On avait fait un tour dans le sud du Royaume-Uni à Brighton pour le premier numéro de Vinyles en ville, on part maintenant dans le nord ! Direction l’Ecosse et sa plus grande ville Glasgow. Centre culturel immense, cette ville a vu naître pléthore d’artistes très influents, notamment à partir des années 80. Encore aujourd’hui, elle est le berceau de bon nombre de groupes, à commencer par Franz Ferdinand, qui vient de sortir un best-of. Tour d’horizon d’une fourmilière musicale.
Une galaxie qui se forme dans les années 80
Durant les sixties et seventies, Glasgow est quelque peu éclipsée par les voisins anglais, on peut tout de même citer Donovan, figure majeure du mouvement hippie. Il a apporté une contribution non-négligeable à la musique psychédélique et Sunshine Superman demeure un incontournable dans le genre.
Durant les années 80, la new-wave explose, et dans ce style il y a vraiment de quoi se mettre sous la dent à Glasgow. On pense tout de suite à Simple Minds, mastodonte en la matière, et leur tube intergalactique Don’t You (Forget About Me), qui figure sur la bande originale du mythique Breakfast Club. Hipsway, avec un The Honeythief séduisant, connaît un certain succès au Royaume-Uni. Leur bassiste, Johnny McElhone, forme ensuite la grosse cylindrée pop-rock Texas (aussi originaire de Glasgow), en compagnie de la charismatique chanteuse Sharleen Spiteri. A la frontière entre pop et new-wave, Strawberry Switchblade, groupe aussi éphémère que talentueux, fait un tabac en 1985 avec Since Yesterday. A quelques encablures de la ville, on peut également citer Aztec Camera, et leur titre Oblivious tout simplement imparable.
Dans l’univers du rock indépendant, The Vaselines, groupe qui a énormément influencé un certain Kurt Cobain, écrivent quelques belles pages de la faune musicale de Glasgow à cette période, tout comme Orange Juice et leur album Rip It Up, incontournable de tout féru de rock indépendant britannique. Lloyd Cole et ses comparses the Commotions sortent en sept ans d’existence trois albums de pop indé so British, qui font minimum un top 15 dans les charts du Royaume-Uni. The Wake, quant à eux, dans un registre bien plus froid, contribuent à la notoriété du célèbre label Factory Records. Pour ce qui est de The Pastels, en dépit d’une interprétation vocale qu’on peut juger légèrement maladroite, ils nous livrent de petites perles en termes de mélodies.
Une ville majeure dans les nineties
A l’aube des années 90, juste avant l’arrivée de la tornade Britpop, Primal Scream frappe un énorme coup dans l’univers de la musique. Jusqu’alors groupe de rock au succès relativement confidentiel, la bande de Bobby Gillespie, sous l’impulsion du producteur d’exception Andrew Weatherall, sort un disque révolutionnaire : Screamadelica. Ce disque brise toute distinction entre les styles musicaux. Rock, électro, gospel, psyché, un équilibre étonnamment parfait s’installe le temps d’une heure. Considéré comme l’album le plus drogué de l’histoire par le NME, Screamadelica demeure l’une des pierres angulaires des années 90. Le groupe traverse ensuite la période Britpop entre rock et électro et est toujours en activité aujourd’hui.
La Britpop, parlons-en. Alors que les deux épicentres Londres et Manchester se tirent la bourre, Glasgow n’est pas pour autant sur la touche. Teenage Fanclub signe quelques coups d’éclat au milieu des 90s avec notamment Sparky’s Dream sur l’album Grand Prix. Un peu plus tard, Travis emboîte le pas alors que le mouvement commence à s’essouffler – la Britpop est repartie aussi vite qu’elle est arrivée. Ils frappent très fort à l’aube des années 2000 avec l’énorme tube Sing, qui figure sur l’album The Invisible Band.
Emmené par Stuart Murdoch, la formation Belle & Sebastian fait également partie des groupes phares de Glasgow à partir du milieu des années 90, grâce à leur pop teintée de folk. Forts d’une discographie de onze albums et de plus de vingt cinq ans d’activité, ils continuent de séduire tout amoureux de cette pop indie dont seuls les Britanniques ont le secret. De Tigermilk à A Bit Of Previous en passant par The Boy With The Arab Strap, leur discographie regorge de pépites.
Mogwai fait aussi rayonner la plus grande ville d’Ecosse en jouant la carte post-rock. Et comme tout bon groupe de post-rock qui se respecte, une grande majorité de sa discographie est instrumentale. Chaque piste fait voyager l’auditeur, en alternant les sonorités éthérées et les passages percutants qui poussent le curseur de la distorsion au maximum. Plus d’un quart de siècle de carrière plus tard, la formation fait partie des références dans le genre.
Une entrée dans le XXIe siècle tambours battants
On a évoqué le gigantesque carton Sing, mais Travis est loin de faire cavalier seul aux début du XXIe siècle. Emmené par la chanteuse Tracyanne Campbell, Camera Obscura s’est formé en 1996 mais il faut attendre 2001 pour les voir sortir leur premier album. Biggest Bluest Hi-Fi est produit par Stuart Murdoch (on se serre les coudes entre Glaswégiens), et on ressent l’influence de ce dernier. Il ne les accompagne pas dans les studios pour Underachievers Please Try Harder, mais on reste avec un son proche de Belle & Sebastian. Le groupe trouve en revanche une patte plus singulière sur Let’s Get Out Of This Country. Sur ce troisième opus, on y trouve un petit clin d’œil à Lloyd Cole & the Commotions, sur le titre Lloyd, I’m Ready To Be Heartbroken (référence au titre Are You Ready To Be Heartbroken), nouvelle preuve que Camera Obscura est bien implanté dans Glasgow. Deux albums succèdent au troisième, avec un gain progressif d’assurance. Malheureusement, Carey Lander, la claviériste du groupe, décède en 2015 et la formation est naturellement marquée par sa disparition.
Passons maintenant au groupe actuel le plus connu de la ville et sans doute même de l’Ecosse entière : Franz Ferdinand. A moins d’avoir vécu sur une île déserte, personne n’a pu échapper au titre Take Me Out, extrait du premier album (tout simplement baptisé Franz Ferdinand). Mais ce serait tant dommage de limiter la discographie du groupe d’Alex Kapranos à ce morceau. Franz Ferdinand, c’est un rock bondissant, simple et terriblement efficace, élevé par la voix assurée du chanteur. Ils ont à leur actif cinq albums, tous très catchy, avec un tournant électro bien plaisant sur Always Ascending, un disque collaboratif avec les géniaux Sparks (FFS) et un best-of, Hits to the Head, sorti en 2022.
En savoir plus : Franz Ferdinand, regard dans le rétroviseur avec Hits to the Head
Autre machine à tubes de Glasgow, The Fratellis marquent le rock indé des années 2000 avec notamment Chelsea Dagger, ode au joyeux bazar, que tout le monde prend un malin plaisir à chanter à tue-tête. En somme, l’autre Take Me Out des pistes de danse rock, qui par ailleurs résonne dans les travées de Murrrayfield quand l’équipe nationale de rugby écossaise marque un essai. Mais Jon Fratelli et sa bande ont d’autres tours dans leurs poches : on pense aux Flathead, A Heady Tale, Halloween Blues, également bien enjoués, qui contrastent avec les Whistle for the Choir, Baby Doll ou autres Desperate Guy, plus graves mais tout aussi séduisants.
Parmi les autres artistes qui se distinguent dans la cité écossaise, impossible de ne pas mentionner Glasvegas (dont le nom est un hommage à peine dissimulé à leur ville d’origine), emmenés par James Allan et portés par leur ballade Geraldine. On pense également à la chanteuse Amy Macdonald, qui a envahi les ondes avec son hit folk This Is The Life. Plus récemment, Chvches et leur pop pétillante saupoudrée de synthés, connaissent un succès loin d’être confidentiel. La musique a Glasgow a donc encore de beaux jours devant elle.