Quand le compteur tourne et finit par retomber sur un chiffre rond, la perche nous est tendue pour un coup d’œil dans le rétro en bonne et due forme. Parce que la bonne musique ne se démode jamais vraiment, l’occasion de (re)découvrir un artiste, musicien, une œuvre est toujours un plaisir. Aujourd’hui, l’incontournable Nino Ferrer.
Déjà 20 ans
Il y a tout juste 20 ans, l’incontournable Nino Ferrer s’est tristement envolé vers d’autres cieux que ceux de sa région d’adoption (Le Lot). Sous prétexte de la parution d’un super bouquin, d’une anthologie en 3CDs et de la réédition au format vinyle de quelques-uns de ses albums cultes, petit retour sur l’un des trublions les plus marquants et les plus inspirants de la chanson et de la pop française des années 1960, 1970 et 1980.
Rhythm & Blues sauce française !
Alors qu’en France le monde de yéyés se concentre sur des reprises de rock’n’roll anglo-saxon, Nino Ferrer fait office de précurseur en reprenant, adaptant ou en composant des titres en phase avec le son afro-américain publié par Stax ou Atlantic records qu’il chante en français sur un mode souvent humoristique, qu’il regrettera longtemps. Grand connaisseur de musiques noires, le french soulman et ses acolytes (dont le grand Bernard Estardy) fait le bœuf avec Booker-T et Otis Redding de passage en France, il est capable néanmoins de capter et retranscrire brillamment ces grooves que très peu de monde considère dans cette première moitié des sixties. Tout du moins dans l’hexagone. Illustration de l’évidente maitrise de l’équipe avec « La Bande à Ferrer », un titre en forme de CV improvisé.
« Mirza », « Les Cornichons », « Le Telephon », « Ho-Hé-Hein-Bon »… Des succès rentrés aujourd’hui dans le patrimoine collectif et populaire français au même titre que ceux de Claude François, Dutronc, Johnny, m’sieur Eddy et consorts. A cette époque on trouve aussi des faces B plus caustiques, cyniques, sombres ou mordantes. « Mao & Moi », « Je voudrais être Noir », « Longtemps Après », « Mon Copain Bismark », « Au Bout De Mes Vingt Ans »… Une ambivalence qui jalonnera la carrière de Nino Ferrer jusqu’au bout.
Retraite campagnarde et rock progressif
A partir de 1969, Ferrer n’a pas les mêmes intentions que les maisons de disques parisiennes qui voudraient le voir réitérer les succès qui ont lancé sa carrière. Lui voit les choses autrement. Différente époque (les débuts des années 1970), différentes envies et surtout le nécessaire besoin de proposer sa musique au public sans le filtre du showbiz. C’est ainsi qu’il enregistrera une série d’albums qui sont aujourd’hui réédités en vinyle. La première fois pour certains. Loin de reprendre les formules d’un R&B espiègle et rigolard, des disques tels que Le Sud, Metronomie, Blaniat ou Nino and Leggs lorgnent plus du côté d’un rock progressif, voire d’avant-garde.
A l’image de ce que le couple Gainsbourg/Vannier publie à cette même période (Histoire de Melody Nelson), ces albums, exception faite pour le Sud (primo version sur Nino et Radiah), ne rencontrent qu’un succès commercial mitigé bien qu’ils soient recherchés ardemment par les collectionneurs depuis des années.
Pas de grosses ventes certes, mais au regard de sa production musicale publiée jusqu’à sa mort tragique en 1998 (suicide), Nino Ferrer sera finalement consacré posthume comme un auteur, compositeur et arrangeur majeur de la pop music française. Une route assez singulière qui a inspiré plusieurs générations de chanteurs et musiciens. En témoigne les nombreux tribute, hommages et reprises que le monde de la chanson d’hier et d’aujourd’hui lui consacre depuis.
Vous voulez en savoir un peu plus sur ce drôle d’animal qu’était Nino Ferrer ? Profitez donc de cet anniversaire pour vous procurer l’excellent bouquin d’Henry Chartier qui vient tout juste de paraitre. Et on ne pourra que vous vous conseiller de l’accompagner de la bande son adequate de nouveau disponible pour les 20 ans de sa disparition.
Avec Nino c’est toujours en été… Pour l’éternité.