Les Bronzés, Gazon maudit, Le Père Noël est une ordure… Oui, vous connaissez Josiane Balasko l’actrice. Mais connaissez-vous l’écrivaine ? À la mesure de la personnalité de la comédienne, ses livres sont plein de surprises et hauts en couleurs. Rencontre avec l’actrice-romancière et discussion autour de la littérature contemporaine.
Quand avez-vous commencé à écrire ?
Josiane Balasko : Quand j’étais petite, je ne savais pas écrire, donc je dessinais pour raconter des histoires. En général, c’était basique avec souvent des histoires très inspirées des contes de Cendrillon, etc. Et puis, un peu plus tard, j’ai continué à écrire jusqu’à ce que je fasse du théâtre et là j’ai commencé à écrire des sketchs.
Et ça a déclenché l’envie d’écrire un livre ?
Non, à cette époque j’ai commencé des trucs que j’ai lâché ensuite. Ce qui n’est plus le cas. Maintenant je m’accroche ! J’ai d’abord écrit des pièces, des scénarios… À vrai dire, mon premier roman, je l’ai fait par défaut : j’avais écrit un scénario qui s’appelait Cliente et qui avait été refusé par toutes les productions et distributeurs de Paris pour des prétextes non pas artistiques mais moraux : « On ne raconte pas une histoire comme ça ! », « Une femme qui paye pour le sexe, un gigolo, c’est pas possible ! » C’était dans les années 2003-2004, j’avais le scénario et je me disais : « Si c’est aussi violent comme réaction, c’est que l’histoire, le scénario, a quelque chose qui énerve, qui dérange… Et puisque j’ai écrit le scénario, je vais en faire un livre ! » Le scénario a une structure de livre, donc, je n’avais plus qu’à écrire le livre à la première personne, du point de vue de cette femme, de cette cliente. Fayard me l’a tout de suite pris. Le livre s’est vendu à 100 000 exemplaires. Par la suite, j’ai pu faire le film. C’était un moyen détourné !
Après, ça m’a plu d’écrire, j’étais lancée. On a toujours un peu peur de faire quelque chose d’aussi long, de grande haleine, on se dit : « Est-ce qu’on va intéresser les gens ? Est-ce qu’on va s’intéresser soi-même ? » Je suis partie d’une histoire que j’avais et qui s’appelle Parano Express. Je m’étais vraiment amusée à écrire et là, je travaillais le style. Ça s’est plutôt pas mal vendu. À l’époque, les livres se vendaient beaucoup, c’était 40 000 exemplaires, ce qui maintenant est un eldorado !
Ensuite, j’ai arrêté d’écrire un assez long moment, à part les scénarios et les pièces. Puis, après deux-trois ans, j’ai recommencé l’écriture avec des nouvelles que je me racontais pour me faire plaisir, des rappels sur mes lectures de jeunesse quand je lisais les nouvelles dans Fiction et Galaxie des éditions OPTA. Je ne savais pas ce que ça allait donner parce que ces nouvelles étaient dans un coin de mon ordinateur, mais j’ai une amie – qui a été mon éditrice – à qui je les faisais lire. Mon mari est américain et ne lit pas bien le français, ma fille n’a pas le temps, mon fils non plus. Mon amie trouvait ça bien et elle m’encourageait. J’étais comme un cheval de cirque, j’avais le droit à un sucre et j’ai continué. Au bout d’un moment, je lui ai dit : « Tu crois qu’il y en a assez ? », et elle m’a répondu : « Oh oui, je pense ! » Elle a été chercher des éditeurs (elle est devenue mon agent littéraire) et les éditions Pygmalion se sont présentées : ça a collé et le livre est sorti.
Là, je recommence à écrire un truc. Je ne sais même pas si je vais le finir, c’est toujours pareil ! Je ne dis pas : « Attention, je prépare un nouveau livre ! » parce que je ne sais pas où ça va atterrir. Je vais tourner des films, faire des mises en scène… Mais je continue.
Comment avez-vous trouvé l’inspiration pour ces nouvelles, et vos écrits en général ?
Je la trouve dans beaucoup de mes visions nocturnes télévisuelles ! Je passais des nuits souvent très longues à regarder des programmes improbables à la télé, dont des documentaires assez fournis sur une psychiatre américaine pour animaux. J’ai vu ce truc qui était quand même à chialer, où on la voit recevoir des gens avec un chien. Elle leur dit : « Laissez-moi seule avec la bête. » Elle l’assied sur ses genoux et on a l’impression qu’elle écoute fortement. Les propriétaires du chien reviennent et elle leur dit : « Vous avez bien un gros canard jaune sur le lit ? », « Oui ! », « Pourquoi vous ne le laissez pas jouer avec ? Il est stressé, ça l’ennuie… » Bon, ça c’est un exemple, mais c’était tellement incroyable que, d’un seul coup, je me suis dit : « Il faut que j’écrive une histoire où la protagoniste est une femme qui comprend les animaux. » Puis est arrivé Jamaiplu qui n’est pas une comédie, mais plutôt un thriller qui me portait. Pour les histoires de zombies, c’est parce que je regarde énormément de séries sur les zombies. Et les histoires de fantômes, c’est parce que je regarde énormément d’histoires de télé-réalité sur Ghost Hunter : « Mais qu’est-ce qu’il se passe ? », « Quoi, qu’est-ce qu’il se passe ? Tu cherches les fantômes, connard ! Il y en a un. », « Qu’est-ce que c’est ? On m’a touché les cheveux. Regarde mes poils, ils sont hérissés. » (rires)
Quel est votre premier souvenir de lecture ?
Il y avait un album de Bécassine très vieux chez moi que je n’arrivais pas à lire. Je voyais tous ces signes qui paraissaient indéchiffrables et je n’avais qu’une envie, c’était de pouvoir les déchiffrer. Sinon, c’était effectivement ce qu’on appelait les « albums dessinés » à l’époque, car c’est plus tard que le terme de « bandes dessinées » est arrivé. Mes parents n’avaient pas vraiment de fric, donc je lisais aussi les livres de mon frère : La bibliothèque verte, Michaël, chien de cirque de Jack London, Le Grizzli de James Oliver Curwood… Des bouquins disons abordables pour des enfants. Jules Verne aussi, mais c’est un peu plus dur.
Quel est votre auteur culte ?
Je n’ai pas d’auteur culte. J’ai des auteurs que j’aime beaucoup : Perec, Colette, James Ellroy… Il y en a d’autres, il y en a plein… Maupassant, Thomas Hardy. Mais je ne peux pas dire que je voue un culte à quiconque.
Si vous pouviez être un personnage de roman, qui seriez-vous ?
Je serais Docteur Dolittle !
Avez-vous un conseil de lecture pour quelqu’un qui ne lit jamais ?
Je leur dirais de commencer avec des images et en suivant du doigt ! Pourquoi les gens ne lisent pas beaucoup ? Parce qu’ils ont des problèmes de lecture ! Quand on voit les dégâts qu’a fait la lecture globale ou semi-globale sur les générations d’enfants que des crétins ont imposée… On devrait leur mettre le nez dedans jusqu’à ce qu’ils étouffent ! Il y a beaucoup d’enfants qui ont des problèmes de lecture et quand on a un problème de lecture dès l’enfance, c’est très dur ensuite de s’en sortir. On peut déchiffrer, mais on ne prend pas de plaisir. Il faut commencer avec des gros caractères et des images.
Avec quel auteur souhaiteriez-vous dîner et que lui diriez-vous ?
J’aimerais dîner avec Jules Renard. Le Journal de Jules Renard… J’adore les journaux d’écrivains parce que ce sont des reportages sur eux-mêmes et sur leur temps. Jules Renard avait l’air d’être un type formidable, en plus d’être drôle, d’avoir de la sagesse, de l’humour.
Selon vous, quel est le rôle de la littérature dans la société ?
En ce moment, c’est d’essayer de se battre. Se battre contre les tablettes, contre le numérique et prouver que sans pile, quand la fin du monde approchera (on est mal barré…), on peut encore s’évader sans batterie, sans rien, avec un bouquin qui ne se décharge jamais.
Pourquoi écrivez-vous et pourquoi lisez-vous ?
Pourquoi j’écris ? Alors ça je ne sais pas ! Je crois que ça fait du bien et qu’écrire me fait « bicher » – maintenant on dit « kiffer » mais avant on disait « ça me fait bicher ». C’est toujours dur au départ, il y a un côté constipation et puis après, hop, ça vient et tu t’amuses avec tes personnages, tu les aimes. On n’est pas seul quand on écrit, quand on avance. Je me fous des coups de pieds au cul pour arrêter de jouer à mes jeux vidéo, parce que je joue à des jeux vidéo en même temps que j’écris… J’ai des royaumes à défendre et c’est compliqué de faire les deux.
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Aller + loin : Discussion avec Alejandro Jodorowski autour de la création et de l’imagination
Photo : Éric Matheron-Balaÿ – Flammarion