Entretien

Interview : La bédéthèque idéale de Benjamin Renner

18 juin 2020
Par Anastasia

Benjamin Renner s’est formé aux Beaux-Arts d’Angoulême et à l’école d’animation La Poudrière. Il est ainsi devenu à la fois auteur et dessinateur de bande dessinée, mais aussi réalisateur de films d’animation. Son travail a été unanimement salué par la critique. Récompensé par le Prix BD Fnac 2016 pour Le Grand Méchant Renard, Renner a également été couronné d’un César du meilleur film d’animation pour son adaptation d’Ernest et Célestine.

Boule-et-Bill1. Quelle est la BD qui vous a donné envie de faire de la BD ?


Benjamin Renner : C’est Boule et Bill, parce que ce sont les premières BD que j’ai commencé à recopier quand j’étais petit. Mes premiers personnages de BD étaient des espèces de Boule en mince et plus long, c’était un peu moi. Mais je n’avais pas de cocker… Ni de tortue, juste un poisson rouge, nul… qui vit. 

2. Quelle est votre BD culte ? Asterix-le-Gaulois-tome-1


Je ne vais pas être original malheureusement, mais je pense que c’est Astérix car j’ai beau les reprendre aujourd’hui, je n’arrive pas à trouver de défaut. Je réalise parfois qu’il y a des répliques que je mets dans des BD ou que je ressors dans des films qui viennent des albums d’Astérix. Ça m’a tellement marqué, c’est un univers drôle, pédagogique et fort. Ça restera le chef d’œuvre ultime de toute ma vie. De manière générale, tout le travail de Goscinny, ce sont les BD cultes de ma vie.


Diablotus3. Quelle est votre premier gros choc de lecture ?


Pendant l’enfance, on aime la BD belge, les trucs comme ça, mais la première fois que j’ai eu une remise en question et un gros choc de lecture c’était en découvrant les livres de l’Association, ceux de Lewis Trondheim, Joann Sfar… Notamment la collection « Patte de Mouche ». Je me rappelle d’une BD de Trondheim, Diablotus, une toute petite BD muette avec un petit diablotin à qui il arrivait des blagues et c’était assez marrant. J’avais lu ça quand j’avais 19 ans et j’ai réalisé que la BD c’était beaucoup plus que ce je croyais. 

4. Quelle est la BD qui vous a fait le plus rêver ? 


C’est la série d’albums Nausicaä de Miyazaki, l’histoire d’une princesse qui vit dans un monde complètement pollué, avec des insectes géants. J’ai découvert Miyazaki avec ces albums. Ensuite, j’ai découvert son cinéma, tout ce qu’il faisait. Ça a été un peu la prise de conscience qu’en BD on pouvait aussi faire ce genre de choses : raconter des histoires dans un univers grandiose, avec une force d’imagination qui dépassait tout ce que j’avais pu voir jusqu’à ce jour.  Il y en avait une autre aussi, assez différente, qui m’a fait rêver : Vitesse Moderne de Blutch, un style complètement différent. C’est un album qui donne l’impression de lire un rêve, à proprement parler. Il n’y a pas de sens véritable, mais ça marche extrêmement bien. Il y a un côté lynchien dans l’album, on a l’impression de retrouver la sensation du rêve en lisant. J’ai beaucoup apprécié.

Nausicaa   Vitee-moderne

5. Quelle est la BD qui vous a fait le plus pleurer ? Persepolis


Dans Persepolis, il y a passage très fort. Marjane Satrapi raconte sa vie, comment elle a vécu en Iran, comment elle a dû quitter sa famille, car le régime était trop dur, comment elle est arrivée en Allemagne… Il y a cette scène, à l’aéroport : elle dit au revoir à sa famille toute souriante, elle marche, et elle se retourne… À la page suivante, elle dit qu’elle n’aurait jamais dû se retourner car ses parents se sont évanouis. Quand j’ai lu ça, j’avais les larmes aux yeux, c’était la première fois que j’avais physiquement les larmes aux yeux pour une bande dessinée, ou même un livre ! Ça m’avait beaucoup marqué.

Annie-Sullivan-et-Helen-Keller6. Quelle est la BD que vous auriez aimé écrire ?


J’ai adoré la bande dessinée Annie Sullivan et Helen Keller, je l’ai trouvé fabuleuse. Ce sont toutes les thématiques que j’aime. L’auteur m’a permis de connaître Helen Keller, une enfant qui est née aveugle et sourde, et qui n’avait aucun contact avec le monde extérieur. Annie Sullivan, une femme malvoyante, est venue la rencontrer pour essayer de rentrer en communication avec elle. Cet album parle de ça, du point de vue de la petite fille qui commence à comprendre le langage en se faisant toucher. C’est sur la manière de faire naître le langage. Le dessin prend tout son sens dans cet album : l’auteur explique une thématique très compliquée par le dessin et c’est ultra efficace. Je ne vais pas dire que je suis jaloux, mais c’est un album que j’aurais aimé faire moi-même. J’adorerais atteindre ce niveau de qualité en écrivant une bande dessinée.


7. Quelle est la BD que vous relisez sans cesse sans jamais vous lasser ?Panade-a-Champignac


Celle qui est arrivée au top de mes lectures, en prenant en compte toute ma vie à partir de 7 ou 8 ans, c’est Panade à Champignac de la série Spirou et Fantasio, l’un des derniers albums de Franquin. Selon moi, c’est Franquin à son apogée. C’est tellement drôle, tellement idiot, touchant, il y a pleins de blagues, on retrouve tous les personnages de Gaston mélangés à ceux de Spirou. Je relis cet album comme une espèce de doudou que je reprends quand je ne me sens pas bien. Ça fait du bien de retrouver tous ses « amis » dans cette BD.

8. Quelle est la BD que vous conseilleriez à quelqu’un qui n’a jamais lu de BD de sa vie ?


Pour les adultes, je conseille les albums de Guy Delisle. Chroniques Birmanes en particulier, c’est vraiment un de ses meilleurs. C’est un album que je donne, et quand les gens sont sceptiques sur la bande dessinée ça leur permet de rentrer dedans. Ça parle de la vie, ça parle d’un pays, c’est très fort. Le dessin est très simple, les gens peuvent facilement rentrer dedans. 

Pour les enfants, je leur mets toujours Les Schtroumpfs dans les mains, parce que j’adore. C’est une BD très drôle, malgré les connotations sexistes qu’on pourrait lui donner avec la Schtroumpfette. C’est un bel exemple de la société humaine et de tous ses défauts.


Chroniques-birmanes   Le-Schtroumpfiime


9. Quel est le film que vous rêveriez d’adapter en bande dessinée ?


C’est une question qui se pose régulièrement. Il y en a un que j’adore vraiment beaucoup : Ubik de Philip K. Dick. Ne serait-ce que pour le défi, c’est un livre qui excite l’imagination dans ses illogismes, un univers qui se construit, se déconstruit… On se demande comment on pourrait faire ça en bande dessinée. Mais la bande dessinée est le medium parfait pour ce livre. Sinon Le Désert des Tartares de Dino Buzzati, un livre qui m’avait vachement marqué pour ce personnage qui voit sa vie passer en attendant quelque chose, et ce quelque chose n’arrive jamais. Je trouve cette histoire tellement forte. Dino Buzzati a un humour un peu caché dans ses livres, que j’apprécie. On pourrait essayer de le faire ressortir. 

Ubik   Le-desert-des-tartares

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Article rédigé par
Anastasia
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