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La scène francophone féminine vue par Emmanuelle, disquaire

05 mars 2021
Par Inès

A l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, nous vous proposons une interview d’Emmanuelle, disquaire Fnac depuis 20 ans, qui va nous parler de la scène féminine francophone. Spécialisée en variété française, elle nous accorde quelques minutes pour nous présenter ses incontournables de la francophonie en chanson.

Présentez-vous

Bonjour, je m’appelle Emmanuelle, je suis disquaire depuis 20 ans à la Fnac St Lazare en variété française. Je suis passionnée de musique et ces derniers temps on a tout ce qu’il faut pour mettre des bons sons dans les oreilles. En tant que disquaire femme, je suis super heureuse !

L’artiste féminine de 2020 ?

Il y a eu Suzane, qui est pour moi le plus gros choc de l’année 2020, que j’ai eu l’honneur d’interviewer à la sortie de son album. Ce que j’aime chez elle c’est son personnage, c’est la manière dont elle aborde des sujets assez tabous. Et elle a une manière… le verbe, c’est des uppercuts qui vous sont lancés comme ça.

La deuxième révélation c’est Pomme, qui est plus introvertis, plus mélancolique mais qui a quand même un discours assez engagé notamment lors des dernières Victoires de la musique; elle a quand même signifié que le monde de la musique était un petit peu machiste. Et que ce serait bien que cette industrie soit un peu plus « safe » comme elle a dit. Et que les jeunes générations qui arrivent, les jeunes filles, soient un peu plus à l’aise, puissent s’exprimer de manière libre dans leur art. Et ça je trouve que c’est un point honorable. Elles expriment bien la libération de la parole chez les femmes que ce soit dans la société ou dans le monde de la musique.

Les incontournables de la scène francophone féminine ?

Il y a Barbara, Piaf, Fréhel, Damia pour les anciens. Après il y a eu Sanson, Françoise Hardy, Jane Birkin; après dans les générations qui avancent il y a eu Catherine Ringer. Pour moi Catherine Ringer c’était mon idole, c’est toujours une de mes idoles. Après il y a eu Zazie, Camille, Jeanne Cherhal, Keren Ann, Zaz. Et puis dans les jeunes il y a Camilia Jordana, Pomme, Suzanne, Clara Luciani

L’artiste qui dure à travers les décennies ? 

Il y en a deux majeurs c’est Véronique Sanson dont j’ai déjà parlé et Jane Birkin. Alors Véronique Sanson dans les années 70, elle a débarqué avec les sons américains qu’elle a intégrés dans la chanson française, avec une manière d’exprimer l’amour qui était différente, qui était assez novatrice pour l’époque. L’arrivée de Sanson ça a été une libération presque.

Et puis Jane Birkin qui a été d’abord une muse et quelle muse pour l’immense Gainsbourg. Ce que je trouve assez prodigieux chez elle c’est qu’elle a su s’entourer d’autres auteurs, se renouveler, écrire elle-même. Il n’y a qu’à écouter son dernier album pour s’en apercevoir. C’est vraiment une femme qui a été adoptée par les français. Moi j’aime sa sensibilité, son petit accent british qu’elle n’a jamais perdu et puis son engagement. Faut pas oublier que c’est une femme assez engagée.

Si on peut aussi se projeter à l’extérieur de la France, dans la francophonie, Diane Dufresne au Québec, qui a vraiment été dans les années 70 une femme qui a bousculé pleins de codes, qui était assez excentrique mais dans le sens noble du terme. Qui a posé nue enfin seins nus avec le drapeau québécois, qui a aussi fait une chanson sur la masturbation féminine dans les années 70. Voilà c’est trois grandes femmes indéboulonnables. 

Une artiste qui t’inspire dans ses propos ?

Camélia Jordana. Moi j’adore sa personnalité ces derniers temps, elle a tenu des propos assez engagés mais ce n’est pas quelque chose de nouveau il suffit d’écouter son deuxième album pour s’apercevoir que c’était déjà une artiste très engagée. Et son nouvel album qui est musicalement plus accessible n’en est pas moins plus engagé. Le premier titre, Femmes, c’est un bel hymne dédié aux femmes.

Un des plus beaux hommages aux femmes ? 

Le projet qui va le plus loin et qui est le plus original c’est celui de Grand Corps Malade, qui s’appelle Mesdames et qui n’est pas seulement une déclaration d’un homme à sa chère et tendre. C’est une déclaration aux mères, aux sœurs, à toutes les facettes des femmes dans la société et voilà, j’aime ce garçon déjà depuis longtemps et sa sensibilité parle très bien des femmes.

Comment se traduit la place de la femme dans ton conseil vendeur ? 

Alors je ne sais pas si je suis féministe ou pas. Je ne sais même pas ce qu’est être féministe, je pense qu’il y a plusieurs définitions du féminisme. Ce qui est sûr c’est que quand un texte est écrit par une femme, il peut a priori plus me toucher. Je suis une femme, c’est inconscient hein.

Mes plus gros coups de cœur ce sont des femmes, après j’ai aussi beaucoup de coups de cœur masculins. Biolay,  John Duff, Pierre Lapointe, Souchon, Lavilliers, …voilà. Mais j’ai l’impression qu’inconsciemment je me tourne plus vers les femmes. Je pense qu’ils n’ont pas forcément la même manière d’aborder les sujets. Même les chansons d’amour me parlent plus chantée par les femmes que par un homme. J’ai tendance à la première question à un client à demander s’il préfère une voix féminine ou une voix masculine, donc là je ne force pas du côté féminin. Mais quand on ne me spécifie pas forcément quelque chose c’est vrai que j’ai tendance à plus conseiller une artiste féminine pour qui j’ai eu un coup de cœur.

Le conseil du vendeur a-t-il évolué ? 

Il a évolué parce que voilà il y a internet, il y a les infos sur internet. Mais de temps en temps quand même, surtout lorsque quelqu’un veut faire un cadeau et qu’il ne sait pas trop ce que la personne aime, il vient nous demander conseil.  Moi j’essaye à chaque fois de montrer l’étendue de ce qui se passe dans la musique française.

Le mot de la fin ? 

Je voudrais dire au monde de la musique et de l’industrie musicale que maintenant il y a une nouvelle génération qui arrive, entre 20 et 30 ans, qui dit stop ! Maintenant on saisit les mots, on saisit l’espace de dialogue que sont les chansons et on n’est plus là pour faire… pour conter fleurette et pour faire genre devant les caméras.

Article rédigé par
Inès
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