Né en même temps que l’invention du disque, Deutsche Grammophon est l’un des plus anciens labels musicaux du monde, et aussi l’un des plus prestigieux. Usant, depuis l’origine, des dernières technologies de pointe en matière d’enregistrement, la structure excelle notamment dans l’enregistrement de la musique symphonique et de la musique de chambre.
Émile Berliner, fondateur de Deutsche Grammophon
S’il n’est pas le créateur du premier tourne-disque, le « gramophone », l’ingénieur allemand Emile Berliner, spécialiste de la transmission audio à la fin du XIXe siècle, en a marqué l’histoire : il est à l’origine d’un brevet concernant cette géniale invention permettant de diffuser de la musique directement, à partir d’un enregistrement. Exilé aux États-Unis, il y fonde en 1887 la société « Berliner Gramophone » chargée de commercialiser les appareils de lecture, mais aussi les premiers disques pressés.
A l’époque, l’inventeur bataille avec un autre support, le cylindre en cire, qui se fait connaître sur le marché américain. Surtout, il doit composer avec les imitateurs, qui cherchent eux à exploiter le succès naissant du disque. En 1900, un procès perdu lui empêche de distribuer de la musique aux États-Unis. Prudent, Émile Berliner a ouvert avant cela des succursales. En Angleterre, The Gramophone Company Limited sera à l’origine de la fameuse collection La Voix de son maître avant de devenir le grand label EMI, par fusion avec la filiale britannique de Columbia.
Pendant ce temps, c’est en Allemagne que le neveu d’Émile Berliner, Joseph Sanders, lance Deutsche Grammophon, qui sera rapidement LE label international du classique.
Deutsche Grammophon, une ascension fulgurante
Dès les années 1910, la compagnie débute l’enregistrement de grandes pièces du répertoire. Profitant de la présence en Allemagne d’un des meilleurs orchestres du monde, le Berliner Philhamoniker, la société rend hommage au compositeur national, Beethoven, dont la Cinquième Symphonie est gravée en intégralité sous la conduite d’Arthur Nikisch, pour la première fois, dès 1913 (et sur 78-tours !). Dans les années qui suivent, le chanteur Caruso et les grandes voix de l’opéra russe figurent parmi les interprètes de choix du catalogue DG. Un tournant est amorcé dans les années 1930, lorsque le plus important chef du monde, Wilhelm Furtwängler, enregistre pour la firme allemande. Directeur des orchestres de Berlin et de Vienne avant-guerre, il est le symbole de l’explosion du classique écoutable « à la maison ».
Dès lors, Deutsche Grammophon, à la pointe technique de la musique, s’attache les services de dirigeants talentueux, comme Karl Böhm et l’incontournable Herbert Von Karajan, qui y enregistre d’abord en mono, puis plus tard en stéréo, des versions légendaires des Symphonies de Beethoven. Racheté par Siemens en 1941, le label attire ces pontes grâce à la supériorité sonore de ses studios, où l’on utilise pour la première fois les bandes magnétiques. À partir des années 1950, et jusqu’à aujourd’hui, DG devient le mètre étalon de l’enregistrement classique dans le monde entier.
Une maison de disques de référence
Après l’alliance de Philips et de Siemens dans les années 1970, Deutsche Grammophon est l’un des piliers de l’alliance PolyGram, qui deviendra, par diverses fusions, la major Universal que nous connaissons aujourd’hui. Au sein de ce consortium, DG mène depuis des décennies un travail colossal pour saisir sur disque la virtuosité des plus grands musiciens classiques. Chopin par Maurizio Pollini, pièces orchestrales brahmsiennes par Claudio Abbado, The Disney Book du phénomène chinois Lang Lang, et réinterprétations contemporaines des 4 Saisons de Vivaldi par Max Richter se côtoient donc dans un catalogue pléthorique, où jeunes pousses et légendes cohabitent. Certains artistes se font offrir le luxe de voir tous leurs enregistrements DG collectés dans un même coffret, telle la pianiste Martha Argerich (The Complete Recordings On Deutsche Grammophon), l’Orpheus Chamber Orchestra (The Complete Recordings On Deutsche Grammophon) ou Pierre Boulez en tant que chef d’orchestre (The Conductor). Preuve de la fidélité qui lie interprètes et label au sein de cette vénérable maison, qui a honoré aussi, récemment, Alexandre Astier en éditant la bande originale du film Kaamelott.