Critique

Amélie Nothomb, ou le possible retour au sommet

21 août 2024
Par Benoît Gaboriaud
Amélie Nothomb, ou le possible retour au sommet
©Charlotte Abramow

[Rentrée littéraire 2024] Cette année, Amélie Nothomb fait sa trentième rentrée littéraire en grande forme avec L’Impossible Retour, un roman autobiographique plein d’autodérision, publié chez Albin Michel. Pour l’occasion, la romancière belge nous embarque pour le Japon. Au programme : tourisme, gastronomie, whisky et choc des cultures. Un grand cru !

Après Psychopompe (2023), dans lequel elle évoquait sa fascination pour les oiseaux, mais aussi le viol dont elle a été victime à l’âge de 12 ans, Amélie Nothomb poursuit son autobiographie dans L’Impossible Retour. Dans ce registre, l’autrice excelle depuis son deuxième roman, Le sabotage amoureux, paru en 1993. Fille d’ambassadeur, elle y racontait ses rivalités enfantines avec la belle Elena, en Chine. Cette fois-ci, direction le Japon.

Je t’aime, moi non plus

Le Japon et Amélie Nothomb, c’est une grande histoire d’amour littéraire qui dure depuis Stupeur et tremblements, grand prix du roman de l’Académie française en 1999. Dans cette satire aussi drôle que déconcertante, elle raconte son inadaptation au monde du travail nippon régi par des codes incompréhensibles pour les Occidentaux.

Dans Ni d’Ève ni d’Adam (2007), elle revient sur son histoire d’amour avec le Tokyoïte Rinri. Puis, au printemps 2012, elle retourne sur ses premiers pas au Pays du Soleil levant, faits à la petite enfance, sous l’œil attentif de Laureline Amanieux. Cette dernière a réalisé un reportage pour la série Empreintes, dont l’autrice révèle les côtés parfois absurdes et les coulisses dans La Nostalgie heureuse (2013).

Bande-annonce du documentaire sur Amélie Nothomb par Laureline Amanieux.

Une autodérision rafraîchissante

Au fil de ses romans, Amélie Nothomb raconte ses rendez-vous manqués avec ce pays qu’elle aime tant, mais qui le lui rend mal. Alors quand, en 2021, son amie Pep Beni lui propose de l’accompagner au Japon, elle hésite. Elle espère même que la pandémie de Covid-19 jouera son rôle ad vitam æternam, laissant ainsi ses frontières imperméables. Mais non ! Et tant mieux, car sinon, l’autrice n’aurait jamais écrit L’Impossible Retour, un de ses meilleurs romans, grâce à une autodérision pleine de spontanéité qui rend l’écrivaine-héroïne particulièrement attachante.

Amélie Nothomb 1

Ce récit donne envie d’être son ami·e et d’embarquer avec elle pour l’autre bout du monde. En quelque sorte, elle nous le permet au fil de ses 158 pages à dévorer d’une traite et aussi revigorantes qu’un shot de whisky japonais, dont elle ne tarit ici pas d’éloges. À défaut de champagne, dont elle avoue être friande dans nombre de ses romans !

Amélie Nothomb : merveilleuse guide touristique

L’Impossible Retour est le roman « somme » de tous ceux déjà cités. Bien que son amie l’ait défendue de sombrer dans la nostalgie, ce voyage réveille forcément en elle des souvenirs tendres et cruels déjà abordés dans ses récits, ceux de ses premiers emplois et de ses premières amours, mais aussi ceux de sa petite enfance passée à Tokyo et Kyoto aux côtés de son père aujourd’hui décédé, et à qui elle rend hommage dans Premier Sang (2021).

Ici, elle ajoute ses retrouvailles avec cette terre tant chérie, son patrimoine culturel et sa gastronomie dont les courtes descriptions pleines de vie ne donnent qu’une envie : réserver illico un billet d’avion pour le Japon !

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En véritable guide touristique, elle nous embarque dans une navette Hello Kitty, nous fait visiter le quartier de Ginza, la ville de Nara, le mythique pavillon d’or de Kyoto et nous raconte pourquoi cette cité merveilleuse n’a pas été détruite par la bombe atomique en 1945. Elle nous fait aussi découvrir l’importance qu’attachent les autochtones aux lapins et les saveurs des mets locaux tels que le poisson séché, les aubergines au miso, les racines de lotus, la soupe d’algues…

Amélie Nothomb aurait certainement pu faire financer son roman par l’office du tourisme du Japon si elle avait omis de pointer du doigt quelques différences culturelles entre l’Occident et l’Extrême-Orient. Avec nuance et intelligence, elle ne donne raison à aucune des deux parties. Mais Pep Beni, impatiente et un brin impertinente, personnage haut en couleur au fort potentiel comique, ne cesse d’en faire les frais, comme Amélie Nothomb il y a 30 ans.

Nietzsche est du voyage

Comme son nom l’indique, L’Impossible Retour traite avant tout de la volonté de revenir sur les traces de son passé, impossible à réaliser, car, comme l’observe la romancière : en tous lieux, les temps changent et avec eux les gens, les mentalités, l’architecture ou encore la nature. Ainsi, elle fait référence, avec toute sa singularité et presque en opposition, au concept philosophique de L’Éternel Retour repris par Nietzsche. Finalement, peu importe que le retour soit impossible, Amélie Nothomb s’est façonné de nouveaux souvenirs qu’elle relate ici avec une autodérision touchante et un amour du Japon contagieux.

L’Impossible Retour, d’Amélie Nothomb, Albin Michel, le 21 août en librairie.

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