Le rappeur-cuistot signe son grand retour ! Avec Only for Dolphins, Action Bronson continue de défendre un style classique, bourré de références à l’âge d’or du rap newyorkais. Et ne manque pas de faire quelques clins d’œil aux fourneaux. Car, à l’exemple de certains de ses collègues, l’artiste fait le pont entre hip-hop et plaisir de la chère. Deux disciplines assez liées, si l’on regarde bien. Rétrospective.
Action Bronson, LE rappeur spécialiste de la cuisine
Fuck that’s Delicious. Tel est le titre de l’émission de Viceland qui permet, depuis quatre saisons déjà, de suivre les aventures gastronomiques du rappeur Action Bronson. Cuisinier avant d’être artiste, le solide gaillard semble taillé pour la bonne chère et les plaisirs de la vie. À travers cette émission, il nous ouvre à des univers variés : qu’il se mette à sentir de la weed en goûtant une bonne bouteille au cœur d’un chais français, qu’il teste la dernière adresse en pointe de la street food à New York, ou passe lui-même derrière les fourneaux, c’est une passion dévorante qu’il communique à son public.
Élevé par un père qui détenait un restaurant méditerranéen, il a découvert très tôt les secrets qui font les bons petits plats, notamment auprès de ses grands-parents. Il a ouvert son propre établissement, et commencé à donner des leçons de cuisine sur YouTube, avec le programme Action in the Kitchen. Mais une jambe cassée devait l’éloigner un temps des fourneaux, pour le rapprocher du studio : en 2011, avec son premier album Dr. Lecter, il faisait une entrée fracassante dans le domaine du rap East Coast. Très inspiré du flow de Ghostface Killah, et du son boom bap newyorkais des origines, Action Bronson s’est forgé une réputation lyricale grâce à ses nombreuses métaphores culinaires.
Brunch, de son album Dr.Lecter
Qu’il nomme une de ses mixtapes Blue Chips, se dise aussi attirant pour les femmes qu’un plat de jambon-melon, rappe à propos du thé d’hibiscus ou du poulet-parmesan, le MC imbrique dans ses textes cet univers avec des métaphores plus classiques du hip-hop hardcore, autour de la drogue, des femmes et de l’alcool. Encore aujourd’hui avec Only for Dolphins, son nouveau disque, Action Bronson demeure celui qui a le plus poussé ce champ lexical dans le rap, même si avant lui, le genre a eu quelques grands noms véritablement gourmets.
Quand les rappeurs se mettent à la cuisine
2011. La chaîne de télévision américaine VH1 lance une émission nommée Famous Food, une sorte de Cuisine avec les stars. Outre Vincent Pastore des Soprano, ou la chroniqueuse Ashley Dupre, le reality show présente deux stars du rap de Memphis, Dj Paul et Juicy J, les membres légendaires de Three Six Mafia. Une expérience étonnante, mais plutôt crédible, pour ce duo plus habitué à l’horrorcore et aux textes hardcores qu’à la réalisation de sabayon.
Historiquement, il faut remonter au célèbre gangsta rappeur Coolio pour voir une star du hip-hop faire un pas en cuisine. Le « ghetto gourmet » avait connu une gloire internationale dans les années 1990, avec son titre phare Gangsta’s Paradise, emblématique du rap West Coast. Un succès qui lui avait donné l’occasion de se diversifier, en devenant chef au début des années 2000. Lui qui cuisine depuis son enfance est entré dans la légende d’Internet en 2008, avec son émission Cookin’ with Coolio, dans laquelle il multipliait les recettes improbables. Le livre qu’il a tiré de cette expérience se vendit même comme des petits pains, outre-Atlantique.
Gangsta’s Paradise de Coolio
2 Chainz, plus récemment, a lui aussi publié un livre de recettes, baptisé 2 Chainz Tour Bus Recipes, inspiré de sa tournée, qui accompagnait son deuxième album B.O.A.T.S. 2 #Metime. Un recueil assez classique, mais saupoudré de quelques punchlines bien senties dans les instructions elles-mêmes, rappelant ainsi que le champ lexical culinaire pouvait fort bien s’accommoder de street-crédibilité.
La cuisine, un thème cher au rap américain
Si le grec-frites et le tajine/couscous restent les plats les plus souvent cités par les rappeurs français, ceux d’Amérique ont fait de la cuisine un thème abordé principalement de manière revendicative. Au même titre que les références aux Nike Jordan millésimées, aux calibres de leur flingue et aux rues de leur ville, certains MCs yankees aiment que les spécialités de leurs régions émergent dans leurs textes.
Le groupe Nappy Roots, originaire du Kentucky, a ainsi multiplié les références à la gastronomie du Sud, au point d’intituler un album Watermelon, Chicken & Gritz, soit trois des préparations les plus connues de leur camp de base. De la même façon, les Goodie Mob ont exalté les ailes de volaille d’un restaurant d’Atlanta, le Mo-Joe’s, dans sa chanson Soul Food, qui parlait aussi de céleri et de fromage bleu local…
Soul Food de Goodie Mob
Le rap, devenu un genre immensément populaire dans les années 2010, a croisé pléthore d’autres champs culturels au cours de son histoire. Grâce à Action Bronson, entre autres, la cuisine en représente un thème à part entière, au même titre que la réussite, les femmes, la drogue ou la vie dans la cité. De quoi nourrir encore le hip-hop pour les années à venir !