La scène et le cinéma français viennent de perdre l’un de ses derniers géants du rire. Ce jeudi 28 mai, l’humoriste, auteur et comédien Guy Bedos vient de rejoindre le paradis d’Yves Robert. Acteur engagé et enragé, il avait un style bien à lui qu’il a légué à son fils Nicolas, à la plume tout aussi acérée.
Un humoriste au ton grinçant
Guy Bedos a toujours su qu’il serait artiste. Il apprend les rudiments du théâtre à 17 ans, âge auquel il signe déjà sa première mise en scène. Il écrit, aussi, des sketchs remarqués par Jacques Prévert qui l’encourage à poursuivre dans cette voie. Ce que le jeune homme fait, tout en tournant ses premiers films et co-mettant en scène une pièce avec Jean-Paul Belmondo en 1951, Mon ami le cambrioleur. Mais il lui faudra attendre le milieu des années 1960 pour se lancer véritablement en tant qu’humoriste, tandis qu’il enchaîne les rôles au cinéma et sur les planches, surtout dans des comédies de boulevard. On le retrouve ainsi sur la scène de Bobino. Il ouvre la saison en tête d’affiche en 1965 et c’est en duo qu’il affirme son talent d’humoriste, avec son épouse Sophie Daumier.
Après leur séparation, seul sur scène, il interprète des sketchs notamment écrits par Jean-Loup Dabadie. Il y définit sa particularité : un humour souvent cynique, étrillant gentiment ses racines pied-noir, pamphlétaire de gauche, sans mâcher ses mots, quitte à se faire des ennemis. Il assume des spectacles façon revue de presse dans lesquels il croque ses contemporains, règle ses comptes avec l’extrême-droite ou celles et ceux qui ne lui reviennent pas. Parfois, il partage la scène en compagnie d’autres humoristes, comme Muriel Robin, Michel Boujenah ou Smaïn et joue au théâtre sous la direction de Jérôme Savary ou de son fils, Nicolas Bedos, qui a hérité de son franc-parler sans concession.
Un acteur remarqué
Guy Bedos n’a jamais négligé le cinéma en parallèle de ses activités théâtrales. Il a pu tourner avec de nombreux réalisateurs chevronnés tout au long de sa carrière, tels Marcel Carné (Les Tricheurs), Michel Deville (Ce soir ou jamais), Jean Renoir (Le Caporal épinglé), Claude Berri (Le Pistonné), Denys Granier-Deferre (Réveillon chez Bob) ou Patrice Chéreau (Contre l’oubli).
Mais c’est sa collaboration avec Yves Robert qui fera le plus d’étincelles, sous l’écriture de Jean-Loup Dabadie et en compagnie de joyeux drilles presque tous disparus désormais, Jean Rochefort, Claude Brasseur ou Victor Lanoux. Une bande d’amis à la bonne humeur communicative et que l’on retrouve dans Un éléphant ça trompe énormément et Nous irons tous au paradis, avant un dernier baroud d’honneur dans Le Bal des casse-pieds.
Un auteur qui fait tomber le masque
Ce sont dans ses ouvrages et recueils de sketchs, que Guy Bedos va totalement se livrer, tout en gardant sa verve. Mais chacun d’entre eux laisse filtrer les fêlures de l’enfance avec un beau-père et une mère versés dans l’extrême-droite. Politisé, conscient qu’il peut déranger, Guy Bedos enfonce le clou dans des livres tels que Je craque en 1976, En attendant la bombe en 1980, Merci pour tout en 1996, Arrêtez le monde, je veux descendre ! en 2003 ou Mémoires d’outre-mère en 2005.
Plus sombres et apaisés, Je me souviendrai de tout et À l’heure où noircit la campagne sont les derniers témoignages touchants de l’homme derrière l’humoriste. On se souviendra de lui, assurément.