Entretien

Le Forum des Lecteurs interview Marie Costa

10 octobre 2022
Par Anastasia
Le Forum des Lecteurs interview Marie Costa

Coach parental certifié, Marie Costa a déjà pu accompagner 950 enfants et familles. Soucieuse d’apporter de la bienveillance, du bien-être et de la paix, elle offre ses compétences et ses conseils à travers l’éducation positive. Également auteure, Parents, pardonnez-vous ! Et vivez heureux est son dernier livre.

Pardonnez-vous


Question 1 de Cheshire :

J’ai un enfant qui entre en 6e cette année et je découvre les joies du logiciel qui permet de tout connaître en temps réel : retards, absences, notes… Comment ne pas tomber dans le piège du « flicage » alors que l’institution même nous y incite ?

Lorsque j’étais au collège, les parents savaient peu de choses (un professeur absent, par exemple) et de cela découlait une certaine forme de liberté accompagnée des responsabilités qui vont avec. Aujourd’hui, je sais exactement à quelle heure il quitte, s’il a bavardé en classe ou s’il a oublié son matériel. Nous sommes hyper informés, du coup, on se sent impliqué activement dans ce qui devrait rester, la plupart du temps, entre l’élève et l’école. Comment laisser la place à l’enfant-élève de tester, se tromper, réessayer, assumer, se responsabiliser…quand nous, parents, en sachons autant si ce n’est plus que lui sur sa propre vie ?

Marie Costa : « Je suis entièrement d’accord avec vous ! On peut reprendre la définition du mot « éduquer » : « Former quelqu’un en développant et en épanouissant sa personnalité ». L’étymologie est aussi claire : Le mot éduquer vient du latin educare « élever, instruire »… Dans aucun cas, il est associé à un contrôle, un flicage !

Éduquer, c’est laisser à l’autre le temps aussi d’apprendre, de se tromper, d’avancer avec des hauts et des bas : ce n’est pas linéaire ! Aujourd’hui, se sont nos peurs qui nous poussent à surveiller sans cesse les enfants : peur qu’il leur arrive quelque chose, peur qu’ils n’obéissent pas, peur qu’ils ne soit pas à l’école. Et l’institution a trouvé un moyen de « sécuriser » les parents en leur envoyant un rapport précis des informations de leur enfant. Et pourtant, n’oublions pas que l’éducation est un droit et la liberté également.

Question 2 de EglantineLilas :

« L’éducation ne s’acquiert pas dans une formation, il n’y a pas de diplôme validant … » En tant qu’arrière-grand-mère, je me croyais hors du temps ! Il me semble que pour une partie des parents actuels, tout doit entrer dans un cadre, et lorsque l’enfant n’y entre pas, c’est la panique à bord. À mon époque, on disait qu’on n’avait pas la science infuse… «Vous n’êtes pas parfait, les autres non plus ! » N’est-ce pas aux parents d’apprendre à l’être au fur et à mesure que l’enfant grandit ?

Qu’il était le bon temps où les parents n’avaient pas toutes ces injonctions, ces pressions, ces obligations ! Actuellement, la société nous entraîne vers une course à la perfection. Il faut faire un dîner presque parfait, être élu comme meilleur pâtissier ou top chef ! Les émissions de télévision surfent sur cette tendance, nous rappelons en permanence que l’on peut faire mieux. Il en est de même pour les parents, l’éducation n’est pas une accumulation de bons points nous délivrant une certification. Éduquer un enfant c’est avoir de nombreuses hésitations, faiblesses, doutes, mauvais choix… C’est un ajustement en permanence où les parents « font au mieux ». Stoppons cette course folle à l’excellence, arrêtons de vouloir être un parent parfait, soyons juste un parent authentique et inventons la parentalité qui nous ressemble !

Question 3 de Maud :

Quelles sont les « imperfections » que l’on peut éprouver en tant que mère ?

À l’heure actuelle, les mères sont confrontées au culte de la perfection et de la performance. La pression sociale les pousse à être accomplie sur tous les plans : la carrière professionnelle, la vie de femme, d’épouse, d’amante, de mère … en donnant à leurs enfants une éducation parfaite ! La mère qui veut être « parfaite » cherche à faire coller parfaitement l’idée qu’elle se fait de la mère idéale et le rôle qu’elle tient. On peut aussi chercher à être parfaite pour se sentir reconnue ou aimée. Les imperfections sont des ressentis propres à chacun ! Notre insatiable quête de perfection nous ramène perpétuellement vers nos imperfections ! Heureusement que le monde est peuplé de personnes qui sont bien heureusement imparfaites ! C’est l’imperfection qui nous permet d’avancer, de réfléchir, de nous adapter. Les tâtonnements, les doutes, les erreurs sont indispensables à tout apprentissage.

Apprendre, c’est se tromper ! Lorsqu’on apprend à conduire une voiture par exemple, il est nécessaire de caler plusieurs fois avant de comprendre comment utiliser les pédales. Si vous restez vous-même, avec vos incertitudes, vos questionnements, vos remises en question… Vous montrez que vous n’êtes en rien infaillible et offrez ainsi à l’enfant la possibilité d’accepter ses propres failles. Il comprend qu’il ne doit pas se décourager de ses échecs. C’est grâce à l’exemple que vous donnez qu’il se construit. Quand vous vous trompez, que vous le reconnaissez, que vous cherchez à y remédier : il gagne la liberté d’en faire autant ; lui aussi a le droit de tâtonner, de corriger le tir. VIVE nos imperfections !

Question 4 de Anastasia :

Existe-t-il des signes évidents qui indiquent que nos enfants sont bloqués sur des propos/schémas que l’on a pu leur imposer ? Ils ont parfois tendance à ne pas laisser entrevoir leurs émotions ou nous pouvons passer à côté.

Les émotions ne sont pas toujours évidentes à exprimer et certains enfants, de part leur éducation mais également leur tempérament, vont davantage les contenir. Les raisons sont multiples, il est parfois plus facile d’extérioriser sa joie que de parler de sa honte, sa peur ou sa tristesse.

Vous avez raison, nous pouvons leur imposer inconsciemment des blocages avec certains de nos messages qui vont désactiver l’expression de leurs émotions. Par exemple, lorsque nous lui disons : « Ce n’est pas grave », « Tu ne vas quand même pas pleurer pour si peu », « À ton âge… tu es trop grand pour geindre »… Bien que nos intentions ultimes n’étaient pas de les rabaisser ou de les « fermer » à toute expression de leurs sentiments, nous finissons par leur communiquer que nous ne laissons de la place qu’aux émotions positives. Et nous leur envoyons des messages contraignants tels que : Sois fort, sois parfait, fais vite, fais des efforts, fais plaisir ! Ces messages nous poursuivent bien souvent tout au long de notre vie.

Lorsque l’on en prends conscience, il est bon de se rappeler des messages antidotes : « Je ne suis pas parfait, je suis réaliste », « Je ne fais pas que plaisir à l’autre, je pense aussi à moi », « Je ne fais pas des efforts, mais je tente de réussir à ma manière »… Pour apprendre à un enfant à exprimer de nouveau ses émotions, il va falloir partir de nous et montrer l’exemple. Nous sommes la principale référence dont disposent les enfants lorsqu’ils doivent gérer ce qu’ils ressentent, ils nous imitent et apprennent à se comporter à partir de nous.

Question 4 de Anastasia :

Pouvez-vous nous proposer quelques clés pour ne pas culpabiliser ? Comment s’en protéger ? Comment oser (et réussir à) s’introspecter ?

La culpabilité se définit par un état émotionnel plus ou moins intense où l’individu, par le filtre de ses perceptions et ses croyances morales, est convaincu d’avoir mal agi. Ainsi perçue, la culpabilité génère des remords plus ou moins profonds et insuffle une intention de réparer « la mauvaise action » ou plus précisément les dégâts causés par ce comportement. Elle se présente comme une émotion voisine de la honte et de l’embarras.

Pour s’en libérer voici 3 astuces :

1. Prendre conscience du sentiment de culpabilité, le pointer du doigt : à quel moment je culpabilise, pour quelles raisons, dans quelles circonstances ? Qu’est-ce que je me reproche ? Est-ce justifié ou exagéré ? Ecrivez sur un petit carnet tous vos ressentis, mettez des mots sur votre culpabilité.

2. Analysez les circonstances : quelles sont les origines de cette culpabilité ? Dans quel état étais-je au moment de cette culpabilité ? Soyez honnête avec vous-même.

3. Mesurez les conséquences et changez de perspectives : L’erreur est humaine et l’on doit s’accorder le droit de se tromper. Relativisez, prenez de la distance et lâchez prise le plus possible… Pour sortir de cette culpabilité. Pardonner c’est ôter cette culpabilité et introduire la paix en soi !

100-idees-pour-eviter-les-punitionsQuestion 5 de EglantineLilas :

Comment vous sont venues les certitudes que vous mettez en avant ? Avez-vous des enfants avec qui vous avez appris ? Avez-vous écrit d’autres livres et si oui, sur quel(s) sujet(s) ?

Dans mon livre Parents, pardonnez-vous ! Et vivez heureux, vous trouverez un « petit épisode » de ma vie au début de chaque chapitre. Vous découvrirez ainsi quelles ont été mes étapes pour arriver à me libérer du poids du passé, pour tenter de relativiser et de ne pas essayer d’être une maman parfaite. Ce cheminement demande du temps, de la patience, de la bonté envers soi !

Oui, j’ai écrit 100 idées pour éviter les punitions aux éditions Tom Pousse, ainsi que plusieurs fichiers pratiques destinés aux enfants chez Larousse.

Questioh 6 de Maud :

Avez-vous interviewé de nombreux types de familles pour écrire et développer vos propos ?

Oui, un travail d’investigation qui a duré plus de trois ans auparavant, de nombreuses familles (plus d’une centaine) de différentes origines et classes sociales ont répondues à mes questions. Mes recherches ne se sont pas limitées dans le cadre familial, mais plus largement autour de la notion du pardon.

Le pardon n’est pas seulement une question de religion, il peut aussi être politique, suite à différentes abominations telles que les guerres, les génocides, les crimes… Il n’est pas réservé à des personnes « naïves » vivant dans un monde de bisounours.

Le pardon est une méthode puissante pour vous libérer, être heureux et réussir.

Question 7 de Maud : 

Dans votre livre, y a-t-il des parties dédiées aux membres de la famille qui sont parfois aussi très présents dans l’éducation d’un enfant ?

Ce livre peut s’adresser à toutes personnes interagissant dans l’éducation d’un enfant, que ce soit des grands-parents, un beau père, une baby-sitter… Il n’y a pas une partie dédiée pour eux, mais un fil rouge à suivre pour mieux comprendre aussi leur place dans l’éducation de l’enfant.

Question 8 de Zaza13 :

Dans votre livre, parlez-vous des particularités liées aux troubles dys/autisme etc… dans les familles ?

Je n’aborde pas ce sujet-là dans mon ouvrage, mais je les appelle les « familles courageuses ». Avoir un enfant avec des troubles neurobiologiques est un défi de tous les instants, une remise en question profonde de notre rôle de parents. C’est une adaptation permanente, un ajustement sans fin, de nombreuses heures de doutes et de remises en questions.

Mais généralement, ce sont des parents exceptionnels qui ont mis de côté leurs convictions pour s’adapter aux besoins de leur enfant. Ce sont des parents qui ont développé de nombreux talents : la patience, la résilience, la persévérance… et l’espérance de voir leur enfant s’épanouir malgré la différence.

Question 9 de Yasei :

Je lis beaucoup de livres dédiés à l’éducation positive. J’ai un ado autiste (et troubles associés) et je trouve peu de livres sur le sujet incluant concrètement les enfants/ados ayant des troubles (autisme, tdah, dys, etc). Est-ce que votre « approche » s’adapte à tous les profils de famille ?

Tous les profils de famille peuvent trouver des éléments de réponse dans mon livre, même s’il n’aborde pas particulièrement les troubles neurodéveloppementaux. Par contre, vous me donnez une idée d’écriture pour le prochain. 🙂 »

Parution le 30 juin 2022 – 156 pages

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