Décryptage

Aux origines du rock et du métal progressif

13 juillet 2022
Par Mathieu M.
Aux origines du rock et du métal progressif

Apparu à la fin des années 1960, le rock progressif s’inspire à la fois de la musique pop et de genres traditionnellement plus encrés – comme le jazz et le classique – pour proposer des morceaux complexes. Ayant connu son âge d’or dans les seventies, le courant s’est transformé avec le temps, donnant ainsi naissance au metal progressif. De Procol Harum à Dream Theater, en passant par Pink Floyd et Marillion, retour sur l’histoire de ce style à part.

Les sixties : la naissance du rock progressif

Ogden's Nut Gone FlakeAu milieu des années 1960, le rock est en pleine ébullition. En Angleterre, aux États-Unis, en Europe continentale, de nombreux artistes cherchent à le réinventer. Certains s’inspirent même de l’Inde et de l’usage de drogues hallucinogènes pour le convertir en une expérience quasi mystique : dans la naissance du rock psychédélique. D’autres poursuivent le rôle libérateur et puissant du blues et du rock, ce qui aboutit aux prémices du hard rock. Enfin, à une époque où les formations pop gagnent en savoir-faire instrumental et vocal, certaines décident de se tourner vers des genres les plus sérieux, et en particulier du classique, pour réaliser des morceaux de plus en plus ambitieux, accouchant de ce que l’on appellera par la suite le rock progressif.

The Who’s Tommy OrchestralOn doit son essor à la démocratisation du tourne-disque : c’est au cours des années 1960 que le format album débarque au sein des foyers en Occident. Ce qui pousse les artistes les plus innovants à les concevoir comme des œuvres à part entière. Cet essor se ressent tout d’abord dans la pop anglaise, avec le succès des albums concept, tels qu’ Ogdens’ Nut Gone Flake des Small Faces, Tommy des Who ou Days of Future Passed des Moody Blues. Autant d’albums de rock dans lequel une narration justifie le passage d’un titre à un autre, afin d’avancer dans un récit.

A whiter shade of paleEn dehors du concept album, l’autre grand trait du rock progressif, à savoir l’influence des musiques savantes, se trouve anticipé par quelques artistes pionniers. En Angleterre, Procol Harum séduit le public en s’inspirant de deux mélodies de Jean-Sébastien Bach, jouées à l’orgue électrique, sur leur single A Whiter Shade of Pale, tandis qu’aux États-Unis, Frank Zappa invente un rock composé comme du classique, à la fois loufoque et très avant-gardiste, tout en allant chercher des éléments du côté du jazz. Ces deux artistes, apparus vers 1966-1967, seront à l’origine du rock progressif.

L’âge d’or du rock progressif

Selling England By The PoundEntre la fin des années 1960 et le début des années 1970, les principales formations qui vont forger la légende du rock progressif apparaissent. Toutes vont donner au genre une certaine singularité. Genesis, bâti autour du chanteur Peter Gabriel et du batteur Phil Collins, invente une formule où le récit autour du folklore anglais est accompagné d’une certaine théâtralité, notamment sur scène. Le groupe donne au genre quelques-uns de ses premiers chefs-d’œuvre, avec les concept album Nursery Cryme, Foxtrot et Selling England by the Pound.

In the court of the Crimson KingFruit du cerveau génial de Robert Fripp, King Crimson apparaît à la même époque que Genesis, et livre, dès leur premier album, la pierre angulaire de l’évolution du rock dans les seventies. In the Court of the Crimson King, mêle brutalité, noirceur et expérimentation. Il sera suivi par quelques très bons opus, dont Red et Starless and Bible Black.

The yes album - 2 CD + DVD bonusLe rock progressif attire naturellement les virtuoses de leurs instruments. La formation de Yes, à la charnière du hard rock et du prog, influencée par le classique, en atteste largement. Autour du tandem Jon Anderson-Steve Howe (voix et guitare) sans oublier le batteur Bill Bruford, le groupe anglais a multiplié les morceaux de bravoure, réalisant des albums composés majoritairement de titres de plus de dix minutes. Close to the Edge, Fragile ou The Yes Album dévoilent la virtuosité de chacun des instrumentistes. Ils la partagent avec les membres d’Emerson Lake & Palmer, trio qui a obtenu un grand succès dans les seventies en adaptant avec les instruments électriques et les premiers synthétiseurs un répertoire proche du classique. En témoigne leur disque Trilogy ou Brain Salad Surgery, dans lesquels on retrouve aussi bien des fugues que des boléros !

Animals - RemasteriséAutre grand participant à l’âge d’or du rock progressif, Pink Floyd, dont la particularité est de créer une musique davantage planante que virtuose. Pour autant, la propension du groupe anglais à enregistrer des concept albums et des pièces de plus de quinze minutes, sur des disques comme Atom Heart Mother, Meddle ou Animals, assure la proximité du quatuor avec le genre.

Le néo-progressif

Misplaced ChildhoodEn 1977, la vague punk entraîne un certain dédain du rock progressif. Les plus jeunes l’accusent d’être trop compliqué, les plus politisés de dévoyer l’énergie du rock et d’en faire une musique conservatrice jouée par des « dinosaures ». Pourtant le genre s’est propagé, que ce soit au Canada avec Harmonium et Rush, en France avec Ange et Magma, en Italie avec PFM et Le Orme… Mais il va falloir un revival, dans les années 1980, pour que le courant retrouve les faveurs de la foule. C’est en particulier Marillion, en Angleterre, qui réactive le souffle de Genesis avant de trouver leur propre voie, laissant au prog les chefs-d’œuvre Misplaced Childhood, Fugazi ou Brave. IQ ou Pendragon suivent peu ou prou leur pas, avec pour point commun de distiller ici et là des chansons un peu plus hard rock que leurs prédécesseurs de la génération dorée. Une tendance qui va faire naître l’un des courants majeurs du prog de nos jours : le metal progressif.

La naissance du métal progressif

Lost Not Forgotten Archives : Live In NYC 1993Si l’on doit à Queensryche les premiers pas vers un hard rock assez heavy à tendance progressive, c’est véritablement dans les années 1990, à l’heure où les guitares saturées et les pogos s’imposent dans le monde entier, qu’on assiste à la naissance du metal progressif. Celui-ci reprend au rock prog des origines le caractère narratif et souvent lyrique de la musique tout en la mâtinant de passages plus extrêmes. Une esthétique qui séduit quelques groupes : Dream Theater, parmi les plus opératiques, a enchaîné les disques et les concerts dans les décennies 1990-2000, et continue aujourd’hui de plaire aux fans de virtuosité.

Way of all fleshDans un genre plus extrême, Tool (Aenima et Lateralus) s’est distingué par sa technicité et son goût pour la noirceur rappelant King Crimson, quand Opeth (Orchid et Pale Communion) a rendu le death metal « progressif », ouvrant un sillon suivi, par exemple, par Gojira.

Closure / ContinuationEnfin, le véritable maître du metal progressif se nomme Steven Wilson. Avec son groupe Porcupine Tree, il a livré quelques pépites du genre, notamment Stupid Dream ou Fear of Blank Planet. Reprenant les codes du rock progressif pour mieux les adapter au troisième millénaire, son art s’est aussi manifesté en solo. Récemment, il a relancé la machine collective pour un nouvel album somptueux, Closure / Continuation, enregistré en groupe après douze ans de silence en studio… Et en attendant un nouvel opus de The Mars Volta, cette sortie vient prouver toute l’actualité du rock progressif, sous toutes ses formes !

Article rédigé par
Mathieu M.
Mathieu M.
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