La superstar littéraire suisse est de retour avec un nouveau thriller, un casse-tête romanesque dont lui seul a le secret. Fait d’apparences et de faux-semblants, ce nouveau livre, attendu ce 27 février dans les librairies, apparaît redoutablement efficace.
« On n’est jamais prêt, c’est ça qui est bien. C’est un bon trac, parce que ça veut dire qu’il n’y a pas de certitudes. S’il y avait des certitudes, il n’y aurait pas d’enjeu dans l’écriture. » Peu importe les succès qui s’enchainent, Joël Dicker vit toujours la sortie d’un roman avec la même appréhension, comme un éternel recommencement où il aurait tout à prouver à ses lecteurs.
Il faut dire que depuis la déflagration La Vérité sur l’affaire Harry Québert (Rosie & Wolfe, 2012), grand prix du roman de l’Académie française, prix Goncourt des lycéens, adapté en série à succès par Jean-Jacques Annaud, le romancier suisse est une icône comme la littérature n’en fait plus.
Avec les deux autres tomes de sa trilogie américaine, Le Livre des Baltimore (2015) et La Disparition de Stéphanie Mailer (2018), ou avec le cosy mystery dans les Alpes suisses, L’Énigme de la chambre 622 (2020), il a habitué ses lecteurs – fidèles, mais exigeants – à une expérience de lecture renversante et à des intrigues redoutables, bourrées de suspense.
Une littérature gargantuesque
Car le romancier suisse n’est pas ce qu’on pourrait appeler un styliste. Les phrases sont simples, épurées et ne visent qu’une seule chose : la clarté. Joël Dicker a une vision gargantuesque du roman. Il faut dévorer, engloutir, sans s’arrêter. Une vision boulimique qui lui a souvent valu de s’attirer les foudres de la critique, au pays du dieu verbe et de la sainte phrase.
Visant l’efficacité romanesque, l’écrivain n’hésite pas non plus à solliciter les clichés et les personnages archétypaux, permettant aux lecteurs de s’immerger plus facilement dans l’histoire. Pour apprécier comme il se doit ses œuvres, il faut signer un contrat avec lui et en accepter les termes. Il faut fermer les yeux sur certaines facilités littéraires pour se plonger entièrement dans le récit – la véritable force du romancier.
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Avec Un animal sauvage, son nouveau livre – le deuxième paru chez Rosie & Wolfe, la maison d’édition qu’il a fondée fin 2021 –, Joël Dicker bouscule quelque peu ses habitudes. Il dévie de la typologie classique d’intrigue qui a fait son succès. Ici, pas de meurtre, de crime ou de disparition mystérieuse, mais un autre poncif du thriller : le braquage.
Mais ne vous attendez pas à un récit de voleur de haut vol millimétré, un coup du siècle à la Ocean’s Eleven (2001). « Ce qui m’intéressait, c’était justement de raconter un coup simplissime. On entre, on braque, on repart, explique l’auteur, car le suspense se joue ailleurs, tout autour de ces quelques minutes de tension. »
Récit de haut vol
À y regarder de plus près, le roman a, en effet, tout du vaudeville ou du thriller conjugal à la Desperate Housewives. Un animal sauvage, c’est d’abord une histoire de couples, ou plutôt l’histoire de deux couples. Sophie et Arpad, Greg et Karine vivent les uns à côté des autres dans un quartier cossu de Genève. Ils sont voisins et surtout amis. Sophie et Arpad sont riches, beaux et jeunes, ils sont la perfection incarnée. Toutefois, un vernis est fait pour craquer, pour se fissurer.
Greg et Karine sont plus âgés, fragiles et touchants, leur amour semble émoussé. Karine jalouse Sophie pour cette vie de rêve, Greg, lui, jalouse Arpad parce qu’il partage sa vie avec la ravissante Sophie, qui l’obsède jour et nuit. Policier expérimenté, un brin pervers et obsédé, il passe une bonne partie de son temps à observer le couple dans l’ombre. Au risque de découvrir certains petits secrets troublants.
Grâce à une construction narrative ingénieuse multipliant les focales et les sauts dans le temps, déroulant un compte à rebours haletant jusqu’au jour où tout bascule, Joël Dicker recolle une à une les pièces de son puzzle. Les masques tombent, les secrets éclatent et les relations entre les personnages s’assombrissent. Les apparences sont trompeuses.
Plus que jamais, l’auteur emprunte aux codes de la série pour fabriquer un thriller redoutable. Tel un orfèvre du récit, il alimente la tension, maltraite le lecteur jusqu’au dénouement, un retournement de situation dont lui seul a le secret. Braquage réussi.
Joël Dicker viendra présenter Un animal sauvage dans plusieurs points de vente Fnac, à partir du 27 février. Il passera notamment par Paris, Marseille et Nice.