Avec sa quatrième saison, « The Morning Show » continue de jouer les funambules en traitant de sujets d’actualité tout en suivant la vie (très) mouvementée de l’équipe d’une grande chaîne de télé. Mais derrière les paillettes, la série d’Apple TV+ commence à donner de sérieux signes de burn-out.
Explorer les coulisses de la matinale d’une grande chaîne de télé américaine ? Voilà qui sentait le déjà-vu. Entremêlant soap et comédie tout en surfant en filigrane sur des sujets d’actualité brûlants (#MeToo, Ukraine, Covid, Black Lives Matter…), The Morning Show est pourtant parvenu à imposer son style hybride.
Le show glossy d’Apple TV+ se présente comme le produit d’appel de la chaîne, une vitrine rutilante à souhait pour appâter de nouveaux abonné·e·s. Et pour cela, la plateforme avait sorti l’artillerie lourde dès la première saison, diffusée en 2019 : budget colossal (15 millions de dollars par épisode), pléiade de stars (Reese Witherspoon, Jennifer Aniston, Steve Carell, Billy Crudup…), intrigues tarabiscotées et réalisation ultra-léchée signée Mimi Leder (The Leftovers).
Après trois saisons, si l’on a encore du mal à saisir la nature exacte de cet étrange objet télévisuel, qui emprunte aussi bien à Succession, Scandal ou The Newsroom, oscillant entre satire, « workplace drama », analyse sociétale et soap, les solides performances de ses acteurs et actrices et son noyau mélodramatique un brin cheesy mais addictif ont réussi à nous happer – parfois à l’insu de notre plein gré. Car après avoir sans doute cherché un temps à se hisser au rang des séries de prestige, The Morning Show semble assumer davantage son statut de divertissement. Et cela lui sied plutôt bien.
Alors que la saison 3 se concentrait sur la tentative de rachat de la chaîne par un milliardaire aux ambitions troubles (Jon Hamm) et des déboires déontologiques de la présentatrice Bradley Jackson (Reese Witherspoon) aux prises avec son frère trumpiste, cette saison 4 – portée par la showrunneuse Charlotte Stoudt (Homeland) – nous propulse deux ans après la fusion entre les chaînes fictives UBA et NBN, à l’orée des Jeux olympiques de Paris 2024 et de l’élection présidentielle américaine.
La talentueuse Stella Bak (Greta Lee) a pris la place de CEO en lieu et place de son mentor Cory Ellison (Billy Crudup), exilé à Hollywood. Bradley se fait oublier en Virginie tandis que sa consoeur Alex Levy (Jennifer Aniston) occupe le poste de vice-présidente en charge des talents de la nouvelle entité. Au centre du jeu, on retrouve la redoutable Céline Dumont (Marion Cotillard), présidente du conseil, bien déterminée à faire gonfler l’audimat, quitte à cajoler l’électorat conservateur.

Marion Cotillard et Billy Crudup dans « The Morning Show »
Une saison trop dense
Tout ce petit monde va (bien entendu) se retrouver à New York, au sein de son bouillonnant panier de crabes télévisuel. Et recommencer à se tirer dans les pattes, se trahir, s’amouracher, s’allier ou s’évincer. Les dix nouveaux épisodes mettent principalement en avant les personnages féminins – un choix à saluer – entre luttes de pouvoir et sororité. Mais alors que la fusion promettait de rebattre les cartes et de redonner un coup de fouet à la série, la multiplication des sous-intrigues et la profusion des protagonistes finit par diluer sa tension dramatique.
The Morning Show s’éparpille, abandonne certains arcs en cours de route et ne parvient jamais à explorer en profondeur les sujets (ô combien) importants qu’elle tente d’adresser, comme le racisme systémique, l’irruption de l’IA dans les médias, les fake news ou la frontière de plus en plus poreuse entre information et publicité.
On se réjouit malgré tout de voir une Jennifer Aniston embrasser son talent comique – toute en soupirs, « Oh god » et yeux au ciel – et on savoure les manigances de l’indispensable Billy Crudup, toujours aussi irrésistible en Machiavel des médias. Au final, même si The Morning Show peine à se réinventer et tend à devenir de plus en plus chaotique, elle délivre suffisamment de micro-twists, de fricotages et de punchlines qui claquent pour nous garder à bord. Mais alors que la cinquième saison vient d’être officialisée, on ne peut qu’espérer qu’elle serve d’épilogue à une série guilty pleasure désormais essorée.