Gomorra : pourquoi c’est culte ?

Pour sa portée au-delà du petit écran

Si on vous dit série sur les trafics de drogue et la mafia, vous laissez échapper un soupir, tant ces thématiques ont été exposées en long, en large, et en travers dans le paysage audiovisuel ces vingt dernières années. La série Gomorra, adaptation du livre éponyme Gomorra de Roberto Saviano paru en 2006, se différencie largement et passionne encore aujourd’hui, presque 10 ans après sa création. Le projet est ambitieux et on ne peut plus sensible : évoquer dans les détails les plus profonds la vie réelle de la Camorra, mafia dominatrice de la région napolitaine.

Napolitain de naissance, Roberto Saviano dévoile une édifiante enquête riche et plurielle sur les influences de la Camorra, les différents trafics, les liens politiques. Il est à la tête des deux projets puisqu’il est également créateur de la série télévisée. Une implication telle qu’il est contraint de vivre sous protection policière, et de changer de lieu de vie tous les deux soirs au maximum, depuis la fin d’année 2006. Son œuvre a une résonance rare et fait son entrée dans la sphère politique. Malgré une volonté de dénoncer l’assise camorriste, Gomorra est perçue comme une publicité positive pour l’organisation mafieuse. Constat partagé par bon nombre de résidents de Naples ainsi que par Silvio Berlusconi qui perçoivent son oeuvre comme un coup de projecteur négatif sur la capitale de la Campanie. Chacun verra midi à sa porte, en qualité de téléspectateur étranger, on ne peut que saluer les vertus de cette série.

Pour le jeu des acteurs

Saviano aurait pu être grossier dans la construction de son adaptation. Pourtant, il aborde très adroitement l’univers mafieux à travers différents leviers. La trahison, les sentiments, la famille, les doutes personnels. Gomorra, c’est bien plus qu’une série sur la drogue, comme certains détracteurs le font entendre. Durant cinq saisons, nous sommes plongés dans le Naples le plus cru, le plus brut, avec tout ce que cela comporte. Un voyage dans la troisième ville de l’Italie derrière Rome et Milan, qui représente le Sud, avec une marginalité bien souvent pointée du doigt par le Nord du pays.

Dès le premier épisode, le décor est planté. Le fer sème le désordre jusque dans le centre-ville. Les querelles pour asseoir sa domination dans la ville font rage. Le clan des Savastano, Don Pietro en tête, régente Naples mais Salvatore Conte lui donne du fil à retordre. Il sera l’un des protagonistes des premiers épisodes. Toutefois, l’intrigue est placée sur la passation de pouvoir de Pietro à son fils, Gennaro, dit Genna. Le Don se retrouvant incarcéré suite à une interpellation autoroutière.

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Genna apprend les ficelles du métier avec Ciro Di Marzio, l’homme de main le plus fiable et impitoyable de son père. Bien trop tendre au départ, Genna se durcit après un voyage décisif dans sa formation. Le fils Savastano est interprété par Salvatore Esposito qui nous fait profiter d’une palette étoffée. Nous avons affaire à un authentique caméléon qui est au centre de cette série dans un rôle de dirigeant, de père et de fils. Que dire de Ciro Di Marzio, le soldat par excellence. Celui qui aurait dû prendre le flambeau de Pietro et qui se fait la malle. Endurci par une enfance très âpre, Ciro, joué par l’excellent Marco d’Amore, nous fait passer par toutes les émotions. Gomorra se distingue par un casting local, dans son élément, qui connait son sujet et par conséquent, nous embarque dans son univers.

Pour son aspect dramatique prodigieux 

Gomorra nous frappe par sa dramaturgie. Le cheminement de l’intrigue nous prend souvent à contre-pied et nous émeut. La fin des épisodes vient nous glacer le sang tout en nous attirant vers le suivant. Saviano parvient à vendre son produit sans pour autant sombrer dans le sensationnalisme. Facilité dans laquelle de nombreux réalisateurs de séries du même thème tombent souvent. La fatalité revient sans cesse pour les personnages auxquels nous nous attachons. Si les locaux dénoncent une promotion pour ce monde de la mafia, la manière dont cette série est tournée inspire tout le contraire. Le destin des protagonistes semble gravé dans le marbre. Entre quatre planches ou, au mieux, derrière les barreaux. Une rengaine exprimée sous une autre forme que l’on doit à un célèbre rappeur français.

Depuis 2014, Gomorra a su capter une audience, créant même parfois de la fascination. Cette série a conquis son public grâce à son aspect introspectif dans ce qui est l’une des organisations les plus puissantes d’Europe. Achevée en décembre 2021, cette œuvre entame désormais sa seconde vie. Sa pérennité ne semble pas faire de doute.

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