Entretien

Olivier Adam, un père « sans enfant » : l’interview

23 décembre 2020
Par Melanie C.
Olivier Adam, un père "sans enfant" : l'interview

Dans le nouveau roman d’Olivier Adam, Tout peut s’oublier, un père de famille se retrouve abandonné par sa compagne qui emmène leur enfant au Japon. L’écrivain aborde une nouvelle fois les thématiques de la parentalité, de la perte et de l’absence. Pourquoi ? Voici quelques éléments de réponse…

Tout-peut-s-oublierL’oubli est-il la clé du bonheur selon vous ?

Olivier Adam : « S’il existait une clé au bonheur, ça se saurait. Le titre de ce livre, emprunté à Brel, fait écho à un moment précis du « roman mais il n’a rien de programmatique. D’ailleurs Brel, qui n’avait pas peur de se contredire, chantait aussi : « On oublie rien. On oublie rien du tout. On s’habitue c’est tout ». Et même là, il se trompait en partie. On ne s’habitue jamais vraiment. Nathan n’est pas prêt d’oublier son fils. Ni de s’habituer à la douleur que constitue son « enlèvement » par son ex-femme. Lise, qui a été quant à elle « répudiée » par son fils, et les frères Tellier, dont la sœur a disparu au Japon, non plus. Ils vont devoir apprendre à vivre avec cette blessure qui ne cicatrisera pas.

On a plus souvent l’habitude d’histoires où un homme enlève son enfant plutôt qu’une femme. Qu’est-ce que cela change finalement ?

Pas grand-chose, à mon sens. Le désarroi, la panique, la douleur sont les mêmes. Mon livre s’inspire de faits réels. Et il se trouve que dans la grande majorité des cas, ce sont des femmes qui partent avec leurs enfants et profitent des particularités de la loi japonaise (dans laquelle ni le partage de l’autorité parentale, ni celui de la garde, ni même la notion de droit de visite ne sont reconnus) pour les soustraire à leurs pères. Mais il faut dire que dans la plupart des couples mixtes franco-japonais, l’homme est français et la femme japonaise. On pourrait très bien imaginer la situation inverse.

Pourquoi, d’après vous, la souffrance paternelle est-elle si peu abordée en littérature ou au cinéma ?

D’une manière générale, les enfants ont longtemps été considérés comme un sujet « féminin » et donc mineur. Et les autrices traitant ces questions ont souvent été dénigrées par un champ littéraire dominé par les hommes. En ce qui me concerne, la parentalité est un thème que j’explore dans tous mes livres. Comment pourrait-il en être autrement ? Le roman doit rendre compte de tous les domaines de l’expérience humaine. Et la paternité en est un des aspects les plus universels, complexes et profonds.

Il est souvent question d’absence, de disparition dans vos romans. Est-ce une obsession qui vous hante ? La disparition volontaire est-elle une fuite ou la quête de la liberté ?

Oui, c’est sans doute une obsession, mais je ne sais pas d’où elle vient. Il faudrait que je m’allonge sur le divan d’un psy, un de ces jours. Quoi qu’il en soit, la disparition, la fuite, sont des thèmes éminemment romanesques, qui ouvrent des possibilités narratives infinies. Mais, au fond, plus qu’à ceux qui partent, je m’intéresse surtout à ceux qui restent, et à travers eux à la manière dont on vit avec ses fantômes, ses deuils, ses séparations.

Que représentent pour vous le Japon et la culture japonaise ?

J’ai eu la chance de séjourner à de nombreuses reprises au Japon. À Kyoto et dans le Kansai en particulier. Mystérieusement, ce sont des lieux où je me sens chez moi. Mais je sais que c’est en partie une illusion. J’ai beau bien connaître ces endroits, être nourri de littérature, de cinéma, d’art japonais, je reste forcément en surface. C’est ce que découvre Nathan dans le livre. Un pays qu’il aime et qu’il croyait connaître, mais qu’il va découvrir sous son jour le plus cruel.

L’année 2020 et ses confinements successifs sont-ils une source d’inspiration pour vous ? Quand on est écrivain, vit-on cette période plus facilement ?

Une source d’inspiration, sûrement pas. Et personne, je crois, ne vit cette période facilement. Je n’en retiens rien de bon. Des gens meurent. D’autres souffrent. Psychiquement. Professionnellement. Économiquement. Si tout peut s’oublier, j’espère que 2020 aussi.

Parution le 6 janvier 2021 – 272 pages

Tout peut s’oublier, Olivier Adam (Flammarion) sur Fnac.com

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Article rédigé par
Melanie C.
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