Ferrell Sanders, plus connu sous le nom Pharoah Sanders, est une légende du jazz. Pendant 60 ans, il a joué de son saxophone avec deux priorités : liberté et spiritualité.
Pourquoi ce musicien mérite-t-il d’être considéré comme une légende ? Et bien simplement parce que la durée de sa carrière, les artistes qu’il a côtoyés et son apport à l’histoire du jazz en font un artiste hors-norme, au-dessus des autres.
John Coltrane admirait Sanders
Pharoah Sanders a 21 ans lorsqu’il s’installe à New-York. Nous sommes en 1961. Il galère, dort dans le métro et ne réussit pas à vivre de la musique. Néanmoins, il a des opportunités pour jouer avec Sun Ra, Don Cherry et Billy Higgins, maîtres du genre vite baptisé Free jazz. C’est la rencontre avec une autre légende qui va changer sa vie. En 1964, John Coltrane qui l’a entendu jouer au Village Gate de New-York, lui demande d’entrer dans son groupe. 1965, ils jouent régulièrement ensemble. Déjà, Pharoah pose sa marque, le style qui imposera son nom dans l’histoire du jazz. Un jazz déstructuré, hors de tout concept, sans repère aucun pour l’auditeur. John Coltrane admirait Sanders. Ça aide à construire une légende.
The Creator Has a Master Plan
Après le décès de Coltrane (1967), le saxophoniste joue un temps avec sa fille Alice puis signe des albums dont les plus remarquables sortent sur le label Impulse. Sa légende se construit entre 1967 et 1971. En 1969, son album Karma et le titre The Creator Has a Master Plan, dans une version de 32’, repoussent les limites du genre. Une quête spirituelle unique et profonde. Une musique cosmique, universelle. Le titre sera repris 25 ans plus tard par les Brooklyn Funk Essentials qui en feront un hit. Ça aussi, ça bâtit une solide légende.
Des années 1980 compliquées
Les années 1970 sont celles des grands albums : Black Unity (1971), Thembi (1971), Love Will Find a Way (1977). La décennie 1980 sera plus compliquée. Le format et le marketing sont rois. Les radios imposent leur loi. Dans ce contexte, celui qui s’est donné la liberté totale pour priorité et la spiritualité aura du mal à trouver sa place.
Années 1990 : décennie parfaite pour lui
À l’inverse, les années 1990 lui permettent de revenir à ses fondamentaux. Il rencontre un autre « fou » d’expérimentation et de recherche : Bill Laswell. Ensemble, ils produisent Message From Home sur le label Verve . Le projet Red Hot & Cool, Stolen Moments utilise son profil pour la pochette de l’album dont il fait partie. Il joue sur le titre This Is Madness, reprise des Last Poets. Les expérimentations entre soul, funk, hip-hop et jazz lui correspondent parfaitement. La liberté… This Is Madness, trance folle, en est une belle illustration.
NEA Jazz Master
Depuis, il a passé son temps sur scène allant de festival en festival. De nombreuses collaborations également. En 2015, recevait le NEA Jazz Master, plus haute récompense américaine pour le jazz. En 2021, il enregistrait l’album Promises avec l’orchestre symphonique de Londres et les Floating Points. Ces derniers revendiquent Sanders comme une influence majeure. 2021, cinquante-sept ans après ses débuts, autre raison d’entrer dans la légende…
Pharoah Sanders était un virtuose, un électron libre, passionné, généreux, spirituel et parfois difficile à suivre. Mais n’est-ce pas le cas de tout génie ? Il est décédé le 24 septembre 2022. Il avait 81 ans.