Les jeunes se perdent et se cherchent, aux travers d’idéaux fortement revendiqués ou de façon plus discrète, celle de l’opinion secrète. Et puis il y a ces deux corps qui se rencontrent, celui de Nicolas et d’Harry, et alors, c’est tout un monde qui change, entraînant sur son passage la pensée radicale.
L’histoire d’une révolution individuelle
D’une part, il y a Nicolas, étudiant à Sciences Po, et plus de gauche que de droite. D’autre part, il y a Harry, plus jeune et activiste d’extrême-droite. Une chose est sûre, la politique n’est pas la chose qu’ils ont le plus en commun. Et pourtant, de leur première rencontre naîtra un amour, celui d’une dépendance toxique à l’autre et dans lequel Nicolas succombera de tout son être. La fascination qu’exerce Harry sur lui, sa violence et sa radicalité, brideront sa liberté, lui faisant tourner, progressivement mais sûrement, le dos à ses idéaux.
Cette relation est celle de deux jeunes issus d’une génération bouleversée. Depuis quarante ans, l’immobilisme ronge la société par tous ses pores, conséquence néfaste et directe d’une population qui ne croit plus en rien. Mais alors que Nicolas se radicalise de plus en plus, son amour avec Harry tourne à quelque chose de plus pervers, de plus violent, de plus dominant.
« Le paradoxe c’est que, malgré la morosité ambiante, il n’était plus autorisé d’être triste. […] Il n’y avait plus de projet moyen, plus de rêve moyen, plus de classe moyenne. Et c’était la pire nouvelle depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. »
Dans cette société dominée de pauvres qui escroquent d’autres pauvres, gâtée et détériorée par Internet, le « refuge vital » où tout le monde peut se retrouver pour partager les idées les plus hallucinantes, il y a aussi une autre forme d’amour, celui qui dépend de la loi de l’offre et de la demande.
« À la manière d’un trader qui préfère avoir 25% de rentabilité plutôt que “seulement” 20%, nous restions sans cesse aux aguets, soucieux de ne pas gâcher une seconde de notre temps avec une personne inférieure à ce que nous pourrions obtenir. Nous étions tous de fins économistes, à l’heure du big data et de la blockchain. »
Alors que tout se construit autour du court-terminisme, aux côtés de Harry, Nicolas entame sa propre révolution individuelle… Mais ne tombera-t-il pas sous un autre joug ?
Radical : pas seulement un roman mais une explosion de la pensée.
Radical de Tom Connan raconte l’histoire d’un homme amoureux qui se radicalise peu à peu pour se rapprocher au plus près de celui qu’il aime.
« Avec les sentiments, on devait non seulement respecter son partenaire, mais s’intéresser à lui, en acceptant sinon en avalisant ses prises de positions – tout du moins celles qui étaient connues. Il n’était pas possible de rester spectateur. C’était le premier acte de collaboration. »
Mais également de la difficulté, toujours actuelle, d’être gay dans notre société, ainsi que celle, intime, d’en parler à ses proches, avec la peur, au fond du cœur, de décevoir.
« Nous ne pouvions pas dire que nous avions peur, dans le Paris “ouvert” et “multiculturel”, mais nous n’étions pas tranquilles. Je ressentais même une certaine honte, la honte d’être, à la fin des fins, une pédale. »
Et puis enfin, mais surtout, Tom Connan nous parle du désœuvrement des jeunes.
« Les réseaux sociaux avaient ceci de pervers qu’ils nous rappelaient sans cesse à quel point nous ne possédions pas telle “fantastique” voiture, telle “gorgeous” maison ou tel “amazing job”. (…) Les dommages de ce phénomène me sautaient aux yeux de manière récurrente, lorsque j’observais la quantité inouïe de jeunes désœuvrés dans un grand nombre de quartiers de la région parisienne, notamment ceux qu’on appelait les “zones sensibles”. »
Radical est un livre à prendre comme il est, avec son écriture incisive et son message, beau d’une analyse éclairée sur les failles de notre société et de celle du besoin d’amour et de celui d’aimer. À découvrir. À lire. À ressentir. Un ouvrage qu’on n’oublie pas.
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Paru le 19 août 2020 – 336 pages