Critique

Petiote de Benoît Philippon : l’histoire d’un loser qui n’a plus rien à perdre

19 juillet 2022
Par Anastasia
Petiote de Benoît Philippon : l’histoire d’un loser qui n’a plus rien à perdre

Une saveur particulière se profile dans l’air à l’annonce des parutions de Benoît Philippon. Marquée au fer rouge, on se rappelle encore cette (super) grand-mère de 102 ans qui ne faisait pas dans le tricot pour canarder l’escouade de flicaille depuis sa chaumière. Cette année, la vedette n’est pas à mamie Luger, mais à Gus et sa Petiote. Un roman désaxé et rock’n’lose.

PetioteGus est un loser né. Ça on nous le dit dès le début, et de toute manière, on le comprend très vite.

Sauf qu’un raté, ça a un cœur, et même si ça aime mal, que ça paraît à côté de ses pompes et que ça n’est pas très présent, eh bien ça a quand même quelque chose qui gigotte dans la cage thoracique. Pour Gustave, sa fille c’est comme un « flocon de lumière tout droit tombé du ciel » parmi le baril de goudron de sa vie. Alors quand la juge des affaires familiales décide de ne pas lui laisser la garde légale, c’est l’explosion.

« Il a tout d’une grenade dégoupillée, il va tout faire péter, ça va gicler, gaffe aux projections de boyaux. Rien à foutre des dommages collatéraux, il ne va pas faire dans le détail. La détonation s’entendra jusqu’au département fraudes fiscales du tribunal. »

Ah non, il ne croyait pas si bien dire, Gus ! Pour sa fille, il est prêt à tout… Même si ce « tout » signifie établir une prise d’otage dans un Love Hôtel au « v » déglingué. V comme vagues. Vagues de naufragés échoués dans un endroit décrépi où l’ange gardien porte le nom de saint George. Un plan foireux, en somme, vous l’aurez compris. Et dont la revendication est quelque peu bancale, elle aussi : réceptionner un avion pour fuir au Venezuela avec Emilie. Mais dans cette affaire, Gus pourra compter sur Cerise, une prostituée chupa choups version épicée…

Ça chahute au pays des emmerdes…

Ce roman, c’est aussi l’occasion pour Benoît Philippon de raconter le viol, les violences conjugales, les chemins qui mènent à la prostitution, le trafic de drogue ; de parler de la justice et de ses décisions parfois hasardeuses, des errances, de l’adolescence, du monde du numérique et des réseaux sociaux…

Avec Petiote, impossible de nier le talent sans équivoque de l’auteur pour narrer ces personnages désaxés, hors norme, dans la marge, bel et bien présents. Des « anti-héros » qu’on les affectionne. Qui viennent titiller une part de nous, déranger les conventions, faire réfléchir. Alors, il me faut vous les présenter :

– George, le saint des Saints du royaume Encrotté ;

– Boudou, le SDF sauvé des eaux (sauf des eaux de vie) ;

– Hubert, clone de Bob Marley et (accessoirement) livreur à Uber Eat (et ne voyez surtout pas de relation entre « Hubert » et « Uber ») ;

– Cerise, la prostituée qui ne fait pas dans le gâteau ;

– Fatou, une migrante… prévoyante ;

– Gwen et Dany, qui ne font pas dans le catholique ;

– Sergueï, un marchand d’armes (très méchant) ;

– et Emilie, la petiote (survoltée) de Gus.

Grâce à son humour tout aussi décapant, les situations burlesques dans lesquelles nous plonge le livre n’ont pas fini de vous faire rire… Géni de Buster Keaton, réveille-toi !

« Non, ça va pas. On est à des années-lumière de la planète « Ça va ». J’ai pas eu mon visa pour « Ça va », j’ai été recalé à la douane. Ici on est coincés en plein désert de « C’est la merde intersidérale » . Vous connaissez ? Dans la région de Mouise Land. C’est un p’tit bled, mais y a une chiée d’habitants. Si ça vous tente, je vous envoie une carte IGN, moi je connais tous les sentiers à l’alentour. »

À ce propos, les membres du Forum des Lecteurs ont eu l’occasion de l’interviewer à la parution de son livre. C’est ici que ça se passe : Le Forum des Lecteurs interview Benoît Philippon

Parution le 12 mai 2022 – 375 pages

Petiote, Benoit Philippon (Les Arènes) sur Fnac.com

Article rédigé par
Anastasia
Anastasia
Libraire Fnac.com
Sélection de produits