Décryptage

Aux origines de l’electro-swing

26 avril 2022
Par Mathieu M.
Aux origines de l’electro-swing

Représenté aujourd’hui par des artistes comme Parov Stelar – dont paraît Moonlight Love Affair – et Caravan Palace, l’electro-swing mêle les sonorités du jazz classique avec l’electro la plus énergique. Le genre tire son origine de la fusion entre deux univers a priori distincts, pratiqués dès les années 1990.

L’acid jazz, une première tentative de fusion

People people music musicAu cours des années 1980, alors que le jazz traditionnel revient à son caractère virtuose, l’idée de fusionner les riffs cuivrés avec les nouveaux rythmes des musiques populaires s’impose. Le concept ? Recycler les gimmicks mélodieux de grands instrumentistes et les intégrer à un beat dansant et implacable. Le label anglais Acid Jazz (avec des formations comme Galliano) et les Américains Medeski, Martin & Wood ont d’abord montré la voie, en créant une sorte de jazz-funk parsemé de grooves electro. Parfois, de tels projets réunissaient des artistes issus de l’acid house et des musiciens jazz, et même des rappeurs. Le cas de Groove Collective, par exemple, est emblématique : ce groupe taillé pour les dancefloor amenait les fans à une transe en employant quelques synthés électroniques. Plus tard, la scène aboutira au succès de Jamiroquai, qui a fait entrer le son de l’acid jazz dans la pop des années 1990.

L’electro, une révolution dans le jazz

The DawnDu côté du jazz, un certain nombre de musiciens particulièrement talentueux ont vu le potentiel d’expansion qu’apportait l’électronique, pour renouveler leur langage rythmique, notamment. En France, les années 1990 correspondent à l’émergence d’une scène qui avait écouté sans snobisme des disques de techno, de house et de drum’n’bass, alors en pleine explosion. Les réminiscences de Roni Size ou Goldie inspirèrent à Erik Truffaz The Dawn ou Bending New Corners. Le pianiste et historien du jazz Laurent De Wilde se fendait, lui, d’un hommage à la jungle en l’an 2000 avec Time 4 Change, un disque empli de rythmique ultrarapide et de virtuosité jazzistique. 

New Conception of JazzL’apport des boîtes à rythmes et de l’électronique pour modifier le son d’instrument acoustique touchaient aussi la scène scandinave. Nils Petter Molvaer, sur l’album Khmer, innovait, dès 1998, dans le genre. Révolutionnaire dans son jeu et dans le climat de ses œuvres, le pianiste Bugge Wesseltoft fournissait la preuve des proximités entre electro et jazz avec New Conception of Jazz, et ses opus suivants, nourris de formes expérimentales.

Le passage du jazz dans l’electro

BoulevardEn 1995, l’explosion de la french touch entraînait dans son sillage de nombreux projets inédits. Ancêtre de l’electro-swing, le musicien St Germain (alias Ludovic Navarre) réussissait dès l’album Boulevard à amener les samples et les riffs jazzy dans un contexte purement electro. Downtempo, house et même breakbeat soutenaient rythmiquement une musique improvisée qui devait influencer toute la planète. Quelque temps plus tard, les clubs et les bars devinrent le lieu privilégié pour écouter ce « nu jazz », ou  « electro-lounge », un style taillé pour se détendre dans des canapés cosy. Rubin Steiner, De-Phazz ou Jazzanova en furent les représentants les plus importants au début du troisième millénaire. Les compilations Saint Germain des prés Café et Buddha Bar en firent les grandes heures.

The Pool DigipackDu côté de la scène electro pure et dure, l’esprit du jazz, notamment les morceaux basés sur un thème et ses variations, a influencé de nombreux artistes. Underground Resistance, label et collectif d’où émergeait Mike Banks, innova avec le « HiTech Jazz » qu’il inventa sous le pseudonyme de Galaxy 2 Galaxy.

La naissance de l’electro-swing

Moonlight Love AffairDans les années 2000, la mode du sample jazzy vintage revient en force dans l’electro. La création du label Freshly Squeezed, l’essor de Chinese Man, de Wax Tailor, contribuent au retour d’anciennes voix du jazz ou d’échantillons cuivrés dans la scène electro grand public. De son côté, le label français Wagram signait trois amateurs de jazz manouche, Hugues Payen, Arnaud Vial et Charles Delaporte, qui animent le groupe Caravan Palace avec la chanteuse Zoé Colotis. Le succès de leur premier album, en 2008, déclenche une véritable vague electro-swing. Leur maison de disque décide d’éditer une compilation rassemblant les meilleurs titres du genre. On y trouve pêle-mêle Waldeck, côté downtempo, dont l’élégance naturelle a été soulignée par l’album BallRoom Stories. En ressort aussi Mr. Scruff, dont le Get A Move On a été précurseur. Également présent sur cette compilation, Libella Swing permet une large exposition de Parov Stelar, devenue, sur disque et en festival, la star européenne de l’electro-swing. Ses disques The Princess, The Demon Diaries, The Art of Sampling et Coco fusionnent les samples de cuivres swing, les drops electro et les triturations sonores, aboutissant à une formule reconnaissable et extrêmement efficace. C’est dire si son nouvel album, Moonlight Love Affair, est attendu, par des fans d’electro-swing qui écoutent aujourd’hui les nombreux artistes de cette scène, qu’ils se nomment Dimaa, Bart & Baker, Little Violet ou Caro Emerald.

Article rédigé par
Mathieu M.
Mathieu M.
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