Décryptage

Fun Fnac : Bayonetta, la sorcière au cœur d’une guerre de l’industrie du jeu vidéo

14 octobre 2022
Par Valentin Boulet
Fun Fnac : Bayonetta, la sorcière au cœur d’une guerre de l’industrie du jeu vidéo
©Fnac

Dans la famille des jeux les plus attendus depuis très (trop) longtemps, je demande la sorcière ! Bayonetta s’apprête à faire son grand retour dans un troisième opus sur Nintendo Switch le 28 octobre 2022. L’occasion de revenir sur l’histoire de ce personnage pas comme les autres.

Avant de nous plonger dans l’histoire de la licence et ses multiples péripéties, arrêtons-nous sur Bayonetta, cette héroïne si particulière et importante dans l’histoire du jeu vidéo. Lors de la sortie du premier opus en 2009 au Japon (2010 dans le reste du monde), les personnages féminins sont de plus en plus présents dans les jeux vidéo, mais reste souvent cantonnés à des rôles clichés ou très masculinisés.

Bayonetta sera en revanche très vite considérée comme une héroïne portant fièrement les couleurs du féminisme et de la lutte contre le patriarcat. Pourtant, au premier coup d’œil, Bayonetta reste une sorcière extrêmement sexualisée : formes avantageuses, combinaison en latex et plans de caméra peu subtils sont au programme. Tenez vous bien, Bayonetta doit même enlever complètement sa combinaison, et donc se retrouver nue, pour ses fameuses invocations de monstres.

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Mais en réalité, tous ces attributs ont été soigneusement choisis par une femme chargée du character design : Mari Shimazaki. Sa volonté était de se moquer des clichés habituels, en les poussant à l’extrême. Et absolument toutes les intrigues des jeux vont dans ce sens.

D’abord, l’intégralité des personnages masculins sont dépeints comme des ignares, et surtout des lâches, particulièrement impuissants. Ensuite, le principal antagoniste de l’histoire n’est autre que le père de Bayonetta, ce qui symbolise bien sûr la lutte contre le patriarcat. Enfin, Bayonetta, qui au passage déteste par-dessus tout les enfants, s’en prendra aussi à Jubileus, la déesse de la fécondité. Une manière pour le jeu de rejeter le rôle de mère imposé à toutes les femmes. Bayonetta est donc une sorcière de caractère, qui a même réussi à déclencher de nombreux conflits dans son industrie.

Capcom VS PlatinumGames

Au début des années 2000, Capcom est déjà un géant de l’industrie du jeu vidéo. L’éditeur japonais profite d’un incroyable catalogue de licences, toutes plus connues les unes que les autres, de Street Fighter à Resident Evil en passant par Devil May Cry. Et pour faire tourner la boutique, Capcom peut compter sur le talent de ses plus grands génies créatifs, Shinji Mikami (Resident Evil, Devil May Cry), Atsushi Inaba (Okami, Viewtiful Joe) ou encore Hideki Kamiya (Resident Evil, Viewtiful Joe…).

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Mais nos trois compères commencent à se lasser d’exploiter toujours les mêmes licences, et réclament de l’indépendance. Dans un premier temps, pour calmer la gronde, Capcom leur permet de créer une filiale, Clover Studio, pour gagner un peu en autonomie. De quoi calmer les ardeurs des trois développeurs pendant quelque temps, pas assez pour les convaincre. Fin 2006, Mikami, Inaba et Kamiya quittent le navire Capcom pour créer leur propre studio : PlatinumGames.

PlatinumGames_Logo

Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la rupture ne passe pas dans le calme. Hideki Kamiya est particulièrement véhément dans la presse à l’égard de son ancien employeur, et PlatinumGames ne tarde pas à annoncer son ambition : créer une nouvelle licence de Beath Them All pour anéantir Devil May Cry, licence qu’ils avaient eux-mêmes créée quelques années plus tôt. Voilà ce qui sera la principale motivation du studio à l’heure de développer Bayonetta premier du nom. Entre PlatinumGames et Capcom, la guerre est déclarée.

Mais nos trois créatifs ne sont pas du genre à se contenter d’un adversaire et vont réussir à se mettre à dos leur propre éditeur, SEGA. Alors que Bayonetta est développé sur Xbox 360, ce qui est particulièrement rare, c’est SEGA qui s’occupe du portage vers la PS3, pour alléger la charge de travail du studio.

PlatinumGames VS SEGA

A sa sortie, Bayonetta rencontre un immense succès critique et s’impose comme une vraie révolution pour le Beat Them All. Pour la première fois dans le genre, le scénario est travaillé, beaucoup de dialogues sont écrits et une attention particulière est portée à la cohérence de l’univers, avec des références culturelles très prononcées (La Divine Comédie) : le jeu a tout pour plaire. Problème, la version PS3 rencontre de terribles problèmes techniques, qui entameront grandement le succès du titre auprès des joueuses et joueurs Playstation.

La relation entre SEGA et Platinum n’est alors vraiment pas bonne. D’autant que les autres productions du studio, toutes destinées à un public de niche (MadWorld, Infinite Space, Vanquish…), n’entraînent pas les chiffres de vente envisagés. SEGA accuse Platinum de ne pas savoir comment plaire au public, et Platinum accuse SEGA de ne pas savoir vendre ses productions. Et cette guerre n’arrange personne : Platinum et SEGA se retrouvent tous les deux dans une grande difficulté financière.

SEGA VS Nintendo

Heureusement, les difficultés des uns font souvent le bonheur des autres, surtout dans une industrie aussi concurrentielle que le jeu vidéo. Nintendo, qui vient de faire un carton monumental avec sa Wii, s’apprête à dévoiler au monde sa prochaine console, la Wii U. Et pour cette nouvelle génération, Big N ne veut pas faire la même erreur qu’avec la Wii, en se concentrant trop sur le grand public, quitte à oublier les joueuses et les joueurs les plus passionné.e.s. Pour ça, le constructeur japonais a besoin d’un jeu comme Bayonetta.

A la surprise générale donc, dans son dernier Nintendo Direct avant la sortie de la Wii U, Nintendo balance en exclusivité le trailer de Bayonetta 2, qui ne tardera pas à faire le tour du monde. Mais il faudra attendre deux ans après la sortie de la Wii U pour enfin voir arriver Bayonetta 2 dans les rayons. Et en deux ans, le monde entier a eu le temps de constater que la Wii U représentait le plus gros échec commercial de l’histoire de Nintendo.

Les fans de l’univers créé par PlatinumGames sont donc dévasté.e.s, et refusent d’investir dans une console au bord du gouffre pour pouvoir retrouver leur sorcière préférée. Malgré les dizaines de milliers de signatures récoltées sur diverses pétitions, rien n’y fait, et les ventes du jeu sont donc catastrophiques. La licence appartient toujours aux trois acteurs, à savoir PlatinumGames, SEGA et Nintendo. Mais SEGA n’ayant plus vraiment les moyens de se battre, Nintendo reste le seul maître à bord.

Ca tombe bien, car le constructeur japonais a un plan pour se remettre de l’échec de la Wii U, qui lui a permis de comprendre ce que le public attendait. La Nintendo Switch débarque et le carton est aussi immédiat que spectaculaire. Une bonne occasion pour ressortir les titres phares de la Wii U que tant de joueuses et joueurs ont manqué. Mario Kart 8 Deluxe est le meilleur exemple, mais les portages de Bayonetta et Bayonetta 2 vont eux aussi rencontrer un immense succès, qui remettra la licence sur le devant de la scène.

Bayonetta 3 est alors annoncé en 2017, mais ne donnera plus aucune nouvelle avant septembre 2021. Une absence de communication très longue, qui s’explique par un développement compliqué, notamment parce que SEGA est toujours dans l’équation. Mais qu’importent les guéguerres entre géants de l’industrie, notre bien aimée sorcière fait enfin son retour, et c’est tout ce qui compte. Rendez vous le 28 octobre 2022 !

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Article rédigé par
Valentin Boulet
Valentin Boulet
Conseiller fnac.com jeux vidéo et high tech
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