L’immense compositeur britannique John Barry a été emporté par une attaque cardiaque le 30 janvier 2011 à l’âge de 77 ans, laissant en deuil le 7ème art et tous les passionnés de B.O. à travers le monde.
De la saga « James Bond » à « Danse avec les loups », retour sur la carrière d’exception d’un auteur aussi prolifique qu’éclectique…
John Barry est né à York en 1933, d’une mère pianiste et d’un père propriétaire de cinémas, autant dire qu’il est tombé dedans quand il était petit…
Dans les salles de son père, il est marqué par les compositions de Steiner, Herrman, Waxman, Korngold, véritables artisans de sa vocation. Après une formation de piano classique aux côtés de sa mère, également passionné de jazz, il commence l’apprentissage de la trompette en autodidacte.
Après son service militaire, en 1957, il forme le groupe The John Barry Seven et compose pour la BBC, tout en signant des arrangements pour des artistes maison. Il y fait la connaissance du chanteur Adam Faith avec qui il commence à collaborer régulièrement. Quand Faith est engagé pour son 1er film en 1960, il recommande Barry, qui avec Beat Girl (L’aguicheuse) signe sa 1ère B.O., dont le thème principal, véritable déchaînement jazzy marque durablement l’oreille.
De 1959 à 1962, il travaille aussi en parallèle comme arrangeur chez EMI, et son travail est remarqué par deux producteurs, Harry Saltzman et Albert R. Broccoli, en pleine post-production de l’adaptation du roman de Ian Fleming, James Bond 007 contre Dr No. Le thème principal du film, composé par Monty Norman ne sonne pas vraiment comme ils le voudraient, aussi engagent-ils Barry pour le retravailler. Le reste appartient à l’Histoire : Barry se le réapproprie, le transfigure, en fait une évidence, un thème immédiatement reconnaissable faisant partie intégrante de l’ADN de Bond, une signature qui accompagnera désormais l’espion le plus célèbre de sa Majesté dans toutes ses aventures.
Fort de cette réussite, Saltzman et Broccoli l’engagent l’année suivante pour composer la B.O. de Bons baisers de Russie, 2ème film de la saga 007. Frustré de ne pas être crédité comme auteur du James Bond Theme, il compose pour l’occasion un thème alternatif, le 007 Theme qui sera repris dans plusieurs épisodes ultérieurs. Au-delà de cette capacité à composer des morceaux immédiatement accrocheurs, Barry donne une véritable couleur sonore à l’univers de Bond, alternant incursions pop et jazzy, avec un sens inné de la mélodie et une touche so british. Il composera au total 11 B.O. de James Bond, en se renouvelant à chaque fois, en expérimentant, des déluges de cordes et de cuivres de Goldfinger, aux incursions nipponnes d’On ne vit que deux fois et son utilisation toute en douceur du koto, en passant par l’ébouriffant mélange de synthéthiseur et de cuivres d’Au service sercret de sa majesté… Et Barry ne se contente pas d’écrire les scores, il co-écrit aussi les chansons, collaborant ainsi avec des personnalités aussi variées que Shirley Bassey, Nancy Sinatra, Tom Jones ou encore Louis Armstrong – l’une de ses idoles, et devient une des figures du swinging london, au même titre que les Beatles, Les Rolling Stones ou les Who.
Mais les scores qu’il compose pour les Bond le rendent célèbre, ils ne représentent qu’une partie de son travail… Entre deux aventures de 007, il compose les B.O. de Zoulou, Ipcress : Danger immédiat, Vivre Libre en 1966, pour lequel il remporte deux Oscars, celui du meilleur score et celui de la meilleure chanson. A cette distinction marquant la reconnaissance pairs s’ajoute bientôt le succès mondial du générique qu’il compose pour la série Amicalement vôtre… Son nom est sur toutes les lèvres, et il devient un des compositeurs les plus courtisés.
Son approche de la musique de film, s’inscrit de plus en plus dans le prolongement du classicisme de ses ainés de l’âge d’or hollywoodien tout en lui apportant une fraîcheur nouvelle. Et s’il continue à expérimenter, son style comme celui de tous les grands, est identifiable au bout de quelques notes… Avec une prédilection pour les cuivres et les cordes, Barry est un grand romantique et le revendique. Certains le taxeront de mièvrerie, mais c’est bien de lyrisme qu’il s’agit.
Il termine les années 60 en beauté avec un 3ème Oscar en 1968 pour Le lion en hiver et Macadam Cowboy l’année suivante. Dans les années 70, outre les Bond, il travaille beaucoup pour la TV, et signe le splendide score de La Rose et la flèche variation sur le personnage de Robin des Bois, avec Sean Connery et Audrey Hepburn en Robin et Marianne vieillissants.
Il entame les années 80 avec le score de Quelque part dans le temps adapté d’une nouvelle de Richard Matheson, film méconnu – et chaudement recommandé. Il vient tout juste de perdre son père et compose tout autant une partition pour le film qu’un hommage à ce dernier. Et si le film est bon, il doit énormément à sa musique, qui non contente de le transcender en est presque un personnage à part entière. Pour l’anecdote, c’est le score qui lui vaudra le plus de courrier.
L’année suivante, dans La Fièvre au corps, thriller sensuel de Lawrence Kasdan, il renoue avec le piano/trompette des débuts qu’il entremêle subtilement avec le jeu de cordes devenu sa signature et compose un final en forme d’hommage à Bernard Herrmann. Presque totalement absent de ses compositions des années 70, ce retour discret à ses premières amours jazzy fait plaisir à entendre, mais ce n’est qu’un échauffement… En 1984, Francis Ford Coppola lui apporte avec Cotton Club un projet de rêve : situé dans un night club du Harlem des années 30, c’est l’occasion où jamais pour Barry de se faire plaisir et de mêler ses deux passions comme jamais auparavant. Résultat : un score virevoltant, ébouriffant, qui fait taper du pied, entre compositions pures et arrangements de morceaux originaux de Cab Calloway ou Duke Ellington… Le plaisir qu’il a pu prendre sur ce film est palpable.
En 1985, il signe avec Out of Africa, une de ses compositions les plus célèbres et remporte un Golden Globe, un Grammy, un disque de platine et un 4ème Oscar. Sydney Pollack, réalisateur du film, et grand admirateur de son travail disait qu’on ne pouvait entendre sa musique sans voir un film dans sa tête. Là encore il est très difficile d’envisager ce film sans sa musique tant elle porte les images, toute en mélodies et en atmosphères.
En 1987, John Barry paye son ultime tribut à l’agent 007, avec la musique de Tuer n’est pas jouer. L’année suivante, une rupture de l’œsophage, l’oblige à arrêter toute activité pour se soigner. Son absence durera 2 ans.
Il revient sur le devant de la scène en 1990, avec Danse avec les loups de Kevin Costner, qui lui vaut son 5ème et ultime Oscar. Une œuvre extraordinaire qui contient le meilleur du John Barry classique, et certains des plus beaux morceaux jamais composés pour le cinéma. Après avoir frôlé la mort, il signe un score bouillonnant, dans lequel il met toute son âme… Epique, noble, funèbre et lyrique, une œuvre-somme, qui donne le frisson à chaque écoute.
Mais son chef d’œuvre est aussi son chant du cygne… Affaibli, Barry ne compose plus qu’une ou deux B.O. par an, et bien que tout à fait honorables, aucune ne sera vraiment marquante. Il prend sa retraite en 2001, après avoir achevé le score d’Enigma. Il se repose, se consacre à ses petits-enfants et dirige quelques rares concerts, se contentant la plupart du temps de faire un brêve apparition au pupitre, à ceux donnés en son honneur.
Il s’éteint le 30 janvier 2011 à 77 ans, à son domicile new-yorkais, laissant derrière lui quelques 110 B.O. , une oeuvre aussi riche que variée, et une empreinte indélébile dans la musique du XXème siècle.