
L’actrice belge Émilie Dequenne, révélée par le film « Rosetta » des frères Dardenne, est décédée ce dimanche 16 mars 2025 à l’âge de 43 ans, victime d’un cancer. L’occasion de se replonger dans une filmographie peuplée de rôles féminins aussi intenses, profonds et passionnants que leur interprète.
C’est un choc terrible qui ébranle le monde du cinéma. L’actrice belge Emilie Dequenne, révélée par les frères Dardenne dans Rosetta en 1999, vient de décéder des suites d’un cancer rare et très agressif- le corticosurrénalome- à 43 ans à peine. Difficile de choisir parmi les nombreux rôles joués par la comédienne depuis la révélation Rosetta en 1999. Des héroïnes intenses, habitées, qu’Emilie Dequenne aura incarnées avec un immense talent sous le regard de grands metteurs en scène.
Rosetta dans Rosetta (1999)
Émilie Dequenne n’a que 19 ans lorsqu’elle obtient son tout premier rôle au cinéma. Dans Rosetta des frères Jean-Pierre et Luc Dardenne, elle incarne le personnage-titre avec une telle vérité dans le regard qu’elle bouleverse immédiatement le festival de Cannes où le film est présenté. Un rôle naturaliste de jeune femme au chômage, vivant dans une roulotte avec sa mère alcoolique et désirant retrouver non seulement un emploi, mais aussi le goût de vivre. Émilie Dequenne y est bouleversante et devient la nouvelle coqueluche du cinéma francophone. L’actrice obtient le prix d’interprétation féminine à Cannes et le film, la Palme d’or.
Marianne de Morangias dans Le Pacte des loups (2001)
Blockbuster à la française, Le Pacte des loups de Christophe Gans retrace, de manière fantastique et horrifique, la traque de la Bête du Gévaudan avec un aréopage de stars : Samuel Le Bihan, Vincent Cassel, Monica Bellucci et Émilie Dequenne. À peine remise de ses émotions cannoises, cette dernière interprète un personnage diamétralement opposé à celui de Rosetta : une femme de la noblesse, romantique, altière, fougueuse, avec toute la modernité et la fraîcheur de son jeu. En un mot : captivante.
Laura dans Une femme de ménage (2002)
Avec Claude Berri, Émilie Dequenne redevient une héroïne issue des classes populaires à la Dardenne. Dans Une femme de ménage, elle est Laura, jeune fille à la rue hébergée par l’homme bougon pour lequel elle fait quelques heures de ménage par semaine. Une relation ambiguë va se nouer entre eux.
Face au regretté Jean-Pierre Bacri, toujours impérial, Émilie Dequenne tient la dragée haute, grâce à ce rôle léger en apparence et profond à l’intérieur. Il lui vaudra une nomination aux César, dans la catégorie Meilleur espoir féminin.
Emilie Dequenne au festival de Cannes 2007
Jeanne dans La Fille du RER (2009)
En juillet 2004, une jeune femme prétend avoir été agressée dans la ligne D du RER parisien, à cause d’ origines juives supposées. Un fait divers retentissant d’autant qu’il s’agissait d’une pure invention. Le grand André Téchiné s’en empare pour réaliser La Fille du RER, un thriller social dans lequel Émilie Dequenne fait à son tour une rencontre qui va changer son destin, pour le meilleur et surtout le pire. Pour lui donner la réplique, des stars telles que Catherine Deneuve et Michel Blanc, mais c’est sa prestation tout en subtilité que l’on gardera en mémoire.
Jennifer dans Pas son genre (2014)
Pour Pas son genre de Lucas Belvaux, Émilie Dequenne poursuit son exploration des rôles de femmes des classes moyennes désirant s’élever sans forcément pouvoir le faire. Ici, elle est Jennifer, coiffeuse plantureuse, péroxydée et mère célibataire, tombant amoureuse d’un philosophe aussi charmant que pédant.
Deux mondes que tout oppose et qui vont entrer en collision, où Kant côtoie les magazines people et où les apparences vont forcément être trompeuses. Une comédie romantique qui vaudra à l’actrice belge une nouvelle nomination aux César et le Magritte de la meilleure comédienne.
Pauline Duhez dans Chez nous (2017)
Après Pas son genre, Émilie Dequenne retrouve son compatriote Lucas Belvaux pour Chez nous, un drame sur fond de misère sociale et de montée des extrêmes. Elle y est Pauline, infirmière à la vie tumultueuse sous la coupe d’un ancien député (André Dussollier) la poussant à se présenter aux élections municipales sous l’étiquette d’un parti équivalent au Front National. Le début des ennuis pour cette mère divorcée dont la vie va totalement basculer. Un film qui fit polémique, mais qui montra un visage plus dur de la comédienne, dans un registre inattendu.
Louise dans Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait (2020)
En femme trompée qui tente de garder bonne figure et le contrôle de son existence, Émilie Dequenne va trouver l’un de ses plus beaux rôles. Elle est saisissante de justesse dans l’excellent Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait d’Emmanuel Mouret et obtient au passage le César de la meilleure actrice dans un second rôle. Un condensé de toutes les héroïnes qu’elle a interprétées, entre force et fragilité, douceur apparente et rage de vivre qui la ronge de l’intérieur.
Sophie dans Close (2022)
Retour aux sources avec le bouleversant Close du jeune réalisateur belge Lukas Dhont. Émilie Dequenne y retrouve la Belgique pour une tragique histoire d’amitié entre deux collégiens. Elle incarne Sophie, mère de Rémi, garçon sensible, introverti et victimisé par les autres pour sa proximité avec Léo, son ami de toujours. Pour l’un de ses derniers grands rôles au cinéma, l’actrice livre une performance sidérante de mère fantomatique après le décès de son fils, en un deuil impossible à surmonter. Magnifique.