Le test Fnac.com
On a testé pour vous Life is Strange : True Colors sur PS5
Parmi les jolies surprises que nous réservait la rentrée en matière de jeux vidéo, une franchise bien connue d’un certain public faisait son grand retour. Disponible depuis le 10 septembre 2021 sur PC, PS4, PS5, Xbox One, Xbox Series et bientôt sur Nintendo Switch, Life is Strange : True Colors nous embarque pour une nouvelle aventure narrative. Et comme toujours dans cette série qui fait un peu figure d’OVNI dans le paysage du média, ce nouveau Life is Strange ne s’empare pas de la même définition du mot « jouer » que les autres, et repousse la frontière qui sépare le jeu vidéo du cinéma, ou de la série télévisée.
Cette fois-ci, ce n’est pas le studio parisien Dontnod, à l’origine de la série, qui s’est occupé de cet opus, mais les Américains de Deck Nine Games, qu’on avait déjà retrouvé derrière le prequel Life is Strange : Before the Storm. Nous avons eu la chance de nous lancer dans l’aventure à l’occasion d’un test, réalisé sur PS5.
Bienvenue à Haven Springs
On aurait tous envie d’y passer un peu de temps, surtout en ce moment, à l’heure de retrouver le métro et autres joyeuseries de la traditionnelle rentrée de septembre. Haven Springs est un petit village paradisiaque au milieu des montagnes du Colorado, dans lequel tous les habitants semblent se connaitre, s’apprécier et s’entraider pour le bien de la communauté. Une ambiance absolument paisible et conviviale, qui semble être l’exact opposé de tout ce qu’a pu connaître notre héroïne dans le passé. Alex Chen, toute jeune adulte, a passé son enfance trimballée de famille d’accueil en famille d’accueil, et son arrivée dans cette petite ville minière pour y retrouver son frère Gabe fait véritablement office de nouveau départ, voire de départ tout court.
Les premiers instants du jeu nous font donc vivre les retrouvailles émouvantes entre un frère et une soeur, séparés depuis bien trop longtemps, dans un cadre sublime. De quoi nous rassurer d’entrée de jeu sur la subtilité de l’écriture et du jeu des comédien.ne.s, qui nous épargnent le pathos larmoyant qui aurait pu tuer dans l’oeuf ce qui s’annonce comme une histoire émouvante, mettant l’empathie au coeur de son intrigue, mais aussi de son gameplay.
Car la jeune Alex Chen cache un secret qui a visiblement autant perturbé son adolescence que sa situation familiale ne l’avait déjà fait : elle est capable de ressentir les émotions de celles et ceux qui l’entourent et d’entendre les pensées qui les accompagnent. Chaque émotion correspond à un halo de couleur qui s’installe autour des différents personnages. Le bleu pour la peur, le rouge pour la colère, le jaune pour l’euphorie.
Et si ce pouvoir empathique démesuré a jusqu’ici rendu la vie d’Alex très compliquée, puisque plus les émotions sont intenses, plus elle les absorbe, il va finalement se révéler particulièrement utile, alors qu’un drame vient subitement mettre un terme à sa découverte du bonheur et du calme. Son frère Gabe, à qui elle venait à peine de partager son secret, meurt tragiquement dans un éboulement surprise. Ce qui semble à première vue être un terrible accident, ressemble en réalité plus à un meurtre. Et pour en avoir le coeur net, Alex va devoir partir en voyage au coeur des émotions de tous les habitants d’Haven Springs, dont la façade joviale pourra dans certains cas se révéler trompeuse.
Un gameplay OVNI
Voilà donc de quoi rassurer les plus anxieux. L’enquête sur la mort de Gabe s’annonce comme une quête à compléter, et le pouvoir d’Alex comme un outil pour y parvenir. On retrouve ici certains principes de base d’un jeu vidéo d’aventure. Pourtant, ce Life is Strange : True Colors s’inscrit, comme tous les jeux de la série avant lui, et comme de nombreux autres titres à succès (Heavy Rain, Detroit Become Human, Firewatch), parmi les OVNI du monde du jeu vidéo.
Alors que l’interaction entre ce qu’il se passe à l’écran et la joueuse ou le joueur est la première définition du média, vous n’aurez ici que peu d’impact sur la plupart des scènes que vous allez vivre. Votre liberté d’action se limitera à vos déplacements dans la petite ville d’Haven Springs, mais surtout aux choix que vous ferez pendant les différents dialogues avec les habitant.e.s.
Bien sûr, cela ne signifie pas que la manette (ou le clavier/souris) que vous tiendrez entre les mains en jouant sera totalement inutile. En plus des déplacements, il sera possible d’interagir avec d’autres personnages, mais aussi avec des objets, grâce à votre pouvoir d’empathie. Lorsque les émotions autour de vous sont particulièrement intenses, vous rentrerez dans une sorte d’état second, qui vous permettra de voir votre environnement avec les yeux du personnage concerné, et de comprendre ainsi ce qu’il se passe dans son esprit.
Une habile construction d’un récit centré sur les émotions des autres, qui vous embarquera dans une profonde empathie envers notre héroïne. Très vite, on se prend d’affection pour ce personnage, si vulnérable par son parcours, et si puissante grâce à son pouvoir. La justesse des animations de mimiques timides de la jeune femme participe clairement à nous faire entrer en communion avec elle, et à nous accrocher à son histoire personnelle.
En plus de son envie profonde de comprendre comment son frère, si aimé dans le village à première vue, a pu se retrouver assassiné, Alex Chen doit aussi comprendre quelle est sa place dans cette nouvelle vie, dans laquelle son passé n’a plus d’importance. Un sentiment auquel il est assez facile de s’identifier, quelle que soit notre situation. Au bout de quelques heures de jeu seulement, nous sommes tous Alex Chen. Et si ce n’était pas ça, la véritable interaction ?
Une fois l’introduction du jeu terminée et le drame survenu, la justesse de l’écriture et de la réalisation aura normalement fait le travail. Nous voilà tous dans la peau de cette jeune Alex. Et c’est précisément ce qui donne tout l’intérêt aux différents choix que l’on va pouvoir faire. Souvent, ces derniers sont des choix moraux, qui aident à dresser un portrait commun entre l’héroïne et la joueuse ou le joueur.
Et en guise de récompense après la fin d’un chapitre de l’histoire, on retrouve un petit bilan des trajectoires que l’on a choisies, avec le pourcentage de choix des autres joueuses et joueurs. Une belle manière de vérifier que si sur certains détails amusants, la plupart des joueuses et joueurs feront le même choix (bien sûr, j’ai fait du air guitare avec le balai, comme 96% des gens), d’autres choix plus profonds suggéreront habilement notre singularité.
Forcément, un tel format de jeu n’échappe pas à quelques petites longueurs. Et si Haven Springs ne s’apparente en réalité qu’à une grande rue commerçante, il faut parfois prendre son mal en patience lorsqu’on l’on souhaite la traverser d’un bout à l’autre. Mais il est probable que, comme dans un bon film, ces longueurs participent à notre réflexion globale sur l’histoire et à notre prise de recul sur la scène à laquelle on vient de participer.
Une ambiance délicieuse
Vous l’aurez donc compris, Life is Strange : True Colors est un jeu qui ravira les contemplatifs plus que les hyperactifs. Que ce soit pour la réalisation et les différents plans de caméra proposés pendant les scènes, tout est pensé par l’esthétique, et pour l’esthétique. Et la recette fonctionne à merveille. Alors même que certaines textures des différents environnements (à l’extérieur comme à l’intérieur) pourraient sembler un peu trop pâteuses pour un jeu de 2021, il est impossible de ne pas être conquis par la beauté globale du titre, qui nous emmitoufle dans son ambiance chaleureuse et ses couleurs d’automne.
Comme toujours dans la série, la musique tient une place particulièrement importante. L’ambiance est parfaitement retranscrite par les mélodies du compositeur Novo Amor, mais aussi par les différentes chansons de Radiohead, Gabrielle Aplin ou encore Phoebe Bridgers. Notre héroïne Alex nous gratifie elle aussi de quelques chansons particulièrement bien interprétées et agréables. Si ces dernières restent en version originale, l’ensemble du reste du jeu est doublé en français. Et c’est là encore une réussite, puisque les rôles sont parfaitement interprétés par Geneviève Doang (Alex), Stephane Fourreau (Gabe) ou encore Adeline Chetail (Steph).
Dans l’ensemble, Life is Strange : True Colors s’inscrit donc parfaitement dans la lignée des jeux narratifs, qui redéfinissent la notion de jeu. Bien sûr, l’expérience ne plaira pas à toutes et tous. Mais il serait malheureux de penser que l’existence d’un tel jeu pourrait avoir autre chose qu’un impact extrêmement positif sur l’industrie du jeu vidéo. La narration vous embarquera à coup sûr dans une belle aventure d’une dizaine d’heures, qui se consommera tout aussi bien seul.e qu’à plusieurs devant l’écran, pour partager vos émotions.
Ce qu’il faut retenir :
– Un jeu à ne pas mettre entre toutes les mains
– Une ambiance sublime et chaleureuse
– Des dialogues bien écrits et bien joués
– Des personnages profonds et attachants