Les fans de rock indé ont pu découvrir un album collectif prometteur : Blind Date Party. Sur ce disque conceptuel, Bonnie Prince Billy et Bill Callahan (Smog) ont invité de nombreux collègues musiciens à plancher sur des reprises en duo, en laissant le hasard faire le choix des chansons… Une bonne idée qui vient rappeler que l’album collectif a une importance durable dans la musique indé américaine. On vous raconte.
Ce 28 janvier, les fans de rock indé vont pouvoir découvrir un album collectif prometteur : Blind Date Party. Sur ce disque conceptuel, Bonnie Prince Billy et Bill Callahan (Smog) ont invité de nombreux collègues musiciens à plancher sur des reprises en duo, en laissant le hasard faire le choix des chansons… Une bonne idée qui vient rappeler que l’album collectif a une importance durable dans la musique indé américaine. On vous raconte.
Avant l’album collectif : le supergroupe
En 1988, George Harrison cherche un studio pour composer et enregistrer une face-B. Se trouvant à Los Angeles, il apprend que Bob Dylan dispose d’un local dédié. Embarquant un ami musicien avec lui, Tom Petty (fondateur des Heartbreakers), le guitariste des Beatles crée en une après-midi un supergroupe, les Traveling Wilburys, qui réaliseront trois albums, et intègrent, outre Harrison, Dylan et Petty, des gloires comme Roy Orbison et Jeff Lynne.
Le concept de « supergroupe » procède souvent de ce genre d’initiative personnelle. L’envie, pour un artiste solo installé ou membre d’une formation connue, de faire un pas de côté, peut mener à la création de nouvelles signatures, qui peuvent être des side-projects, des one-shots, ou une aventure de plus !
Les réunions de musiciens d’horizons divers se sont multipliées au cours de l’Histoire du rock indépendant. Au Canada, par exemple, le groupe The New Pornographers s’est distingué : c’est une récréation pop indie pour des artistes davantage associés au folk comme John Collins et Dan Bejar, venus de Destroyer, et le songwriter Neko Case. Them Crooked Vultures (avec Josh Homme de Queens of the Stone Age, John Paul Jones de Led Zeppelin, et Dave Grohl de Nirvana/Foo Fighters) ou The Dead Weather (avec Jack White des White Stripes, Alison Mosshart/VV de The Kills, Jack Lawrence des Raconteurs, et Dean Fertita de QOTSA) restent les exemples les plus fameux de cette tendance. Que ce soit avec leurs albums ou en tournée, ces deux supergroupes ont rencontré un immense succès dépassant même le cadre de la scène indé américaine.
Les Desert Sessions : l’exemple même des albums collectifs du rock indé
La scène se passe au Rancho de La Luna, à Joshua Tree en Californie, à l’été 1997. Dans cette maison aménagée, toute la crème du rock dit « stoner » américain s’est donné rendez-vous, à l’invitation de Josh Homme. Le guitariste-chanteur, venu de Kyuss, propose à ses potes rencontrés en tournée de partir dans de longues jams, en s’aidant de champignons hallucinogènes. Le petit « bœuf » entre amis tourne à l’expérience psychédélique. Surtout, des chansons en émergent : Josh Homme a la bonne idée d’enregistrer les meilleurs passages et de les compiler sur un premier album, justement nommé Desert Sessions.
Depuis lors, onze autres « séminaires » musicaux en plein désert ont donné lieu à autant d’albums, où se croisent des membres de Fu Manchu, Monster Magnet, Nine Inch Nails, Warpaint ou Royal Blood. Chaque disque fait ainsi l’événement : les Desert Sessions 11 & 12, enregistrées en 2019, ont montré que la génération du stoner pouvait parfaitement travailler avec les nouvelles gloires de la scène indé.
Pour Josh Homme, à l’origine de la création des Queens of the Stone Age, qui est aussi membre des Eagles of Death Metal, les Desert Sessions revêtent un caractère important : elles sont un temps à part dans son calendrier de rockstar particulièrement chargé.
L’album collectif : une forme tendance du rock indé américain
Comme Josh Homme, certains musiciens et producteurs aiment à créer, en marge de leurs principaux projets, des albums hors-série, dans lesquels ils se réunissent avec d’autres créatifs. Dans les années 2000-2010, le producteur Danger Mouse s’est ainsi porté sur deux disques collectifs d’une grande originalité. Le premier, Dark Night of the Soul, a été conçu avec le songwriter de Sparklehorse, Mark Linkous. Un aréopage de talents de la scène indé américaine est venu prêter main-forte aux deux leaders : en featuring, on retrouve les Flaming Lips, Iggy Pop, David Lynch, Julian Casablancas des Strokes ou Black Francis (Pixies)… Autant de grands noms qui donnent leur touche à un exemple canonique d’album collectif savamment produit. En 2011, en hommage à la musique des western spaghetti qu’il affectionne, Danger Mouse s’est associé à Daniele Luppi pour le disque Rome, où il a invité Jack White et Norah Jones.
Autre figure appréciant les pas de côtés collectifs : Sufjan Stevens. Sa carrière solo nous a déjà gratifiés de chefs-d’œuvre d’indie folk (Illinoise, Carrie & Lowell, The Age of Adz). Mais le garçon sait aussi prendre des détours, par le biais de rencontres, de collaborations. Avec Bryce Dyssner (de The National), Nico Muhly et James McAlister, il a ainsi livré l’album concept planant Planetarium (chaque chanson étant nommé d’après une planète du système solaire), puis Aporia, un opus ambient qu’il a enregistré avec son beau-père Lowell Brams. Son dernier disque est du reste en duo : A Beginner’s Mind le voit côtoyer le guitariste-chanteur Angelo de Augustine, pour un résultat enchanteur.
Cette année 2022, c’est autour de deux parrains de la scène indépendante américaine qu’un album collaboratif de grande qualité s’est noué. On doit en effet Blind Date Party à Bill Callahan et Bonnie Prince Billy. Le premier a inventé, en groupe (Smog) puis en solo, une forme de folk-rock mélancolique culte, quand le second, avec les Palace Brothers, en tant que Will Oldham ou sous son nom actuel, a multiplié les projets folk, country et post-rock.
Pour Blind Date Party, les deux musiciens ont décidé de profiter de leur confinement pour proposer à des amis artistes de reprendre avec eux des chansons classiques du rock et du folk. Petite particularité : le choix des morceaux s’est fait au hasard, afin de respecter le concept de « blind date ». De quoi surprendre les Azita, Ty Segall, et autres David Pajo invités pour l’occasion, dans ce disque emblématique d’une scène indé américaine en perpétuel bouillonnement collectif !