Actuellement à l’affiche de Morbius et de la série WeCrashed, retour sur la carrière de Jared Leto, acteur-chanteur aux choix de films souvent atypiques, pour le meilleur comme pour le pire. Rétrospective, de sa révélation dans Angela 15 ans jusqu’aux films de superhéros.
Un second rôle prometteur
Né en 1968, Jared Joseph Leto monte à Hollywood à 24 ans dans l’espoir de devenir réalisateur. C’est toutefois devant la caméra qu’il se fait connaître en 1994 quand il incarne Jordan Catalano dans l’une des plus grandes séries ado jamais réalisées : Angela 15 ans. Objet des désirs de l’héroïne jouée par Claire Danes, Jared Leto parvient immédiatement à saisir les fêlures et le vide existentiel de Jordan derrière la façade de beau gosse. Il devient instantanément une icône du jeune public malgré la brièveté du chef-d’œuvre de Winnie Holzman.
Jared Leto se fait très tôt remarquer en suivant la doctrine Actors Studio, il prépare en effet longuement ces rôles, n’hésitant pas à amasser documentation et transformations corporelles pour se fondre derrière chaque rôle. Il a également l’habitude de ne pas sortir du personnage entre les prises. Après avoir joué un malheureux suspect dans le violent thriller La piste du tueur de Jeb Stuart et un des héros de Urban Legend, Jared Leto compose une prestation « à Oscar » dans le biopic Prefontaine. Ses efforts de ressemblance bluffent même la sœur du sportif, et contribuent à le placer plus haut dans la liste des acteurs les plus demandés.
La carrière de Jared Leto décolle véritablement en 1998 quand il lance son groupe de rock Thirty Seconds to Mars, où il est toujours le leader vocal. La même année, Terrence Malick le caste dans le rôle du lieutenant William Whyte dans La Ligne rouge, désormais un classique du film de guerre. Même s’il n’est que second rôle, Jared Leto décroche avec ses collègues sa première récompense : un Satellite Award. Remarqué, il accède à davantage de seconds rôles de films très attendus : Fight Club, Black and White, et surtout American Psycho de Mary Harron. Face à Christian Bale, il est renversant de réalisme en yuppie à succès attirant la jalousie du serial killer. Black and White permet à Leto de jouer le rôle d’un personnage gay, sans doute un des points de départ de son engagement public envers la communauté LGBT+.
Le premier grand rôle de Jared Leto advient en 2000 avec Requiem for a Dream de Darren Aronofsky. Accomplissant une métamorphose physique et psychique hallucinante, jusqu’à vivre réellement comme un junkie, Jared Leto subjugue en accro à l’héroïne. Il est l’un des atouts maîtres de ce film culte générationnel.
Jared Leto, l’antagoniste
Quoi de plus effrayant qu’un méchant à gueule d’ange ? Dans l’optique de dépasser ses précédents rôles d’héros, Jared Leto commence à privilégier les antagonistes. Dès 2002, il retrouve David Fincher qui le caste dans le rôle du voleur semant la terreur chez les héroïnes de Panic Room. Cet essai de rôle sombre fonctionne, tout comme celui du frère de Nicolas Cage dans Lord of War d’Andrew Niccol, où il joue un trafiquant d’armes trop présomptueux pour son bien. Si Alexandre d’Oliver Stone est critiqué pour ses déviations historiques, Leto impressionne en amant jaloux du rôle-titre, décrochant une nouvelle appréciation des critiques pour son premier rôle de blockbuster.
Quand il renoue avec le biopic après Prefontaine, Jared Leto accomplit sa plus dantesque métamorphose pour incarner Mark David Chapman, l’assassin de John Lennon dans Chapitre 27. Prise de poids massive (33 kgs !), attaques de goutte, chocs psychologiques à force d’incarner au plus près Chapman… rarement un acteur ne se sera mis autant en danger pour un rôle. S’accordant un an pour récupérer, il enchaîne par la suite avec le méconnu Cœurs perdus aux côtés d’un casting de choix (Salma Hayek, John Travolta, James Gandolfini…). Il y resplendit d’une aura ténébreuse dans le rôle d’un arnaqueur. Si ces films ne sont pas toujours des succès, la critique et le public louent sa dévotion maximale à ses rôles, où il est souvent méconnaissable.
Consécration mainstream et controverses autour des films de Jared Leto
C’est en 2009 qu’il tient dans Mr. Nobody ce qui reste son rôle le plus complexe – selon ses termes – Nemo Nobody, homme se trouvant à la croisée de plusieurs vies différentes qui s’enchevêtrent. Mindfuck à souhait, le film de Jaco Van Dormael n’en est pas moins un miracle d’émotion, impulsée par la composition caméléon de Jared Leto, jouant littéralement plusieurs versions de son personnage avec la même maestria.
Sa véritable consécration mainstream se forme en 2013, quand il joue Rayon, une femme transgenre atteinte du SIDA dans Dallas Buyers Club de Jean-Marc Vallée. Dégainant une nouvelle préparation dont il a le secret (perte de 13 kgs, rasage intégral du corps, multiples rencontres avec la communauté trans), il s’agissait aussi pour Jared Leto de rendre hommage à un colocataire de ses années estudiantines, mort de la maladie en 1991. Comme attendu, sa prestation est acclamée et lui vaut un Oscar du meilleur second rôle, son seul à ce jour. Jean-Marc Vallée, le réalisateur, déclarera – à cause de son refus de sortir du personnage – « Je ne connais pas Leto, Jared ne m’a jamais montré Jared ».
Pour en savoir plus : les meilleurs films et séries de Jean-Marc Vallée.
Au fur et à mesure que Jared Leto grimpe vers les blockbusters les plus attendus, ses performances maximalistes et ses choix de films commencent à diviser. Il ne convainc guère en Joker lysergique dans Suicide Squad et Zack Snyder’s Justice League, mais fait preuve d’une troublante retenue en tant qu’antagoniste dans Blade Runner 2049, l’éblouissant sequel du film culte réalisé par Denis Villeneuve. S’il offre souvent des prestations à haute intensité, ses choix de films : House of Gucci, The Outsider ou Morbius, convainquent bien moins. Une exception cependant avec Une affaire de détails, où il renoue avec le thriller néo-noir, et retrouve les suffrages de la critique. TGrâce à WeCrashed, il revient à la série, qu’il avait quitté depuis la fin d’Angela 15 ans en 1995. Dans le rôle d’Adam Neumann, le cofondateur malchanceux de WeWork, il est convaincant en PDG agressif et avide, bien que son interprétation négative du fondateur ait provoqué quelques remous. Plus controversé que jamais dans ces rôles, Jared Leto n’a pas fini de faire parler de lui, surtout avec ces futurs films : Tron 3 ou encore le prochain Darren Aronofsky, 20 ans après Requiem for a Dream…
