Décryptage

La difficulté dans les jeux vidéo : une polémique bien hard

24 avril 2019
Par Dimitri
La difficulté dans les jeux vidéo : une polémique bien hard

La sortie de Sekiro Shadows Die Twice, nouvelle création d’Hidetaka Miyazaki, déjà à l’œuvre sur la série des Dark Souls, est venu rappeler aux gamers ce que « jeu punitif » signifiait. Mais si la difficulté de ses créations est bien connue, elle a cette fois-ci fait polémique, remettant sur le feu une question centrale : les jeux vidéo d’aujourd’hui sont-ils trop faciles ?

FromSoftware, votre partenaire punition

La sortie de Demon’s Souls, voici dix ans, avait permis l’émergence du studio FromSoftware et de son concepteur emblématique, Hidetaka Miyazaki. Ce jeu de Dark Fantasy, plongeant les gamers dans un univers sombre où ils devaient, à coup d’épée ou de sort, combattre d’affreux monstres, s’est révélé d’une difficulté ardue, et d’une profondeur importante. « Abandonne tout espoir » semblait dire ce titre basé sur le besoin de recommencer chaque niveau, les mobs étant capables de vous occire en un seul coup ou presque. Suivie par la trilogie Dark Souls, dont le premier opus a été réédité sur Switch, ce titre avait beaucoup fait parler à l’époque, dans un débat qui avait tout l’air d’une querelle des Anciens et des Modernes ; pour les jeunes joueurs, la difficulté élevée rendait impossible l’amusement, quand les plus anciens arguaient qu’enfin le jeu vidéo, après des années de blockbusters linéaires, retrouvaient un challenge élevé.

dark souls

La difficulté à travers les âges

Dans l’histoire vidéoludique, des titres de légende ont marqué les esprits par leur capacité à défier la gravité : sitôt une partie commencée les manettes prenaient rapidement leur envol, en général en direction du téléviseur… La série des Ghost’n Goblins, Zelda II ou certains shoot’em up, ont contribué à la légende des 8 et 16 bits par leur difficulté, et la satisfaction qu’ils procuraient une fois durement achevés, après de nombreux games over et continue. Un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, où même les séries mainstream de plate-formes, hors Sonic, pouvaient de même s’avérer ardue : à l’époque, pour finir un Castlevania, un Metroid ou un Megaman, il n’existait ni sauvegardes automatiques, ni vies infinies, ni respawn; les moments de déconcentration pouvaient se payer cash, par un retour au début des plus frustrants.

megaman

L’arrivée de jeux comme Tomb Raider ou Super Mario 64, utilisant l’exploration et la 3D, a changé la donne : entre sas de choix de niveaux et système de survie différent, le jeu vidéo sur 32 et 64 bits a basculé vers de nouvelles normes. Les années 2000 auront vu les parties scriptées, la narration linéaire et le mode facile devenir la norme, malgré quelques titres qui, soudain, relevaient un peu plus de l’expérience punitive que du divertissement casual : Ikaruga sur Dreamcast puis PS2 ou Ninja Gaiden sur Xbox auront laissé des souvenirs douloureux mais valorisants aux hardcore gamers.

Aujourd’hui, toujours plus de polémique

La difficulté reste donc l’exception, si ce n’est dans certains modes (« difficile », « réaliste » ou « hardcore ») qui vont donner un peu de fil à retordre aux plus acharnés des joueurs. Parfois, c’est dans la gestion de l’inventaire et des loots que le gameplay va se compliquer par rapport aux titres AAA valorisant le casual gaming. Ainsi, Resident Evil 2 s’est notamment distingué par la présence très limitée de munitions, et la faible capacité des personnages à en emporter. Mais pour ne pas frustrer la majorité des joueurs, les éditeurs ont rendu disponibles, via DLC payantes, le déblocage en un clic de certains éléments, comme des armes à balles infinies, nécessitant de nombreuses heures de jeu et d’essai infructueux pour les obtenir selon la méthode classique.

 resident evil 2

Une concession faite au casual gaming qui ne semble pas être le chemin pris par le dernier titre de FromSoftware, Sekiro Shadows die Twice. La nouvelle création des développeurs de la trilogie Dark Souls aura en effet porter le concept de « difficulté » en argument quasiment commercial. Décourageant, frustrant, punitif, le jeu attire pourtant de nombreux nouveaux adeptes, tant il semble proposer un défi qui, à notre époque, peut sembler totalement élitiste par rapport aux habitudes plus universalistes du secteur. Attirant à lui une communauté pour qui le défi et le gameplay ont autant d’importance que le graphisme, le titre de FromSoftware a le mérite d’adopter une démarche jusqu’au-boutiste : la polémique sur sa difficulté permet notamment aux joueurs d’être informés que le jeu n’est pas pour tous les publics, une segmentation rare pour un titre AAA.

Article rédigé par
Dimitri
Dimitri
Expert jeux vidéo sur tous les supports consoles et PC
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