Le dernier film coréalisé par Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet, La Cité des enfants perdus, est enfin sorti en Blu-ray 4K ce 29 mars. Un univers onirique et futuriste qui a à la fois ébloui et désarçonné les spectateurs de l’époque, avides désormais de retrouver ce film qui ne ressemble à nul autre.
Pour son duo de réalisateurs
Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet se sont rencontrés en 1974 et ont commencé à travailler ensemble sur des courts-métrages dès 1978, avant de s’attaquer à leur premier long en commun, Delicatessen, qui obtint un vif succès à sa sortie en 1991. Le duo de créateurs imposait alors sa patte empreinte de poésie et de bric et broc, d’effets spéciaux manuels, de lancinante mélancolie et d’humour grinçant. Il leur faudra toutefois quatre années pour sortir leur deuxième film, La Cité des enfants perdus, reproduisant la même formule, à un degré encore plus élevé.
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Le budget est davantage conséquent, le casting est impressionnant, entre habitués et nouveaux venus (Ron Perlman, Dominique Pinon, Jean-Claude Dreyfus et une apparition de Mathieu Kassovitz), les costumes sont signés Jean-Paul Gaultier et Marianne Faithfull enregistre une chanson pour l’occasion. Le film obtient même le César des meilleurs décors. Pourtant, son relatif échec financier (1,3 million d’entrées et un budget non rentabilisé) aura raison du duo : Caro et Jeunet se séparent et œuvrent désormais chacun de leur côté. Ils se retrouveront toutefois en 2017 pour la grande exposition retraçant leur travail à la Halle Saint-Pierre, à Paris. Ce qui rend La Cité des enfants perdus encore plus spécial. Le film testament d’une relation professionnelle riche de quinze années d’un travail remarqué dans le monde entier.
Parce que c’est un conte
De l’aveu même de Jean-Pierre Jeunet, tous ses films sont (in)directement des projections d’un conte qui le hante : Le Petit Poucet. Et évidemment, La Cité des enfants perdus ne déroge pas à la règle. Il y est question du savant Krank, entouré de clones étranges (des sortes de Minions ayant le visage de Dominique Pinon), qui vit sur une plateforme en pleine mer. Pour ne pas vieillir, il dérobe les rêves des enfants qu’il transforme malgré lui en cauchemars. La jeune Miette, dont le frère a été enlevé, décide de le retrouver avec l’aide d’un géant de foire, incarné par Ron Perlman.
Enfants qui ne retrouvent pas leur chemin, Cyclopes, chemin jonché d’embûches, Père Noël effrayant, tout est fait pour que La Cité des enfants perdus devienne un conte steampunk intemporel ne demandant qu’à être transmis à son tour de génération en génération.
Pour son univers esthétique
Souvent imité, jamais égalé, le style Caro-Jeunet est la clé de voûte de la réussite de La Cité des enfants perdus, qui n’a pas vieilli d’un iota en près de 30 ans. Sa photographie ocre et vert bouteille préfigure celle du Fabuleux destin d’Amélie Poulain qui imposera définitivement la patte Jeunet. Ce style très » expressionnisme allemand », est l’heureuse combinaison entre artisanat et nouvelles technologies, effets spéciaux bricolés à la main (celle de Caro) et révolution numérique (notamment pour la duplication du visage de Dominique Pinon). La Cité des enfants perdus est l’un des plus beaux exemples de l’ambition française en matière de cinéma à la fois intimiste et à grand spectacle.