Trois albums studio, un live, une bande originale de film… et bientôt un nouvel album, « Labyrinthe », attendu pour le 12 septembre 2025. Feu! Chatterton est devenu le meilleur groupe de rock français de sa génération – ou, en tout cas, l’un des chefs de file dans sa catégorie. Un son, un ton, une voix : les cinq garçons jouent un rock à la hauteur de tous ces groupes anglo-saxons que l’on encense tant. Et on vous explique pourquoi.
Quand on écoute Feu! Chatterton, on pense immédiatement à celles et ceux qui ont façonné, à des époques différentes, la chanson française : Gainsbourg, Bashung, mais aussi Ferré ou Barbara. Dire que ces cinq garçons sont les petits-enfants de ces légendes n’a rien d’abusif. Bien au contraire.
Comparer ces jeunes Parisiens à des artistes ayant fait l’histoire et le patrimoine de la chanson française, avec une telle virtuosité et un tel esprit ? Certains crieraient déjà au scandale. Pourquoi affirmer qu’ils en sont les descendants légitimes ? Parce que Feu! Chatterton a la même ambition que ces géants : donner vie à une œuvre riche, à la fois légère, profonde et bouleversante.
Entre chanson française et rock indé
Feu! Chatterton n’est pas une pâle copie de leurs illustres aînés. Ils s’abreuvent de leurs œuvres pour en tirer cette même soif de happer et de renverser l’auditeur, par des compositions léchées et travaillées. Leur musique est un écrin pop précieux qui pioche dans l’âge flamboyant de la chanson française, et qui tire sa sève de la scène rock indé anglo-saxonne, avec laquelle ils ont grandi – et qui les a tout autant influencés.
Leur talent ? Confronter cette base tutélaire et patrimoniale à d’autres goûts plus actuels, tournés vers les formations rock comme Radiohead. De l’une, ils se sont inspirés du côté littéraire, et de l’autre, de la fougue et de l’esprit libre et créatif. En faisant fi des carcans, en ayant l’audace de s’en extraire pour tester de nouveaux sons, en s’amusant à fusionner les styles pop, rock et electro, le groupe mené par le poète et chanteur Arthur Teboul offre une musique qui sied à son temps, en phase avec le groupe, mais qui, malicieusement, l’air de rien, offre un son sans nul doute intemporel.
En ne collant pas à la mode, les Feu! Chatterton écrivent une page de l’histoire de la musique française – et deviendront à coup sûr un groupe de référence dans quelques années, qui influencera les jeunes rockeurs en herbe.
Cette musique hybride, entre guitares racées, beats électro et sonorités plus acoustiques, est électrisante et stimulante, fruit d’une multiplicité de personnalités au sein du groupe, de musiciens en osmose qui s’expriment chacun pour s’emmener, les uns les autres, au plus loin de leurs capacités et de leur créativité. Ce goût de l’expérimentation – au sens ludique du terme – fait partie de leur ADN. Pas étonnant qu’ils aient accepté cette résidence de deux mois au Louvre. Un groupe de rock au sein du musée le plus visité au monde : comment refuser ?
Ainsi, ils ont mené des projets qu’ils n’auraient même pas eu l’idée de faire hors de ce contexte, et ce en se confrontant artistiquement à des musiciens issus d’un univers plus contemporain. Tout cela nourrit forcément la création musicale. Il est évident que cet écrin musical apporte beaucoup d’éclat aux textes proposés : l’un sert l’autre avec une belle synergie.
Une savoureuse infusion de poésie
La force de Feu! Chatterton réside également dans la manière dont la langue de Molière – plutôt devrait-on dire d’Aragon, d’Eluard ou d’autres poètes – est magnifiée par l’écriture d’Arthur Teboul. Leur flamboyance tient en partie à la plume lettrée et sophistiquée de l’auteur-compositeur.
Si l’artiste de 37 ans a été biberonné à l’écriture des grands paroliers de la chanson française, il a aussi un goût très prononcé pour la poésie. Comme Ferré, il emprunte et adapte en musique des poèmes de Louis Aragon (Zone Libre), Paul Eluard (Le départ), William Butler Yeats (Avant qu’il n’y ait un monde) ou encore Jacques Prévert (Compagnons).
Auteur de deux recueils de poésie (Le déversoir, L’adresse – les rendez-vous du déversoir), son verbe est toujours ardent, chatoyant et parsemé d’habiles métaphores. Ne vous méprenez pas : si la plume est littéraire, elle n’est pas pour autant hermétique aux non-initiés. Aussi sophistiquée soit-elle, l’écriture d’Arthur Teboul est intelligible, lumineuse : il s’agit juste de se laisser porter par les mots et les émotions qu’ils provoquent.
Écouter un album de Feu! Chatterton, c’est plonger dans les pages d’un roman avec ses personnages, qui font et défont le fil d’une histoire. Pour Billboard France, Arthur Teboul confie : « La poésie infuse tout. Quand j’écris, je ne pose pas la question de savoir si c’est poétique ou pas poétique. J’ai plus l’impression que c’est une école de la vie la poésie et je suis tombé dedans quand j’étais petit. Ma manière d’être au monde a maintenant toujours un rapport avec la poésie ; dans cette fougue que je reconnais depuis que je suis tout petit dans les grands poètes. Ce sont souvent des gens révoltés, insolents, qui questionnent nos habitudes, qui questionnent l’ordre établi et qui renouvellent notre œil. Je les vois aussi comme des compagnons de route, des amis particulièrement intelligents, sages de leur ardeur, de leur amour de la vie … Le mot n’est l’expression d’une vision. Il faut tout un monde intérieur ; capter des choses avant de pouvoir les écrire.«
« La poésie infuse tout. Quand j’écris, je ne pose pas la question de savoir si c’est poétique ou pas poétique. J’ai plus l’impression que c’est une école de la vie la poésie et je suis tombé dedans quand j’étais petit. » Arthur Teboul
Cette patte de maître est sans équivoque et unanime. L’art de Feu! Chatterton est fait de références artistiques – suite logique à la prégnance de la poésie. Leur nom, Feu! Chatterton, est d’ailleurs une subtile combinaison du poète maudit Thomas Chatterton (qui s’est donné la mort en 1770), et de l’expression littéraire « Feu! ». La pochette de leur premier album, elle, s’inspire d’un tableau d’Odile Redon, Les yeux clos.
L’art de la narration
Si la beauté de l’écriture d’Arthur Teboul est si accessible, c’est aussi grâce à son talent de conteur. Ue verbe exalté, habilement interprété par le chanteur.
L’auteur-compositeur fait partie de ces chanteurs dont la puissance narrative ne fait aucun doute. Sur disque – et encore plus sur scène –, Teboul incarne ses personnages, s’habillant de leurs vies, de leurs vibrations et de leurs émotions, pour nous les transmettre. Chanteur, narrateur, poète : Arthur Teboul est de ces êtres habités, dont le chant devient presque charnel, animal – dans le sens noble du terme. La passion, l’exaltation et la fureur, alliées à la sensibilité, la finesse et la délicatesse, font la force et le fondement de cette incarnation du chant.
Edith Piaf, Jacques Brel, Charles Aznavour, cela vous dit quelque chose ? Sans exagération, Arthur Teboul peut être ajouté à cette liste des grands interprètes français. Son chant n’a pas forcément besoin de gestuelle imposante, comme ces légendes citées plus haut : la justesse de ton de sa voix suffit amplement.
En témoignage, cette interprétation mémorable lors de l’entrée de Missak Manouchian au Panthéon le 21 février 2024. La sobriété avec laquelle il a joué l’Affiche rouge – chanson de Léo Ferré sur un poème de Louis Aragon – est l’exemple parfait de son talent.
« C’était une chanson qu’Arthur chantonnait depuis longtemps. On s’est dit que ça pourrait être marrant de faire une version assez minimaliste presque a cappella en concert. Ça a résonné, le public s’est tu et il y a eu tout de suite une écoute hyper-attentive, la même qu’en 2024 quand on la fait au Panthéon. On s’est mis à la jouer tous les soirs et c’est devenu un des moments forts de notre concert et de notre carrière« , raconte le groupe.
Difficile d’être à la hauteur d’un tel texte, de passer après Léo Ferré, de donner à la fois de l’altitude et de la profondeur à un hommage aussi douloureux. Et pourtant, cette prestation fut une franche réussite : un chant de résistance et d’amour, puissamment porté par le groupe, qui s’est emparé de la chanson – et de l’événement tout entier. Très peu auraient su trouver cette élégance, cette sobriété et cette pudeur.
Le nouvel album de Feu! Chatterton, Labyrinthe, sera dans les bacs ce 12 septembre 2025. Le premier titre dévoilé, Allons voir, est décrit comme « un appel à la joie, au jeu, au plaisir de la découverte de ce qui se cache juste là, derrière la porte« .
Entrez dans le labyrinthe, perdez-vous y, et savourez cette effervescence rock jusqu’à plus soif.
Feu! Chatterton sera en showcase le 17 septembre à la Fnac Saint-Lazare, et en tournée dans toute la France dès février 2026, avec une date à l’Accor Arena le 11 février.