moment la protégée de Prince, y avait finement dosé un cocktail d’influences afro-américaines variées. Soul, jazz ou black country s’y mélangeaient avec bonheur. Et ces ingrédients se retrouvent sur l’entraînant Indigo, suite logique et parfaitement maîtrisée de ce premier essai. Enchaînant sans sourciller couplets jazzy, refrains pop et vibration rhythm’n’blues, la jeune femme prouve son sérieux et son efficacité vocale.
Levantine Symphony n°1, Ibrahim Maalouf, Paris Symphonic Orchestra
Carrefour des musiques
La trace de la musique orientale traverse l’œuvre d’Ibrahim Maalouf, comme trompettiste ou compositeur. Sa nouvelle pièce orchestrale, Levantine Symphony n°1 rend hommage à sa région d’origine, le Levant, cette zone autour du Liban où plusieurs civilisations se sont rencontrées. Mêlant les rythmes et les mélodies de ces terres avec des ornements jazz et classique, le créateur s’affirme encore et toujours parmi les artistes qui font bouger les lignes et transcendent les frontières dans le seul but de rafraîchir nos oreilles.
Love is Here to Stay, Diana Krall, Tony Bennett
Le temps des standards
L’une des plus grandes chanteuses jazz actuelle en duo avec l’un des derniers crooners légendaires en activité… Alléchant sur le papier, Love is Here to Stay (également disponible en version deluxe) l’est encore plus à l’écoute : y figurent les plus grands standards écrits par Gershwin. Diana Krall et Tony Bennett se mettent au diapason et livrent leurs visions de certaines des plus fameuses pièces de l’histoire de la musique américaine. Un disque triplement pour l’histoire.
Living Being II, The night walker, Vincent Peirani
Le jazz du bout des doigts
Jazz, classique, pop, word music, chanson française : le répertoire de Vincent Peirani compte (presque) autant de styles musicaux que son clavier de touches noires et blanches. De Led Zeppelin à Henry Purcell, le célèbre accordéoniste signe, sous une nouvelle direction, une suite à son album de reprises Living Being, toujours fidèle aux originaux mais entièrement rhabillé instrumentalement avec une rare virtuosité musicale.