Cyril Pedrosa sort de la veine intimiste pour proposer une grande fresque médiévale sur l’épopée de la princesse Tilda, évincée du pouvoir par une conspiration entre son frère et sa mère. Bien décidée à ne pas se laisser abattre, Tilda va tenter de reconquérir le pouvoir pour soigner les maux de son peuple. Dans un Raconte-moi un dessin épique, Cyril Pedrosa livre les secrets de la création de L’Âge d’or. Prix BD Fnac France Inter.
[EDIT] Les lauréats du prix BD Fnac France Inter sont Cyril Pedrosa et Roxanne Moreil pour L’Âge d’or.
Cyril Pedrosa : « Je vais vous dessiner un personnage du livre que je viens de publier, co-écrit avec Roxanne Moreil, qui s’appelle L’Âge d’or. Il s’agit du personnage principal : la princesse Tilda. C’est une princesse d’un monde féodal imaginaire qui doit monter sur le trône. Au dernier moment, elle est évincée du pouvoir au profit de son jeune frère, qui a intrigué avec sa mère contre elle, et elle est condamnée à l’exil. L’histoire du livre raconte à la fois la reconquête du pouvoir par la princesse Tilda et tout un mouvement de révolte qui va naître au sein de son peuple. Ce peuple va essayer de s’émanciper du système d’oppression et de domination qui sévit dans le royaume. Les destins du personnage de Tilda et de tous les personnages qu’elle va croiser sont intimement liés à un récit qui s’appelle L’Âge d’or, un récit mythique de ce monde qui se révèle être un livre qui a véritablement existé. Ce livre possède un pouvoir si puissant que, si on l’utilise à bon escient, il est capable de changer le monde. »
Votre titre, L’Âge d’or, fait-il référence au mythe antique sur les différents âges de l’humanité ?
« L’Âge d’or est un récit mythique qu’on retrouve dans de nombreuses histoires, il est censé renvoyer à une époque lointaine où les hommes étaient libérés de toute contingence matérielle. Dans l’histoire, c’est autre chose : c’est le récit d’une époque où les hommes vivaient libres et égaux en droit, décidaient ensemble de leur destin commun, mais c’est aussi un livre qu’on a complètement inventé. Ce que contient ce livre, on l’apprend au fil de l’histoire, donc je ne peux pas trop en parler… C’est le récit des combats passés des hommes pour leur propre émancipation, et bien plus. »
Quelles ont été les étapes dans la création du scénario ?
« Je l’ai co-écrit avec Roxanne Moreil, on a travaillé ensemble pendant assez longtemps, je pense que c’est le scénario sur lequel j’ai travaillé le plus longtemps. On a presque bossé pendant un an sur cette histoire.»
La complexité était de maintenir un récit d’aventure au premier degré et en toile de fond une évocation de l’utopie.
Il fallait interroger la possibilité ou pas de changer le monde, la nécessité de pouvoir encore en parler, et d’espérer qu’un autre monde puisse advenir. Et ça nous a pris du temps pour trouver un juste équilibre entre ces deux formes. »
Et le dessin ?
« Une fois que l’intégralité de l’histoire a été faite avec Roxanne, j’ai commencé à travailler sur la réalisation des dessins. J’ai travaillé seul au début, puis avec l’aide de deux personnes pour les couleurs, car il y a une technique de couleur assez longue et difficile à mettre en œuvre. Les dessins sont faits de manière traditionnelle à la plume et à l’encre, puis chaque trait noir est retravaillé et transformé en un trait de couleur, un peu comme si c’était de la broderie. Ce qui fait que le temps d’exécution est assez long. »
Comment concevez-vous le dessin par rapport à l’histoire ?
« De manière générale, j’essaie de réfléchir au dessin et à la couleur comme un tout. Il y a différentes manières de raconter une histoire, la question n’est pas de savoir ce que je sais faire mais ce que serait la manière idéale de dessiner cette histoire. J’essaie de réfléchir comme ça. Ce qui implique ensuite de dessiner, de mettre en couleurs, de réfléchir au type d’interactions entre le dessin et la couleur, au type de technique. Mais ce n’est pas tellement théorique, en ce qui me concerne c’est même assez instinctif : j’essaie des choses, de m’immerger dans l’histoire qui a été écrite, de retrouver les sensations, les émotions liées à cette histoire.
Pour L’Âge d’or, j’avais fait une première version des pages que j’ai abandonnée en cours de route, car j’avais l’impression de me perdre, de m’éloigner de l’histoire. Roxanne m’a beaucoup incité à aller chercher des références, à aller puiser dans un vocabulaire qui ne m’était pas naturel. Donc je suis parti vers la tapisserie, l’enluminure, la Renaissance flamande, Bruegel… Ce sont des références qui sont soit des représentations médiévales de l’art, soit de la pré-Renaissance, de ces moments de transition, comme quand l’usage de la perspective n’est encore pas complètement défini, pas fermé. Ça m’a permis d’amener un peu d’étrangeté et de bizarrerie dans le dessin, ce qui a renforcé l’aspect féerique de l’histoire. Maintenant que le premier volume est terminé, je pense que c’était le bon choix : ça amène une luminosité étrange dans les couleurs. C’est vraiment l’expérience qui me permet de me rendre compte de ça. Je n’ai pas forcément de vision, d’images colorées qui émergent quand je pense à l’histoire, c’est vraiment par l’expérience et par la recherche que je finis par y arriver. »
Qu’en est-il de la suite de L’Âge d’or ?
« J’ai déjà commencé le deuxième volume, j’aimerais qu’il soit terminé pour décembre de l’année prochaine, j’ai un peu plus d’un an pour le faire, donc il ne faut pas que je traîne trop. J’ai fait une vingtaine de pages à peu près, la deuxième partie va être assez longue à faire parce que c’est la guerre. J’ai des châteaux forts à dessiner, des chevaux au galop, des archers, des fantassins qui partent à l’assaut des murailles. C’est super marrant à dessiner, mais c’est assez long, je pense que ça va demander beaucoup de travail. »
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Prix BD Fnac France Inter
Parution le 7 septembre 2018 – 228 pages
L’Âge d’or – Tome 1, Cyril Pedrosa, Roxanne Moreil (Dupuis) sur Fnac.com
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Visuels d’illustration © Cyril Pedrosa / Dupuis 2018