Décryptage

Multimedia : quand les musiciens passent à la réalisation de film !

16 avril 2021
Par Mathieu M.
Multimedia : quand les musiciens passent à la réalisation de film !

Le 29 mars dernier, la chanteuse Sia a sorti son premier film en tant que cinéaste, Music, et accompagné ce long métrage d’une bande originale composée et interprétée par ses soins. L’interprète de Chandelier et frontwoman de Zero 7 accomplit là un passage que d’autres musiciens avant elle, de Gainsbourg à Fred Durst de Limp Bizkit, ont réussi. Retour sur ce phénomène.

Le cinéma et la musique : des passerelles évidentes

L’Histoire est faite de talents multiples. Jean-Jacques Rousseau, philosophe des Lumières mondialement connu pour ses écrits, pensait passer à la postérité grâce à ses compositions musicales, totalement oubliées de nos jours. Au XIXe et au XXe siècles, nombre d’artistes ont mêlé habilement les disciplines. Quelques-uns ont même acquis une notoriété dans plusieurs domaines : Jean Cocteau est à la fois un grand cinéaste, et un maître de la poésie, du théâtre et de la prose.

L’invention du septième art, promu comme un art total né de la fusion de tous les autres, a amené certaines vedettes de la musique ou du théâtre à venir crever l’écran. Chanteurs ou meneuse de revues ont fait leur arrivée en salles obscures dès les années 1930 : Maurice Chevalier est célèbre en France pour sa musique, mais aux États-Unis, on se souvient de certains de ses rôles à Hollywood, dans Can-Can ou Gigi, par exemple. De nos jours, Camelia Jordana mène de front deux carrières, et Miley Cyrus a d’abord été une actrice avant de devenir la chanteuse provocatrice qu’on connaît bien aujourd’hui.

C’est dans les années 1960 que l’un des plus célèbres chanteurs du siècle a carrément décidé de passer derrière la caméra. Frank Sinatra, crooner, acteur, star internationale, avait d’abord adopté la casquette de producteur, afin de superviser et de participer à la mise en chantier des films dans lesquels il jouait. En 1965, il devint cinéaste, le temps d’un unique film, L’Île des braves.

En France, deux de nos plus grands chanteurs ont entamé une carrière de réalisateur à la même époque. Le premier est Jacques Brel. En 1966, l’interprète d’Amsterdam arrêta définitivement de chanter sur scène, et entreprit de se mettre au cinéma. Avec Franz et Le Far West, il réussit cette reconversion sur le plan artistique ; hélas, le manque de succès commercial des deux longs métrages ne le poussa pas à aller plus loin.

Producteur, compositeur, auteur et interprète, Serge Gainsbourg s’intéressa lui aussi au septième art, en devenant cinéaste. Après avoir joué dans des petits rôles, il put, grâce à ses films, trouver un nouveau terrain d’expression. Je t’aime moi non plus, avec Jane Birkin, reste son plus célèbre long métrage, aussi sulfureux qu’on aurait pu le penser. Comme réalisateur, il a contribué, par ailleurs, à lancer deux actrices : sa propre fille Charlotte découverte à l’écran dans Charlotte for Ever, et Élodie Bouchez, deuxième rôle de Stan the Flasher. On lui doit également un grand travail sur les clips : un médium qui a servi d’entraînement à plusieurs musiciens devenant réalisateurs.

Les musiciens devenus réalisateurs de clips, puis de films

En France, la carrière de Laurent Boutonnat montre à quel point la gestion de l’image a autant d’importance que celle de la musique, pour créer une œuvre artistique cohérente, et totale. Compositeur de la plupart des tubes de Mylène Farmer, il est à l’origine de la naissance de l’aura visuelle de la chanteuse : inspirés des romans libertins ou des films de David Lean, les clips de Libertine ou Désenchantée ont été les premières ébauches d’un long métrage dans le même esprit, Giorgino. Décevant une partie du public, qui n’a pas suivi le couple Farmer-Boutonnat jusqu’au bout, cette oeuvre n’était pas le galop d’essai du musicien, également réalisateur d’un film érotique dans les années 1970 et qui a retourné en 2007, en dirigeant Jacquou le Croquant.

Devenu un cinéaste surréaliste reconnu grâce à Wrong, Rubber, Steak ou Réalité, Quentin Dupieux a lui aussi œuvré dans le domaine du vidéoclip (pour Laurent Garnier ou Sébastien Tellier), et surtout connu un succès fantastique à la fin des années 1990 comme compositeur. Flat Beat, son tube electro, sous le nom de Mr. Oizo, ainsi que ses albums, montre une approche relativement similaire entre ses méthodes d’écriture cinématographique et son travail derrière les machines.

La musique electro de ces dernières décennies a d’ailleurs accouché d’artisans véritablement multimedia, des Daft Punk (qui ont réalisé le film Electroma), à Para One ou Rone, deux anciens étudiants en cinéma devenus des pointures de la scène musicale.

The-Fanatic-DVDAutre ambiance pour le chanteur Fred Durst, frontman du groupe de néo-métal Limp Bizkit. Issu de ce milieu culturel très américain des années 1990 entre sport extrême, délire à la Jackass et musiques violentes, l’homme à la casquette rouge a vite voulu canaliser l’image de Limp Bizkit en dirigeant leurs clips (notamment Nookie ou Rollin’, les plus spectaculaires), avant de passer au septième art. Mené en parallèle des diverses reformations et séparation de Limp Bizkit, son parcours au cinéma s’est manifesté à travers trois films indépendants plutôt salués, dont Charlie Banks, l’un des premiers rôles de Jesse Eisenberg et plus récemment The Fanatic, une histoire d’obsession et de show-biz.  

Avec Sia, la musique devient le sujet du film

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Sia n’est pas la première star internationale à passer derrière la caméra (Madonna l’avait fait avec l’étrange tragi-comédie Obscénité et vertu), mais sa tentative a été couronnée de succès. Music, son premier long métrage la voit diriger Kate Hudson et Maddie Ziegler dans un beau drame autour de la relation entre deux demi-sœurs abîmées par la vie. Un joli sujet, dont Sia s’est emparé à merveille, proposant de plus une bande originale, Music,  susceptible de correspondre parfaitement à cette œuvre « totale », et définitivement personnelle !

Article rédigé par
Mathieu M.
Mathieu M.
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