Des années 1940 à nos jours, Michel Piccoli n’a jamais cessé d’enflammer les planches des théâtres et les plateaux de cinéma. Celui qui a tourné avec quelques-uns des plus grands réalisateurs internationaux, de Jean Renoir à Youssef Chahine, en passant par Godard et Hitchcock, vient de nous quitter, à l’âge de 94 ans.
Quand le théâtre mène au cinéma
Si Michel Piccoli a débuté simultanément à l’âge de 20 ans au théâtre et au cinéma, c’est sur les planches qu’il va d’abord faire ses preuves. Il rejoint la compagnie montée par Jean-Louis Barrault, joue du Ionesco, Pirandello et Courteline, tout en enchaînant les petits rôles au cinéma, comme dans Le Point du jour de Louis Daquin ou Sans laisser d’adresse de Jean-Paul Le Chanois. Quand il se fait enfin remarquer, dans French Cancan de Jean Renoir en 1954, sa carrière ne sera plus jamais la même. Piccoli va tourner film sur film, en une boulimie créatrice, des Grandes Manœuvres de René Clair en 1955 au Journal d’une femme de chambre de Luis Buñuel, de Rafles sur la ville de Pierre Chenal à Le Doulos de Jean-Pierre Melville. Sans jamais délaisser le théâtre pour autant, où il joue des textes de Primo Levi ou Racine.
L’acteur de la nouvelle garde du cinéma français
Son jeu atypique et son physique polymorphe lui permettent d’alterner premiers et seconds rôles, héros et méchants et accompagner à la fois des réalisateurs chevronnés comme René Clément (Le Jour et l’Heure ou Paris brûle-t-il ?) et ceux de la Nouvelle Vague (Jean-Luc Godard dans Le Mépris, Agnès Varda dans Les Créatures, Alain Resnais dans La Guerre est finie, Jacques Demy dans Les Demoiselles de Rochefort).
Très vite, Michel Piccoli devient indispensable au cinéma français et quand il tourne avec un réalisateur, ce dernier en fait souvent un de ses visages familiers. C’est le cas de Claude Sautet dont il sera l’acteur fétiche (Les Choses de la vie, Max et les Ferrailleurs, César et Rosalie…). Et de Claude Chabrol (La Décade prodigieuse, Les Noces rouges), Michel Deville (La Femme en bleu, Péril en la demeure), Claude Lelouch (Viva la vie !, Partir, revenir), Louis Malle (Atlantic City, Milou en mai) ou encore Jacques Doillon (La Puritaine, La Belle Noiseuse)…
Une carrière internationale
Parlant couramment italien et anglais, Michel Piccoli se fait tout naturellement remarquer à l’étranger. Il tourne sous la direction d’Alfred Hitchcock dans L’Étau, de Peter Ustinov dans Lady L, de Marco Ferreri dans Liza et La Grande Bouffe, de Marco Bellocchio dans Le Saut dans le vide et Les Yeux, la bouche, ou encore de Youssef Chahine dans Adieu Bonaparte, de Manoel de Oliveira dans Party et Belle Toujours, et de Theo Angelopoulos dans La Poussière du temps.
C’est d’ailleurs dans des films européens qu’il termine sa carrière au cinéma, avec Habemus Papam de Nanni Moretti dans le rôle d’un pape fraîchement élu en pleine crise de foi, et avec Les Lignes de Wellington de Valeria Sarmiento.
Un réalisateur parcimonieux
Tourner sous la direction des plus grands donne envie à Michel Piccoli de mettre également la main à la pâte et de passer derrière la caméra. Il le fera rarement, mais à chaque fois, ses films seront remarqués et salués. Après deux courts-métrages dans les années 1990, il fait le grand saut en 1997 avec Alors voilà, une comédie dans laquelle il dirige Dominique Blanc, Maurice Garrel et le chanteur Arno. Un coup d’essai suivi de La Plage noire, adaptation d’un roman de François Maspero, toujours avec Dominique Blanc et C’est pas tout à fait la vie dont j’avais rêvé, en 2006. Un titre qui ne reflète aucunement celle d’un des acteurs français à la carrière la plus importante et hors normes de ces 70 dernières années…
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Visuel d’illustration : © Gémini Films / DR