Décryptage

Nintendo : tout savoir sur le géant du jeu vidéo

28 octobre 2020
Par Valentin Boulet
Nintendo : tout savoir sur le géant du jeu vidéo
©Nintendo

Simple société de cartes à jouer, Nintendo est devenu en plus de 130 ans d’histoire un géant incontesté qui représente peut-être à lui seul l’industrie du jeu vidéo. Retour sur l’incroyable histoire de Nintendo, qui a réussi à installer Mario et Tetris dans les salons du monde entier.

Plus vielle entreprise de l’histoire du jeu vidéo, Nintendo est aujourd’hui un mastodonte et s’impose, par ses différentes licences comme par sa marque, comme la référence ultime dans le domaine. Quelques chiffres permettent rapidement de se rendre compte de l’importance de Nintendo dans l’industrie. Dans le top 15 des consoles de jeux les plus vendues de tous les temps, on retrouve 8 consoles Nintendo.

Au jeu des licences, la firme japonaise est imbattable avec une domination totale de Mario et ses 640 millions de jeux vendus, devant Pokémon (365 millions de jeux vendus). La puissance financière de la firme est telle qu’on estime que Nintendo pourrait perdre 250 millions de dollars par an jusqu’en 2050 sans faire faillite. Bref, Nintendo est un géant, dont l’image de marque le distingue totalement de ses concurrents directs, et qui parvient à conserver sa place non pas grâce à des technologies de pointe, mais grâce à une créativité inégalée, et toujours au service du divertissement.

Les origines de Nintendo

En septembre 1889, Fusajiro Yamauchi décide de créer une entreprise de production de cartes à jouer nommée Nintendo Koppaï. Aujourd’hui encore, personne ne sait ce que Nintendo signifie, ni pourquoi Fusajiro Yamauchi a choisi ce nom. Pas même son arrière-petit-fils, Hiroshi Yamauchi, resté président de Nintendo pendant plus de 50 ans jusqu’en 2002… Peu importe, malgré le mystère autour de son nom, Nintendo Koppaï se fait rapidement une réputation en vendant des cartes traditionnelles japonaises, des Hanafuda.

hanafuda

Alors que la distribution de masse n’est alors pas très répandue au Japon, Fusajiro Yamauchi a la brillante idée de s’associer au seul secteur du genre qui présente une bonne organisation : la distribution du tabac. Un paquet de cartes faisant la même taille qu’un paquet de tabac, Nintendo Koppai se met à vendre ses jeux de cartes à travers tous les vendeurs de tabac du pays, ce qui lui offre une énorme notoriété. Parmi ses produits les plus populaires, on retrouve d’ailleurs une collection de Hanafuda Pin-up, qui comme son nom l’indique, représente en dessin des jolies filles pas forcément très vêtues.

Très loin donc de l’image enfantine qu’on pourrait lui attribuer aujourd’hui, Nintendo réussit également un très beau coup en s’associant à de nombreux casinos japonais pour la distribution de ses cartes. Amateur de jeu lui aussi, Fusajiro Yamauchi avait remarqué que les joueurs les plus superstitieux, ou jouant les plus grosses sommes d’argent, préféraient utiliser un paquet de carte neuf à chaque partie, pour éviter la triche. De quoi faire grossir les caisses de l’entreprise rapidement. Grâce à ce succès, Nintendo se met à vendre des cartes occidentales au Japon à partir de 1902, et commence à ouvrir son commerce au reste du monde. 

Quand le monde des cartes devient trop petit pour Nintendo

Nintendo Playing Card Co

En 1949, Hiroshi Yamauchi, arrière-petit-fils du fondateur de l’entreprise, devient à 22 ans seulement président de Nintendo Koppai, dont il changera le nom en 1951 pour devenir Nintendo Playing Cards Co. La firme tourne à plein régime grâce notamment à la vente des premières cartes en plastique de l’histoire du Japon. Mais alors qu’il est en visite aux Etats-Unis pour nouer un partenariat avec la plus grande entreprise de cartes à jouer du monde, Hiroshi Yamauchi est frappé par la taille ridicule des bureaux de la United States Playing Card Company. Il comprend alors qu’il aura besoin de diversifier les activités de l’entreprise s’il veut en faire un géant.

Les tentatives de Nintendo sur d’autres marchés

Mais en récupérant la présidence de l’entreprise si jeune, Hiroshi Yamauchi s’attire les foudres des cadres en place depuis des décennies déjà. Lui qui avait commencé à travailler dès l’âge de 13 ans en pleine guerre mondiale à la confection d’armes en usine se retrouve face à de nombreuses grèves et désaccords au sein de Nintendo. Pour résoudre le problème, Hiroshi Yamauchi congédie un nombre important de salariés et promet qu’il sera le seul membre de la famille du fondateur à travailler pour Nintendo. Une fois le ménage effectué, il peut enfin mettre en place sa stratégie de diversification.

Nintendo se lance alors dans de nombreux nouveaux marchés, qui seront à chaque fois des échecs stratégiques cuisants : une société de taxis, des portions de riz instantané individuelles et même une chaîne de love hôtels, dont le concept explose au Japon depuis l’interdiction de la prostitution. Bien que tous ces marchés semblent porteurs, Nintendo multiplie les échecs, et survit encore et toujours grâce à ses cartes à jouer. En 1959, un accord est signé entre Nintendo et The Walt Disney Company pour la fabrication de cartes à l’effigie des personnages célèbres de Disney. Le succès est colossal et contribue à changer l’image de Nintendo, toujours très associée aux casinos et au tabac.

Les jouets et les jouets électroniques

En 1965, Nintendo embauche un certain Gunpei Yokoi, qui s’occupera de la maintenance de certaines machines servant à la production de cartes à jouer en usine. Mais rapidement, Gunpei Yokoi se fait remarquer par tous les salariés de l’entreprise pour ses incroyables capacités de bricolage. Il répare tout, tout le temps, et invente même de nombreux concepts de jouets. L’un de ses concepts, Ultra Hand, sorte de bras articulé qui permet d’attraper des objets à distance, tape dans l’oeil de Hiroshi Yamauchi, qui décidé de le commercialiser, et de nommer Gunpei Yokoi à la tête d’un département consacré aux jouets chez Nintendo.

ultra-hand-box

De nombreux jouets sont créés et Nintendo rencontre un franc succès, de quoi lui offrir une place de choix dans ce nouveau marché. Alors que les années 70 arrivent, de plus en plus de jouets électroniques sont commercialisés, d’abord aux Etats-Unis puis rapidement au Japon. Les salles de quilles, qui rassemblaient alors les enfants japonais, deviennent petit à petit des salles d’arcade, et Nintendo en équipe certaines, notamment avec son Laser Clay Shooting System, petit pistolet en plastique qui permet de tirer sur des cibles à l’écran, développé par Gunpei Yokoi.

Mais au-delà des bornes d’arcade, le jeu vidéo commence à envahir les salons avec les premières consoles. Nintendo s’était d’ailleurs déjà associé avec Magnavox pour la création de la première console de salon multi-jeux de l’histoire avec la Magnavox Odyssey en 1972. Atari étant alors la seule entreprise véritablement concurrente dans le domaine de la console de salon, Hiroshi Yamauchi décide de lancer Nintendo à fond dans le jeu vidéo et la création de consoles.

Le génie de Shigeru Miyamoto

Color Tv game 6

A partir de 1977, Nintendo se lance donc dans la création et la vente de consoles de jeux, avec pour première production la Color-TV-Game 6. La console marche avec des piles et ne permet de jouer qu’à un seul jeu, dont seule la difficulté peut varier. Elle rencontrera malgré tout un grand succès et aura de nombreuses petites sœurs, jusqu’à la Computer TV Game en 1980. À ce moment-là, Nintendo domine totalement le marché et 70% des joueurs japonais possèdent une console Nintendo.

Mais si Nintendo devait aujourd’hui retenir quelque chose de l’année 1977, il ne s’agirait certainement pas de son arrivée dans le marché des consoles de salon. En cette même année, la firme recrute un jeune designer industriel de 25 ans, Shigeru Miyamoto. Alors qu’il travaillait notamment dans le design de voitures ou d’électroménager, Miyamoto est recruté pour s’occuper du packaging des produits Nintendo. Très vite, comme Gunpei Yokoi avant lui, il surprend les autres salariés par son imagination sans limite et l’intelligence de ses designs.

Ces deux-là vont d’ailleurs être rapidement associés par l’entreprise pour sauver un échec commercial. Le jeu Radar Scope, qui devait conquérir les Etats-Unis sur borne d’arcade ne se vend qu’à 2000 exemplaires. En 1981, Nintendo demande alors à Gunpei Yokoi et Shigeru Miyamoto de concevoir un jeu qui collerait avec les nombreuses bornes déjà produites et qui séduirait le public américain. En seulement trois mois, les deux génies de Nintendo sortent Donkey Kong, un jeu simple et répétitif mais dont le design est totalement révolutionnaire. Donkey Kong enlève Pauline, la petite-amie du premier personnage de jeu vidéo à pouvoir sauter : Jumpman, qui deviendra plus tard Mario. D’ailleurs, le jeu devait à la base être une adaptation de Popeye, mais Nintendo n’avait obtenu que les droits pour une adaptation sur console de poche, domaine dans lequel la firme cartonne déjà avec sa Game & Watch.

donkey_kong_arcade

C’est le début de la révolution Miyamoto chez Nintendo. Son premier succès lui permettra de créer de très nombreux jeux et personnages, qui en font le créateur le plus reconnu du monde dans le domaine. Les décisions qu’il prendra tout au long son histoire chez Nintendo représenteront de véritables tournants et il s’impose comme l’identité même de l’entreprise. En 2020, il est toujours le responsable créatif de Nintendo et reste à l’origine de la plupart des jeux conçus par le constructeur japonais. Shigeru Miyamoto est tellement précieux pour Nintendo, qu’il a l’interdiction formelle de se déplacer sans chauffeur, alors qu’il a toujours adoré se rendre à son bureau à vélo. Une simple annonce de maladie ou d’accident de Miyamoto pourrait faire chuter dramatiquement le cours de l’action Nintendo.

A partir du début des années 80 donc, Nintendo rencontre un succès mondial, grâce à sa borne d’arcade Donkey Kong mais surtout grâce à sa console de poche, la Game & Watch, conçue par Gunpei Yokoi, qui en avait eu l’idée en voyant des collègues banlieusards occuper leur temps de trajet en tapotant sur des calculatrices. Cette même année, Gunpei Yokoi, encore et toujours lui, dépose un brevet sur la croix directionnelle. Il devient donc l’inventeur de ce qui restera comme l’un des fondements du jeu vidéo moderne. Grâce à deux employés au génie incontestable, Nintendo a suffisamment de notoriété à travers le monde pour se lancer dans les consoles de salon à très grande échelle.

Les consoles de salon Nintendo envahissent le monde

NES

Le 15 juillet 1983, Nintendo sort la Famicom (Family Computer), soit exactement le même jour que la première console de Sega, la SG-1000. En retard techniquement par rapport à sa concurrente, la console de Nintendo s’impose tout de même grâce à des jeux de bien meilleure qualité, développés par Miyamoto. Super Mario Bros est considéré comme un jeu parfait qui ne nécessite aucune retouche et The Legend of Zelda, sorti en 1986, est considéré comme le premier chef d’’oeuvre de l’histoire de l’industrie. La Famicom deviendra la NES (Nintendo Entertainment System) pour s’exporter aux Etats-Unis puis en Europe, où elle rencontrera un succès faramineux. The Legend of Zelda se vend à plus de 6 millions d’exemplaires.

Alors qu’elle ne devait accueillir que 7 jeux au départ, la NES séduit tous les développeurs de jeux d’arcade japonais qui sortent tous leur version NES. Son arrivée en Europe est aussi accompagnée de nombreux jeux thématiques qui feront son succès, comme les Tortues Ninjas ou encore Batman, qui arrivera en même temps que la sortie du film. Mais rapidement, les concepts de jeux inventés par Shigeru Miyamoto ou encore Gunpei Yokoi (également l’inventeur de Metroid) sont bien trop gourmands pour la NES. Dans le plus grand secret, la firme lance alors le développement d’une console 16 bits. À ce moment-là, Nintendo contrôle près de 90% du marché des consoles de salon, et devient l’entreprise japonaise la plus rentable du pays devant Toyota.SUper NES

Ce fameux projet secret verra le jour en 1990 avec la sortie de la Super Famicom (Super Nes aux USA et Super Nintendo en France). Alors que la Mega Drive de Sega sortie quelques mois plus tôt commençait à récupérer des parts de marché, la Super Nintendo va rapidement s’imposer. Pourtant, la console de Nintendo est encore une fois moins puissante que sa concurrente. Mais l’habilité de ses développeurs permet aux jeux de donner un aspect de fausse 3D bien plus réussi, notamment sur F-Zero ou Super Mario Kart.

La manette est également une grande réussite. Pendant son développement, il était prévu que la manette ait 6 boutons différents, notamment pour permettre plus de mouvement dans les jeux de combat. Mais Shigeru Miyamoto, toujours attentif au confort des joueurs, s’oppose fermement à cette décision. Pour y remédier, il invente les boutons R et L, situés en haut de la manette et accessibles très facilement avec les doigts.

Pour garder son avance, Nintendo s’associe avec Sony pour créer une console de jeu capable de lire des CD-ROM, dont la capacité de stockage est bien supérieure à celle des cartouches de Super Nintendo. La console en question devait s’appeler la Super Nintendo Play Station. Le projet sera finalement abandonné, et Sony s’occupera tout seul de son arrivée tonitruante sur le marché des consoles… 

Jouer partout, tout le temps

Game-Boy-Original

Avec sa Game & Watch conçue pour permettre aux travailleurs de se divertir dans les transports, Nintendo avait déjà frappé fort. Mais en 1989, la GameBoy débarque, et le succès est immédiatement monstrueux. Un nom derrière ce succès ? Encore et toujours Gunpei Yokoi, qui sera donc passé du statut de mécanicien bricoleur à légende vivante d’une industrie.

Pour séduire avec sa nouvelle console, Nintendo a énormément bataillé pour remporter les droits du jeu Tétris, inventé par Alekseï Pajitnov. Comme d’habitude, la GameBoy est beaucoup moins puissante que ses concurrentes. L’écran était par exemple de très mauvaise qualité, mais c’était bien une volonté de Nintendo, qui souhaitait que sa console soit très abordable et robuste, et qu’elle permette de jouer pendant de nombreuses heures. L’autonomie de la GameBoy surpasse de très loin celle de ses concurrentes.

Alors que le jeu Tetris est jugé comme « dépassé » par la critique au moment de la sortie de la Gameboy, le succès est une nouvelle fois au rendez-vous. Les licences Mario et Zelda continuent notamment de cartonner, avec par exemple la sortie de The Legend of Zelda : Link’s Awakening en 1993. Mais au-delà des licences fortes de Nintendo, la GameBoy va séduire grâce à un accessoire qui permet de relier deux consoles pour permettre à deux joueurs de jouer ensemble : le câble Link. Au départ, le câble sert surtout à s’affronter sur Tetris. Mais au bout de quelques années, une autre licence incontournable va faire son arrivée, et bénéficiera tout particulièrement du fameux câble…

Attrapez les tous

Au début des années 90, Satoshi Tajiri, qui vient de lancer avec quelques amis un magazine pour raconter sa passion des jeux vidéo, Game Freak, découvre la GameBoy et notamment son câble Link. Lorsqu’il aperçoit un insecte se balader sur un câble reliant deux consoles, lui qui chassait et collectionnait les petites bêtes dans son enfance, a une idée qui va changer sa vie, et probablement la face du monde. Il imagine un jeu dans lequel les joueurs chasseraient et s’échangeraient des petites bestioles : Pokémon est né.

Sûr de son idée, il multiplie les rendez-vous auprès de tous les plus grands mangakas et développeur de jeux vidéo. Mais alors que tout le monde lui claque la porte au nez, un seul homme va croire en son projet. Vous l’avez deviné, Shigeru Miyamoto, le génie créatif de Nintendo, voit tout de suite le potentiel des Pocket Monsters, comme Satoshi les appelait à l’époque. Très vite, il a l’idée de produire deux jeux quasiment similaires mais différents sur certains points, pour pousser les joueurs à s’échanger des Pokémon et à les faire combattre.

pocket monsters

Malgré le soutien de Miyamoto, Nintendo n’envisage la sortie des premiers jeux Pocket Monsters qu’au Japon. En février 1996, les jeux Pocket Monsters Vert et Rouge sortent au Japon, et ne font l’objet d’aucune promotion. Mais avec du bouche à oreille, les deux jeux deviennent rapidement très populaires. Au point que Nintendo décide de lancer la franchise aux Etats-Unis et en Europe. Problème, une société américaine détient déjà les droits du nom Monsters in my pocket. Le nom des jeux est donc raccourci pour devenir Pokémon.

A la fin de l’année 1998, Pokémon version rouge et Pokémon version bleue sortent en Europe et aux Etats-Unis. Le succès est immédiat et fracassant. Les Pokémon deviennent des icônes de la pop culture et se déclinent en séries animées, en films, en cartes à collectionner mais surtout en de très nombreux jeux, qui accompagneront toutes les différentes générations de consoles de Nintendo, toujours avec le même succès. En 2020, Pokémon tient toujours sa place de deuxième licence de jeux vidéo la plus vendue de tous les temps, avec plus de 365 millions d’unités vendues. Pour la petite histoire, dans la version japonaise du dessin animé Pokémon, Sacha s’appelle Satoshi, et son rival Régis s’appelle Shigeru…

La nouvelle version de la GameBoy, la GameBoy Color, dont l’écran est enfin en couleur comme ses concurrentes, profite évidemment de l’incroyable raz-de-marée Pokémon. D’ailleurs, sept différentes versions de la GameBoy Color voient le jour à l’effigie des Pokémon. La GBC présente aussi un avantage énorme : elle est 100% rétrocompatible, et permet de lire l’ensemble des jeux sortis sur GameBoy.

La Nintendo 64 et ses chefs d’œuvre

Nintendo 64

Au milieu des années 90, Nintendo domine tranquillement le domaine des consoles de salon avec 75% de part de marché. La Super Nintendo est un carton notamment grâce à de nombreux jeux exceptionnels, comme Super Mario World, The Legend of Zelda: A Link to the Past, Super Metroid, Street Fighter II, la trilogie Donkey Kong Country ou encore Super Mario Kart, qui n’est pas passé loin d’être un jeu inspiré du Tour de France.

Mais l’échec de son partenariat avec Sony va entrainer l’arrivée d’un nouveau concurrent, alors que la communication de Sega est toujours plus agressive pour ringardiser Nintendo. Sa mascotte Sonic apparait plus rebelle et plus cool aux yeux des jeunes, et contraste avec l’image enfantine des héros de Nintendo.

En 1995, Sega présente sa console Saturn et Sony sa Playstation. Les deux consoles 32 bits présentent des graphismes largement supérieurs à ceux de Nintendo. Avec deux ans de retard sur le lancement initial prévu, Nintendo sort en 1997 en Europe sa nouvelle console : la Nintendo 64, pour 64 bits, une première. Mais il est déjà trop tard. Playstation et Sega dominent le marché des consoles de salon et poursuivent leur communication agressive.

Alors que ses deux concurrentes utilisent des CD-ROM comme support, la N64 reste sur le format cartouche, nettement moins performant en termes de stockage. Mais Miyamoto est persuadé que les temps de chargement imposés par la lecture des CD rebuteraient les joueurs. C’est d’ailleurs ce choix qui convaincra Square de ne plus travailler avec Nintendo, pour sortir ses RPG en exclusivité sur la console de Sony. Malgré les temps de chargement beaucoup plus courts, la N64 apparait comme très en retard sur ses concurrentes. Un constat qui semble être le même à chaque sortie de console.

Mais la fabuleuse histoire de Nintendo est loin d’être terminée. En plus de l’incroyable succès des jeux Pokémon sur ses consoles portables qui effacent un peu l’échec commercial de la 64, la firme japonaise peut encore et toujours compter sur son génie créatif. Avec Super Mario 64, Shigeru Miyamoto révolutionne le jeu vidéo. Il utilise à la perfection la 3D qui est la principale évolution technique de cette génération de consoles, en allant jusqu’à modéliser la caméra comme un personnage pour habituer les joueurs à ce nouveau format. Le jeu est beau, profond et totalement novateur. La manette de la Nintendo 64 est la première à utiliser un joystick, ce qui colle parfaitement avec la nouvelle possibilité d’évoluer dans des mondes en 3D. En 1998, Nintendo frappe fort avec un nouveau chef d’œuvre de Miyamoto : The Legend of Zelda : Ocarina of Time.

Si la Nintendo 64 ne rattrapera pas la Playstation, il est difficile de la considérer comme un échec, grâce à de nombreux jeux à succès comme 007 Golden Eye, F-Zero X ou Mario Kart 64. Mais pour la prochaine génération de consoles de salon, Nintendo ambitionne de retrouver son statut de leader du marché.

La GameCube

gamecube

Au début des années 2000, une nouvelle génération de consoles 128 bits se prépare. Sega et sa Dreamcast, Playstation et sa PS2 et un nouveau concurrent, Microsoft et sa première Xbox, tous veulent mettre la main sur un marché qui n’en finit plus de grandir d’année en année. De son côté, Nintendo propose sa GameCube, encore une fois radicalement différente de ses concurrentes. Elle sera la seule console à ne pas utiliser le format DVD. Pour respecter la volonté de Miyamoto de réduire au maximum les temps de chargement, un nouveau format mini-DVD est créé spécialement pour la console.

Plus petite, compacte et robuste, la GameCube ne parviendra pas à se hisser à la première place du classement des ventes. Le succès de la Playstation 2 est indécent. La console de Sony reste à ce jour la console de salon la plus vendue de tous les temps. Mais comme d’habitude, grâce à des licences toujours aussi puissantes, Nintendo sauve les meubles avec des titres comme Super Mario Sunshine, Mario Kart Double Dash, Super Smash Bros Mêlée, Metroid Prime mais aussi la toute nouvelle création folle de Miyamoto, Pikmin.

Comme pour la précédente génération de consoles, c’est grâce à sa console portable que Nintendo poursuit sa croissance. La GameBoy Advance, qui se déclinera comme sa petite sœur en d’autres modèles sera la dernière réussite de Hiroshi Yamauchi à la tête de Nintendo. En 2002, après 52 ans à la tête de l’entreprise, il laisse sa place à Satoru Iwata, qui venait notamment de s’occuper de la conception de Super Smash Bros Mêlée. C’est la première fois qu’un dirigeant de Nintendo ne porte pas le nom Yamauchi, et ce changement va redonner un incroyable élan à la firme japonaise.

Nintendo remet l’innovation au premier plan

En 1996, alors que la guerre des consoles faisait rage, Gunpei Yokoi avait décidé de quitter Nintendo pour fonder sa propre entreprise. Il voulait retrouver ce qu’il avait connu à son arrivée chez Big N : l’innovation, rien que l’innovation. Malheureusement, il meurt tragiquement un an plus tard dans un accident de la route. Considéré depuis comme « le dieu des jouets » au Japon, Gunpei Yokoi incarnait à la fois le génie et la débrouille. Sur sa tombe est inscrite sa maxime fétiche : « la pensée latérale des technologies désuètes ». Il s’agit d’une variante de la pensée latérale conceptualisée par Edward de Bono, qui suggère qu’il ne faut jamais aborder l’innovation de manière verticale, et toujours penser aux usages qu’ont rendu possible d’anciennes technologies. Gunpei Yokoi aurait très certainement adoré le tournant pris par Nintendo à partir de l’arrivée de Satoru Iwata.

Toujours souriant, très proche de ses employés, le nouveau patron de Nintendo va totalement changer la manière de fonctionner de l’entreprise. Il s’entoure d’un conseil d’administration, une première pour Nintendo, et baissera à plusieurs reprises son salaire pour se rapprocher de ses salariés. Il est d’ailleurs nommé à plusieurs reprises parmi les meilleurs patrons du monde par le New York Times. Satoru Iwata va aussi casser certaines frontières et ouvrir un peu plus l’entreprise au reste du monde. Il renoue le contact avec Square, Namco et même Sega. Son objectif est simple : il veut sortir de la course à la performance et se concentrer sur le divertissement et la conquête d’un nouveau public. Il y arrivera très vite.

En 2004, Nintendo sort la Nintendo DS. Une nouvelle console portable, radicalement différente de sa concurrente, la PSP de Sony. La DS dispose de deux écrans, dont un tactile, et proposera un catalogue de jeux qui s’adresseront à un public beaucoup plus large. Grâce à Nintendogs ou encore le Programme d’entraînement cérébral du Docteur Kawashima, Nintendo part à la conquête des familles toutes entières, du bambin à la grand-mère. La Nintendo DS est un carton et se vend à plus de 154 millions d’exemplaires, soit la console portable la plus vendue de l’histoire, et la deuxième console la plus vendue de tous les temps.

Conforté par le succès de sa stratégie, Satoru Iwata veut aller plus loin et poursuivre la conquête de ce nouveau marché avec une bonne vielle console de salon. Problème, il constate que ce qui apparait le plus effrayant pour les adultes n’ayant jamais joué à un jeu vidéo, c’est avant tout la manette. C’est en partant de ce constat que Nintendo va mettre au point la Wii, une console dont les manettes ressemblent à des télécommandes de télévision, et qui se joue principalement en bougeant devant son écran.

En 2006, pendant que Sony et Microsoft se livrent à une guerre sans merci entre la PS3 et la Xbox 360, Nintendo sort la Wii et s’adresse à un marché totalement différent. Grâce à des jeux comme Wii Sports ou encore Wii Fit, la Wii s’impose comme la console qui réunit les générations. Pour la première fois depuis la Super Nes, Nintendo redevient leader du marché des consoles de salon, avec plus de 100 millions d’exemplaires vendus, encore une fois grâce à son audace et à sa créativité.  En plus de la conquête d’un nouveau public, Nintendo continue de gâter ses fans avec ses licences légendaires : Super Mario Galaxy, The Legend of Zelda The Wind Waker et Metroid Prime : Trilogy.

Nintendo et le nouveau monde

Dans les années 2010, le monde entier s’équipe en tablettes et en smartphone. C’est l’explosion des jeux gratuits. Et cette nouvelle tendance est très loin de plaire à Nintendo et son boss, qui craint notamment de voir les consoles portables disparaitre. C’est très probablement en partant de ce constat que Nintendo se met à travailler un concept de console hybride.

En 2012, un an avant ses concurrents Sony et Microsoft, Nintendo sort la Wii U. Entièrement rétrocompatible avec les jeux et les accessoires de la Wii, la Wii U propose pour la première fois de la HD, et innove avec un GamePad, un genre de tablette qui sert de manette, équipé d’un écran, d’un micro et d’une caméra, et qui permet de continuer sa partie même sans écran de télévision. L’équipement ouvre aussi de nouvelles perspectives pour les jeux multijoueurs. Probablement trop étrange pour le grand public, la Wii U ne séduit pas non plus les core gamers qui regrettent son catalogue de jeux très décevant. La Wii U est un gros échec commercial, mais a permis de poser les bases d’un nouveau type de console.

Malgré ce nouveau concept qui arrive, Satoru Iwata décide tout de même de lancer la production de jeux Nintendo destinés aux mobiles en 2015. Il n’en verra malgré tout jamais la naissance, puisqu’il meurt quelques mois plus tard d’une tumeur biliaire. Mais comme le dit Miyamoto à ses funérailles, avec ses idée, « Iwata a planté une graine qui un jour se transformera en fleur, permettant aux gens du monde entier de sourire. » Le 3 mars 2017, la Nintendo Switch sort, et s’apprête à conquérir le monde.

nintendo-switch

Malgré son catalogue de jeux extrêmement faible à la sortie de la console, la présence du dernier jeu Zelda, Breath of The Wild, permet à elle seule d’offrir un très bon lancement à la nouvelle console hybride de Nintendo. La Switch permet de jouer à l’ensemble de ses jeux en version portable ou en version salon, une véritable révolution. Trois ans après sa sortie, elle s’est déjà écoulée à plus de 60 millions d’exemplaires à travers le monde.

Une nouvelle fois, c’est en mettant l’innovation au service de l’utilisation des joueurs que Nintendo frappe un grand coup. En plus de Breath of The Wild, considéré par beaucoup comme l’un des meilleurs jeux vidéo de tous les temps, la Switch profite d’autres titres majeurs comme Super Mario Odyssey, ou encore Animal Crossing New Horizons, qui rencontre un succès foudroyant alors que le monde est frappé par une pandémie qui l’oblige à se confiner.

Une dernière innovation pour la route ? Le 16 octobre 2020, Nintendo sort Mario Kart Live Home Circuit. Comme un retour aux origines de la marque, Mario Kart Live permet de jouer en réalité augmentée à Mario Kart, avec de véritables kart miniatures qu’il faut faire s’affronter chez soi, en décidant du tracée de la course. Un concept innovant qui stimule l’imaginaire et qui enchante les plus petits. Difficile de faire plus caractéristique de ce que représente Nintendo aujourd’hui.

À lire aussi

Article rédigé par
Valentin Boulet
Valentin Boulet
Conseiller fnac.com jeux vidéo et high tech
Sélection de produits